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1.
Les acteurs du service de leau dans les petits centres et les
quartiers périubains
1.1 Un paysage en évolution
rapide
Le paysage institutionnel du secteur de l'eau
potable dans les villes africaines s'est notablement enrichi depuis
dix ans. à la fin des années 80, il se résumait à
la toute puissance des entreprises publiques de distribution d'eau, échappant
au contrôle des municipalités et ne se préoccupant
pas sérieusement de répondre à la demande des
familles à revenus modérés.
Le désengagement de l'État aidant, de
nouveaux acteurs sont apparus dans le champ des services urbains
(associations d'usagers, ONG, petites entreprises...) ou bien des
acteurs existants ont développé une autonomie accrue
(collectivités locales). Ils ont alors cherché à étendre
leur activité et se sont naturellement heurtés aux
situations de monopole un peu rigides héritées des périodes
antérieures. Dressons un rapide inventaire de ces nouveaux
acteurs.
1.2 Les collectivités
locales
Les collectivités locales ont longtemps été
cantonnées au rôle de "courroie de transmission"
du pouvoir central. Cette situation était particulièrement
frappante dans des pays comme le Mali, le Burundi ou le Togo, où
les élus locaux ne semblaient avoir aucune prise sur les
services publics comme l'eau potable. Dans les pays d'Afrique
francophone, il n'y avait guère qu'au Rwanda que les communes
(via les régies communales) disposaient de véritables
pouvoirs en matière de service de l'eau. Depuis six ans, de
nombreux pays sont engagés dans un processus de décentralisation
qui attribue aux collectivités locales des prérogatives
importantes (sinon des moyens) pour assurer le service public de l'eau
potable.
1.3 Les associations de
base
Dans les quartiers défavorisés des
grandes villes (comme à Port-au-Prince, Bamako ou Dakar), pour
compenser la faiblesse et l'inefficacité des structures
municipales, la société civile s'organise en de
multiples associations (églises ; associations de jeunes, de
femmes, de quartier...). La grande majorité de ces associations
sont tentées d'investir le champ des grands services publics
(eau potable, éducation, santé, voirie...) pour donner
un sens à leur engagement, bien que ce type de prestation ne
fasse pas vraiment partie de leur objet social.
1.4 Les comités de
gestion de réseaux de distribution deau
A l'issue de nombreux projets de construction de
systèmes d'alimentation en eau potable, les promoteurs du
projet mettent en place une structure nouvelle, à laquelle
l'exploitation du système est confiée. Cette structure
est souvent choisie à l'issue d'un processus de cooptation, qui
mobilise parfois une partie très importante de la population
concernée. Elle dispose donc d'une réelle légitimité
" élective ", renforcée par la présence
fréquente des notables traditionnels. Ceci a des avantages (une
influence réelle sur les usagers du réseaux de
distribution), mais aussi des inconvénients (un certain
conservatisme et la mise à l'écart de certains groupes
sociaux : captifs, femmes, jeunes, étrangers...).
Le rôle de ces comités ad hoc (c'est-à-dire créés
par les projets, avant tout pour servir les objectifs de pérennité
définis par les projets - cf. Tanawa, AR 8) est particulièrement
important dans les petits centres, où les liens coutumiers et
le poids des alliances familiales l'emportent sur toute autre considération.
Ces liens jouent encore un rôle important dans une ville de 50
000 habitants, comme Mopti (cf. Bouju, AR 10) mais tendent à
s'estomper dans les grandes métropoles comme Dakar (cf.
Champetier et Durand, AR 9).
1.5 Les exploitants délégués
Il s'agit des entreprises ou des particuliers qui négocient
avec l'État ou des collectivités locales la concession,
l'affermage ou la délégation de gestion d'un système
de distribution d'eau. Ce type d'opérateur n'a pas la prétention
de représenter les usagers ou de parler en leur nom, mais de
leur fournir un service de qualité, bien adapté à
leur demande.
En Mauritanie, Tidiane Koita (AR 9) a interviewé ces
concessionnaires et son rapport d'étude dresse un portrait très
fin de leur activité, de leurs attentes et de leurs
revendications. Il montre bien leur frustration de ne bénéficier
d'aucune légitimité juridique, tant auprès de
l'administration centrale que par les collectivités locales,
alors qu'ils assurent l'essentiel des tâches qui permettent de
fournir de l'eau à la population.
1.6 Les organismes dintermédiation
Ce sont des nouveaux venus dans le secteur de la
distribution d'eau potable. Confrontés au manque de
communication et de négociation entre les représentants
de l'État et ceux des usagers, des ONG et des bureaux d'études
prennent une place centrale dans la négociation de nouveaux
modes de gestion des services publics dans les grandes villes, comme
Bamenda (cf. De Boismenu, AP 6) ou Port-au-Prince (cf. synthèse
de l'étude pilotée par HydroConseil, AR 9).
2.
Analyse comparative des performances de divers systèmes de
gestion déléguée des points deau collectifs
Les études de cas et les enquêtes réalisées
en première phase de l'action de recherche pilotée par
le Burgeap (AR 2) ont mis en lumière la grande diversité
des solutions institutionnelles retenues dans les différents
contextes (la synthèse de la recherche pilotée par le
Burgeap a largement inspiré les paragraphes suivants). Face à
cette diversité, l'équipe de recherche s'est attachée
avec succès à structurer une approche cohérente
concernant l'organisation du service, le rôle des usagers, la
prise en charge des différents coûts, l'organisation du
service et son rapport avec les structures locales, les rapports entre
projets et politique nationale, et enfin les rapports entre les différents
intervenants.
2.1 Des espaces "intermédiaires"
longtemps ignorés
Dans la plupart des pays étudiés,
l'organisation des services d'eau potable distingue les milieux
urbains et ruraux. Les petits centres et les quartiers périurbains
ont la particularité d'être des espaces intermédiaires
au regard des catégories précédemment définies,
négligés par les organigrammes institutionnels et, ce
faisant, relevant tantôt des instances de gestion urbaines, tantôt
des administrations en charge des zones rurales.
2.2 L'échec gestionnaire
des premières générations de projet et la diffusion
des dispositifs de gestion déléguée
Les résultats gestionnaires de la première
génération de projets d'hydraulique villageoise furent médiocres,
soit que la défaillance rapide des pompes ait provoqué
le retour des utilisateurs aux points d'eau traditionnels, soit que
les conditions de fonctionnement des nouvelles installations n'aient
pas permis de détourner les habitants de leurs pratiques
d'approvisionnement antérieures. On connaît par ailleurs
le bilan désastreux de nombreux réseaux municipaux de
bornes-fontaines, dont beaucoup ont été abandonnés
dans les années 70 ou fermés dans les années 80
en raison d'importants arriérés de paiement dûs
par les municipalités aux sociétés d'eau, et de
la détérioration de nombreuses installations locales
faute d'entretien.
La diffusion de la gestion déléguée en milieu périurbain
a, quant à elle, deux causes principales : les recommandations
des bailleurs concernant le paiement de l'eau (conformes aux
recommandations faites dans le cadre des programmes d'ajustement
structurel) et la reconnaissance des pratiques de revente de l'eau par
les abonnés privés qui se généralisent
dans la décennie 70.
2.3 Du modèle rural au "modèle"
de gestion communautaire
Le modèle communautaire est surtout répandu
en milieu rural et dans les petits centres (moins de 10 000
habitants), où les solidarités et les pouvoirs
traditionnels sont encore forts. Un collectif d'habitants, représenté
par un comité ou une association, est responsable de la
fourniture du service de production/distribution de l'eau, à
partir d'installations souvent financées dans le cadre d'un
projet, et presque toujours propriété de l'État.
La vente de l'eau est confiée à des fontainiers, salariés
ou rémunérés à la marge, tandis que le
comité ou l'association est parfois lié à un
prestataire de service pour l'entretien. Les relations entre les différents
acteurs sont rarement explicitées dans le cadre d'un document
(contrat) écrit. Ce modèle est le plus répandu et
il atteint une importance particulière au Sénégal,
où plus de 800 adductions sont ainsi gérées.
Les avantages théoriques de ce modèle sont d'assurer la
" participation " des populations, c'est-à-dire leur
responsabilisation et leur représentation, et la pérennité
du dispositif en prévoyant explicitement les modalités
de financement du fonctionnement et de la maintenance (tarifs et
modalités de recouvrement) et parfois celles du renouvellement
partiel des installations (avec des procédures d'épargne
plus ou moins forcée). Ce système d'exploitation a également
l'intérêt de limiter les charges de gestion (assurées
par des délégués souvent bénévoles),
mais cela risque de se faire au détriment des performances du
système. La professionnalisation des membres des comités
de gestion constitue donc un enjeu important, qui a été
très largement abordé dans le cadre de l'action-pilote
de l'AFVP et ISF au Sénégal (AP 2).
2.4 Du modèle urbain au "modèle"
de distribution déléguée
La délégation de la distribution aux
bornes-fontaines à des gérants privés tend à
se généraliser dans les milieux urbains et périurbains
d'Afrique noire, où les liens traditionnels sont moins forts,
les habitants plus individualistes, et donc les actions communautaires
plus difficiles à mettre en oeuvre (cf. Tanawa, AR 8).
L'entreprise concessionnaire du service de l'eau à l'échelle
nationale (qu'elle soit publique ou privée), intègre les
fonctions de production, transport et distribution, mais elle
externalise le segment aval de la filière.
Les responsabilités liées à la vente au détail
de l'eau et à l'entretien des points de distribution sont déléguées
à un exploitant généralement privé
(parfois associatif). Elles sont généralement consignées
dans un contrat écrit plus ou moins détaillé.
Imposé au fermier, ou au gérant, par le concédant,
ce contrat est plus destiné à préserver les intérêts
de ce dernier qu'à assurer la qualité du service aux
usagers. Ce service est d'ailleurs souvent assuré par un
fontainier, recruté par le gérant, rémunéré
par lui (au forfait ou à la marge) et, de fait, exclu de la
relation contractuelle formalisée.
Les principaux apports de ce dispositif sont doubles : améliorer
le service de proximité en responsabilisant un tiers proche des
usagers et potentiellement soumis à leur pression ; alléger
les coûts de gestion de l'autorité concédante en délocalisant
l'aléa d'exploitation.
Exclues de la contractualisation, les normes de qualité du
service de distribution ne sont pas régulées : aucune
instance n'est officiellement chargée de définir le
niveau des prestations, de les transcrire dans un cahier des charges
et de surveiller le respect de ce dernier. Le déficit de cette
fonction de régulation est d'ailleurs l'un des traits marquants
qui ressort de très nombreuses études de cas. En
revanche, la sûreté procurée par le transfert du
risque d'exploitation est réelle, toute une série
d'outils (caution, rachat de caution, fermeture du compteur)
permettant à l'autorité concédante d'encadrer
l'activité marchande du délégataire (ceci est
bien illustré par les résultats de l'action-pilote menée
par les villes jumelées au Mali, AP 5).
2.5 Dysfonctionnements et rapprochement
des deux "modèles"
Les principaux dysfonctionnements identifiés
peuvent être classés en trois grands groupes :
ceux issus de défauts de conception des systèmes
de desserte ;
ceux qui résultent de pratiques antérieures à
l'organisation de la gestion déléguée qui, en
persistant, viennent en parasiter le fonctionnement ;
ceux issus d'un fréquent décalage entre la définition
formelle des rôles et des fonctions d'une part, les
responsabilités et les usages empiriquement construits sur le
terrain d'autre part.
Face à ces difficultés, la tendance
actuelle semble de tenter de tirer " le meilleur " de chacun
des deux " modèles ", sans aller jusqu'à une "
standardisation " des modèles de gestion des points d'eau
collectifs, urbains et ruraux, car les contraintes qui s'y imposent
sont trop différentes.
S'inspirant de l'affermage, ces modes d'exploitation nouveaux
reposent sur une " désintégration " de la chaîne
gestionnaire (plusieurs opérateurs se partagent les rôles),
une contractualisation croissante des fonctions (parfois sous la forme
d'une cascade de contrats : affermage, vente au détail,
entretien) et la recherche de relations triangulaires stables
favorisant l'intervention d'un tiers dans la régulation du
service.
2.6 Un éventail d'acteurs et
d'initiatives élargi, mais des fonctions souvent mal définies
Les fonctions à assumer sont schématiquement
au nombre de cinq : la maîtrise d'ouvrage, la fonction de
tutelle et de régulation, l'exploitation, la vente au détail
et la maintenance. Une caractéristique majeure de la gestion déléguée
des points d'eau collectifs est ainsi la parcellisation des
responsabilités, confiées à des acteurs de nature
et de statut très divers - administrations centrales et
locales, entreprises privées, collectifs de nature associative
(comités et associations d'usagers), individus (fontainiers, gérants
privés sous contrat) - et aux logiques potentiellement
divergentes voire antagoniques. Elle n'est toutefois pas sans
comporter des risques, puisque l'efficacité et la fiabilité
du dispositif dépendent de la qualité des fonctions de
coordination et de régulation de l'ensemble, ainsi que des coûts
de transaction induits, difficiles à maîtriser, qui
peuvent être aussi élevés que les anciens frais de
structure. En outre, les études de cas révèlent
que la ventilation apparemment claire des fonctions est constamment "
brouillée ". Plusieurs causes à l'origine de cette
confusion doivent être soulignées :
- Les conditions de l'investissement perturbent
durablement la distribution des rôles, la responsabilité
de maître d'ouvrage semblant souvent partiellement vacante. En
réponse à ces difficultés, de nombreux pays ont
prévu des modalités de transfert, total ou partiel, de
la maîtrise d'ouvrage à des instances locales.
- La modicité des moyens des
administrations publiques rend caduque la fonction de tutelle/régulation
qu'elles sont censées exercer, lencadrement très
lâche de l'administration laissant le champ libre à
d'autres pouvoirs de contrôle "informels".
- La place et le rôle du comité de
point d'eau, dans le modèle de gestion "communautaire",
sont grevés d'incertitudes, le principe du bénévolat,
imposé par les projets, posant problème, dans un
contexte de décentralisation,
- De manière générale,
l'enchevêtrement de réformes inégalement
abouties et partiellement contradictoires entretient la confusion.
Les limites à l'intervention publique ouvrent
la voie à une intervention renforcée des opérateurs
privés, et renforcent la nécessité de structurer
leurs relations avec les autres intervenants dans le cadre d'accords
opérationnels.
2.7 Des usagers-payeurs
et
quelques incertitudes
Dans tous les exemples étudiés, le
paiement de l'eau par les usagers finaux a été intégré
mais ses modalités de calcul et de recouvrement varient considérablement.
-
Il est partout acquis que les tarifs doivent couvrir au minimum les
coûts de fonctionnement et de maintenance
-
Compte tenu du coût des infrastructures dans les périmètres
habités à faible densité (villages, petits
centres et périphéries urbaines) et du faible pouvoir
d'achat moyen de leurs habitants, l'idée prévaut que
les investissements de base doivent être assumés par
les États, ou une entité territoriale disposant de
l'assise financière suffisante, avec l'aide de bailleurs extérieurs
(prêts ou dons)
-
Ce partage des coûts ne doit cependant pas masquer les dépendances
croisées. Ainsi les choix techniques, qui déterminent
le montant de l'investissement initial, influencent les coûts
de fonctionnement : un investissement "bon marché"
pouvant par exemple induire d'importants coûts récurrents.
Une consultation précoce des différents partenaires,
dans le but de concilier des intérêts potentiellement
divergents entre bailleur, propriétaire, exploitant et
usagers, semble ainsi nécessaire à la bonne gestion
ultérieure du dispositif.
-
Les plus grandes incertitudes concernent le financement des coûts
de renouvellement et d'extension et la question de l'évolution
de l'ouvrage (possibilités de branchements individuels par
exemple) et de son extension physique pour desservir de nouveaux périmètres
urbanisés est rarement explicitement posée.
L'efficacité du service rendu est étroitement
liée à une prise en compte de la demande réelle,
l'usager se comportant comme un consommateur devant arbitrer le coût
du service/offre, mais également comme un exploitant pour ce
qui concerne les dépenses de maintenance et de renouvellement
dans le cadre des associations d'usagers, de comités de gestion
ou de comités de points d'eau.
3.
Evolution des politiques nationales, mise en uvre de ces
politiques et logiques des projets
3.1 Les conséquences des
politiques de décentralisation
La plupart des pays d'Afrique se sont lancés
dans une décentralisation relativement forte du service de
l'eau, avec transfert de certaines compétences des services de
l'État vers les communes. Celles-ci n'ont pas pour autant été
dotées de ressources supplémentaires (notamment
fiscales) et ce transfert ressemble donc parfois à un " lâchage
" par l'État d'un service dont il ne pouvait plus
supporter le coût.
3.2 Vers une privatisation des
entreprises publiques
La plupart des pays africains sont engagés
dans la privatisation de l'entreprise publique qui disposait du
monopole de la distribution de l'eau dans les grandes villes. Ce
processus s'inscrit parfaitement dans les politiques d'ajustement
structurel et il bénéficie de la sollicitude de tous les
bailleurs de fonds. Ce transfert ne s'accompagne pas nécessairement
d'une extension du service de l'eau (vers de plus petits centres) ou
d'une restriction de ce service aux usagers " bons payeurs ",
comme pourrait le faire craindre la doctrine " libérale "
qui sous-tend ces processus.
Ce qui est observé sur le terrain semble plutôt une
privatisation " à périmètre constant ",
qui s'explique par le poids énorme des investissements à
consentir pour installer de nouveaux réseaux, un poids que les
nouvelles entreprises privatisées se refusent à
supporter elles-mêmes. La privatisation ne porte donc que sur
l'exploitation des réseaux existants, qui restent souvent
propriété de l'État, dont les intérêts
sont parfois représentés par une société
de patrimoine. Les extensions éventuelles sont laissées à
la charge de l'État.
3.3 Le développement des
opérateurs privés locaux
A côté des entreprises d'envergure
nationale, on constate l'apparition et le développement rapide
d'autres entreprises privées, qui assurent une partie précise
du service de l'eau (réparateurs, gérants de
bornes-fontaines, concessionnaires de petits réseaux,
charretiers, camionneurs...). Ces acteurs ont été
particulièrement étudiés dans le cadre de
l'action de recherche pilotée par HydroConseil (AR 9), et
apparaissent dans pratiquement toutes les études comme étant
particulièrement importants, bien que mal pris en compte par
les politiques nationales.
Le développement de ces acteurs semble participer de la même
philosophie que celle qui soutient la privatisation des entreprises
nationales, mais elle se heurte encore à de nombreux obstacles
:
- un cadre juridique (fiscal et social) mal adapté
aux petits entreprises,
- l'absence de juridiction du commerce performante,
- l'abus de position dominante des entreprises
publiques récemment privatisées,
- la jalousie des fonctionnaires à légard
des opérateurs privés,
- l'absence d'organismes de régulation à
l'autorité universellement reconnue, qui définiraient
et feraient respecter " les règles du jeu ".
3.4 Les contraintes dune
urbanisation mal contrôlée
Dans les grandes villes, l'urbanisation échappe
très largement au contrôle des pouvoirs publics, car la
plupart des maisons sont construites sans titres fonciers et sans
permis de construire (cf. Tanawa, AR 8 et Valfrey, AR 9). Les
quartiers populaires, souvent dépourvus de voies de desserte,
sont difficiles à approvisionner en eau selon les normes
habituelles en milieu urbain, d'autant plus que leurs habitants ont un
niveau de vie qui ne leur permet pas d'accéder au service à
domicile classique.
Il devient donc urgent de mettre en oeuvre des politiques de service
public plus réalistes, qui prennent en compte l'ensemble des
besoins des usagers (y compris les plus pauvres), et l'ensemble des
points d'eau qu'ils utilisent (y compris les plus vulnérables,
comme les puits et les sources). Ce thème encore très
peu défriché a été étudié
dans le cadre d'actions-pilotes à Yaoundé (cf. Adeline,
AP 1) et à Kindia (cf. Romann, AR 1).
3.5 Transcender la logique de "projet"
Les projets présentent souvent un caractère
introverti. Pour éviter les imprévus et satisfaire les
donneurs d'ordre (bailleurs de fonds et administrations centrales),
ils restent peu perméables à leur environnement et à
la demande des populations :
- l'addition de projets non coordonnés accroît
les risques d'inégalités entre les régions ou
les villes ;
- labsence de coordination entrave aussi la création
d'une politique nationale cohérente en matière de
service de leau ;
- le projet tend à enfermer le raisonnement
dans "son" territoire d'intervention, qui n'est pas nécessairement
le plus pertinent au regard des dynamiques gestionnaires qu'il tente
de promouvoir ;
- le maître duvre dun projet
est tenu à une exigence de résultat quantitatif qui le
pousse à " sauter " des étapes
importantes (comme le cofinancement du système par les
utilisateurs) pour satisfaire son client (Tanawa, AR 8) ;
- le maître duvre du projet tend à
pérenniser son existence, au travers de structures
artificielles, constituées pour loccasion et à
la viabilité douteuse.
Dans un domaine en évolution aussi rapide que
celui de l'AEP des petits centres et des quartiers périurbains,
l'un des enjeux importants pour les États et les bailleurs de
fonds sera donc d'arriver à " transcender " les
approches " projet ". Cela implique trois choses :
- inscrire toutes les actions financées par
les différents bailleurs de fonds dans des politiques
nationales cohérentes, appuyées par un important
travail législatif et institutionnel ;
- imposer aux maîtres doeuvre des projets
des objectifs moins rigides, mais exiger deux une réelle
prise en compte de la demande et des acteurs locaux ;
- limiter les risques dintroversion, favoriser
les montages de projet qui associent contractuellement de multiples
acteurs locaux, en évitant de créer des structures
nouvelles, dont la survie soit directement liée à
celle du projet.
4. Légitimité
et stratégie des nouveaux acteurs du domaine de leau se réclamant
dune représentativité collective
4.1 Quelle légitimité ?
Une légitimité ? Pour en
faire quoi ?
Pourquoi doit-on se poser la question de la légitimité
des nouveaux acteurs du domaine de l'eau potable ? Malgré leur
influence sur la vie sociale, on ne se pose pas la question de la légitimité
des marchands de grain ou des griots.
La légitimité des acteurs du domaine de leau est
une question sensible car :
- il sagit de lun des services publics de
base, autour desquels beaucoup de sociétés humaines se
sont structurées ;
- la qualité de ce service a un impact
important sur la santé publique ;
- ce service génère un volume dactivité
important, en termes de chiffre daffaire et de nombres demplois
et il constitue donc un enjeu de pouvoir économique ;
- la maîtrise du développement urbain
passe par celle des services structurants comme celui de leau
potable et ce service constitue donc un enjeu de pouvoir politique.
Cette question ne se posait guère tant que ce
service était assuré par l'État et les
municipalités, et tant que la légitimité de
celles-ci n'était remise en cause par personne (faute
d'opposition, ou à cause de la répression de toute
opposition). Mais depuis une dizaine d'années, le paysage
politique et institutionnel s'est largement étoffé en
Afrique et de nouveaux acteurs, revendiquant un rôle croissant
dans la gestion des services publics, sont apparus. Plusieurs acteurs
se réclamant de différentes sources de légitimité
peuvent même se retrouver en situation de concurrence.
La légitimité élective
Il est extrêmement difficile d'organiser des élections
dans des villes où la population est peu alphabétisée,
mal recensée, mal informée.
L'élection au suffrage universel direct des structures représentant
les usagers est donc aussi rare en Afrique qu'en Europe. Les rares
exemples concernent généralement de petites communautés
de quelques dizaines de familles. Dans les villes, où
l'effectif de la population est trop élevé, on procède
plutôt à des scrutins partiels (ne votent que ceux qui
veulent participer à l'assemblée générale)
et indirects (délégués de borne-fontaine, comité,
bureau permanent).
La légitimité traditionnelle
L'accord des anciens (cf. Bouju, AR 10, qui a étudié le
cas de Mopti) ou des dignitaires religieux constitue souvent un moyen
très efficace d'acquérir une certaine légitimité.
Ces notables sont donc souvent courtisés par les projets et par
les comités ad hoc, sans toujours être trop regardant sur
les éventuelles contradictions d'intérêts entre
ces notables (qui possèdent des terres, des sources...) et le
service public.
La légitimité officielle
Pendant longtemps, la légitimité des entreprises qui géraient
l'eau n'a reposé que sur le soutien indéfectible que
leur apportait l'État, en leur garantissant une situation de
monopole. L'accord de l'administration est d'ailleurs toujours considéré
comme une source importante de légitimité, et c'est ce
qui explique le rôle prépondérant que celle-ci
peut jouer lors de l'attribution des concessions de bornes-fontaines
(cf. Champetier et Durand, AR 9, pour l'exemple de Dakar ou Morel à
l'Huissier et Verdeil, AP 5, pour celui des villes maliennes).
Enfin, et c'est un peu paradoxal, le soutien des bailleurs de fonds
internationaux est un moyen efficace d'accéder à une
certaine légitimité locale, bien que ces bailleurs n'en
disposent pas par eux-mêmes dans les pays où ils
financent des projets. Par exemple, l'entreprise qui a gagné un
affermage après un appel d'offres validé par un bailleur
de fonds international jouit d'une position solide, garantie par le
contrôle de l'appel d'offres effectué par les experts du
bailleur de fonds.
4.2 Les stratégies pour
gagner la légitimité
Fournir un service de qualité
Contrairement à ce que l'on a parfois tendance à dire,
les habitants des quartiers populaires ne sont pas de simples
marionnettes entre les mains d'acteurs plus ou moins démagogues.
Ce sont d'abord des usagers, des chefs de familles confrontés
quotidiennement aux difficultés de l'approvisionnement en eau.
Celui qui fournit un service de qualité, à un prix
abordable, bénéficiera donc toujours auprès d'eux
d'une indéniable légitimité. Les concessionnaires
privés des petits réseaux de distribution d'eau en
Mauritanie, qui ne bénéficient d'aucune protection
juridique, s'appuient largement sur ce type de soutien pour garantir
leur emploi et, en pratique, aucun concessionnaire sérieux n'a
jamais été évincé de son poste jusqu'à
présent. Le soutien des usagers satisfaits constitue donc une
source de légitimité extrêmement forte.
Fournir un service à coût modéré
Au lieu de jouer sur la qualité du service, certains opérateurs
du secteur de l'eau tentent parfois de jouer sur le prix du service.
Moyennant quelques entorses aux règles qui garantissent la
qualité de l'eau, on peut en effet réduire son coût
de production. Ils acquièrent ainsi une légitimité
réelle (ce sont ceux qui fournissent le service le moins coûteux)
mais peu compatible avec la santé publique.
Mobiliser les usagers
Pour un nouvel arrivant dans le paysage institutionnel, la manière
la plus " légitime " d'acquérir de la légitimité
est de mobiliser les usagers autour de son programme ou de ses
actions. Les opérateurs de type " associations d'usagers,
comités de gestion... " ont donc tendance à
organiser beaucoup de réunions et d'assemblées générales
de la population (cf. Tanawa, AR 8) et il n'est pas rare que les
nouveaux leaders fassent ensuite une carrière politique.
Il y a toujours un certain risque de dérive " populiste "
dans ce genre d'exercice, mais, réciproquement, celui qui
organise une assemblée générale s'expose à
la critique, et de nombreuses études ont montré que ce
sont les acteurs les moins efficaces (et les moins scrupuleux) qui évitent
ce risque, tant dans les grandes villes (comme à
Port-au-Prince, où certains comités de l'eau hésitent
à présenter leurs comptes en assemblée générale)
que dans les petits centres.
Subventionner le service de leau ou
en reporter la charge sur dautres
Pour un homme politique, un bon moyen d'asseoir sa popularité
a toujours été de fournir un service public gratuit ou
largement subventionné, tout en reportant le poids des charges à
couvrir sur d'autres (l'État, les générations
futures...). Ce type de stratégie est fréquemment adopté
par quelques hommes politiques pour se faire élire, constituant
alors une difficulté majeure pour la mise en place de
politiques de recouvrement des coûts efficaces. Ainsi, dans
certains pays, des considérations de politique interne peuvent
ruiner les efforts de rationalisation entrepris par les sociétés
distributrices.
Incorporer les leaders politiques locaux
On retrouve des élus locaux (maires, députés,
etc.) dans de nombreux comités de gestion de systèmes de
distribution d'eau. Cette participation est évidemment un atout
quand le comité doit négocier avec l'État une
subvention, un nouvel équipement, un raccordement au réseau
électrique, etc. Mais il est généralement bien
difficile de savoir qui profite le plus de la légitimité
de l'autre : le comité qui bénéficie des réseaux
d'influence d'un leader politique, ou ce dernier qui revendique le
soutien populaire d'associations d'usagers qu'il a plus ou moins
infiltrées.
Négocier la reconnaissance des
autres acteurs
Faute d'une légitimité directe (c'est-à-dire
apportée par la population concernée), certains acteurs
concentrent leurs efforts sur la reconnaissance de leur importance par
d'autres acteurs puissants du même secteur. Ce processus de "
légitimation réciproque " est extrêmement
pervers, car il permet à des acteurs dépourvus de toute
légitimité de se renforcer mutuellement jusqu'à "
occuper le paysage ".
Ce type de procédé est assez répandu dans les
villes où la situation est tellement conflictuelle qu'elle
semble durablement figée. Plusieurs acteurs rivaux peuvent
alors trouver un intérêt réciproque à se
reconnaître une certaine légitimité, en échange
d'un partage du pouvoir.
C'est une pratique courante à Port-au-Prince, entre les
organisations de base, affiliées à des partis politiques
aux rapports très conflictuels (cf. Mathieusand, AR 5, et
Valfrey, AR 9). Cela semble également l'un des processus qui a
permis le démarrage de la concertation à Bamenda (cf. de
Boismenu).
Simposer par la force
Sur le plan de la morale, le puissant qui impose sa prééminence
par la violence semble dépourvu de toute légitimité.
Il serait cependant naïf d'oublier que la légitimité
de nombreux régimes s'est construite par la violence. Ensuite,
si ces régimes veulent atteindre une certaine stabilité,
il leur faut évidemment assurer une certaine qualité de
service public. Mais une certaine dose de violence n'est pas
inefficace et des régimes notoirement inefficaces (comme celui
de Mobutu au Zaïre ou de Duvalier en Haïti) ont pu durer
plusieurs dizaines d'années, en asseyant leur légitimité
sur un savant dosage de corruption et de violence physique.
La violence physique est également un moyen très utilisé
par certains opérateurs privés qui veulent se préserver
les avantages d'un marché captif. Ainsi, à
Port-au-Prince, les gérants de bornes-fontaines ont-ils
longtemps été des " tontons-macoutes ". Et on
peut imaginer les luttes que se livrent les bandes armées
autour des stations de pompage de Mogadiscio ou de Freetown.
4.3 Limportance accordée
à la contractualisation
La contractualisation entre les différents
acteurs est un thème traité de plus en plus sérieusement
dans le cadre des programmes d'approvisionnement en eau potable. Ce
n'est d'ailleurs pas une spécificité des services de
l'eau. Les actions de recherche et les actions-pilotes menées
dans le cadre de ce programme ont donc très souvent débouché
sur la négociation de contrats.
Cette grande importance accordée au processus de
contractualisation est une chose relativement nouvelle. Par exemple,
les projets de contrats élaborés par la DEM (Direction
de lexploitation et de la maintenance) au Sénégal
(dès 1984) pour la délégation de gestion des
stations de pompage motorisées, n'ont jamais été
mis en application sans que cela semble gêner grand monde.
La contractualisation est aussi un processus de légitimation réciproque
entre les diverses parties au contrat. Chacun reconnaît
explicitement l'importance de l'autre et accepte de partager le
pouvoir avec lui. Il serait innocent de penser que ce n'est jamais
sans arrière-pensées. De plus, l'impression prévaut
que le contrat est surtout fait pour encadrer l'activité du
maillon le plus faible de la chaîne, et que l'opérateur
dominant s'arroge à la fois les fonctions de conception, de
contrôle et de sanction (cf. Jaglin, AR 2).
La signature de contrats, comme toute formalisation, tend à
figer la situation existante, au détriment de la souplesse nécessaire
pour s'adapter à un contexte économique et social très
mouvant. Il est donc souhaitable de considérer la
contractualisation comme un processus de négociation
permanente, et d'éviter l'utilisation de contrats-types, "
prêts à l'emploi ". Comme l'a souligné Henri
Coing (AR 2) au cours de l'atelier, le processus de négociation
entre les parties au contrat semble d'ailleurs aussi important que le
contrat lui-même.
4.4 Stratégies préférentielles
pour divers types dacteurs
Les entreprises publiques de distribution deau
La principale stratégie adoptée par les
entreprises publiques concessionnaires du service de l'eau consiste à
se faire attribuer une situation de monopole, via le Code de l'Eau ou
leur contrat de concession. Cette légitimité juridique a
des limites très nettes auprès de la clientèle,
que rien n'empêchera d'aller chercher ailleurs le service qui
lui convient, au moment où cela lui convient, et au prix
qu'elle est prête à payer. C'est la raison pour laquelle
la " chasse aux revendeurs clandestins " n'a guère de
succès dans aucun pays.
Les cadres de l'administration ont naturellement tendance à
s'appuyer sur la légitimité de l'État ("
c'est nous qui sommes les représentants de l'État, qui a
le monopole sur l'exploitation de l'eau "). C'est sur cette base
que certains cadres de la Snec (cf. Adeline et al., AP 1) proposent de
taxer les puits privés et les utilisateurs de source, au nom
d'un prétendu " monopole " de l'eau potable. Cette prétention
est d'autant plus choquante que ces mêmes entreprises
revendiquent une plus grande autonomie de gestion, de tarification...
qui les éloigne de plus en plus de leur objectif de desserte en
eau de toutes les familles, y compris les plus pauvres.
Les entreprises privées,
concessionnaires du service de leau
La situation des entreprises concessionnaires évolue
rapidement depuis quelques années dans le contexte général
de privatisation des entreprises publiques. La légitimité
qu'elles pouvaient tirer de leur monopole naturel (en tant que représentantes
de l'État) se réduit. Ces entreprises tendent alors à
compenser cette perte de légitimité formelle par une
meilleure image auprès de la clientèle (en améliorant
la desserte, la qualité de l'eau, les relations avec les
clients), comme le prouve l'expérience réussie de la
Sodeci en Côte d'Ivoire.
Ce processus de privatisation donne lieu généralement à
des appels d'offres internationaux, ce qui apporte quelques gages de
transparence et peut donner une certaine légitimité à
celui qui gagne l'appel d'offres. Cependant, la situation de monopole
privé à l'échelle de tout un pays ainsi acquise
est par essence " illégitime ", puisqu'une entreprise
privée devrait être en situation de concurrence. Ce
manque de légitimité est d'ailleurs renforcé par
le fait que ce sont généralement des entreprises étrangères
qui sont les actionnaires principaux des nouveaux concessionnaires.
Le monopole qu'elles acquièrent peut donner lieu à des
abus, surtout dans des pays où l'État ne dispose pas de
moyens très performants pour contrôler l'activité
des grandes entreprises, surtout si elles ont une envergure
internationale (rappelons que le chiffre d'affaires des trois
principales entreprises engagées dans ces processus de
privatisation - la Lyonnaise des Eaux, le groupe Vivendi et le groupe
Bouygues - représente cinq fois le PNB de l'ensemble des pays
du Sahel).
Les municipalités
Les municipalités (et les députés qui représentent
leurs intérêts au niveau national) défendent
depuis plusieurs années l'adoption de nouveaux codes des
collectivités locales (lois portant sur la décentralisation)
qui leur confèrent des responsabilités et des pouvoirs
accrus en matière de service de l'eau et de recettes
municipales assises sur la vente de l'eau (vente directe, patentes,
taxes au m3, etc.). Il s'agit là d'une légitimité
très " légale ", mais qui constitue un outil
de prise de pouvoir important dans la mesure où le principal
rival pour ces municipalités reste l'administration centrale
elle-même, et particulièrement les directions de
l'Hydraulique, concentrées dans les capitales, qui ont, jusqu'à
tout récemment, rassemblé tous les leviers de pouvoir en
ce domaine (cf. Hinojosa, AP 5).
L'expérience des années 60 (quand beaucoup de
municipalités géraient le service de l'eau en régie
directe) fut pourtant décevante, tant pour les usagers (mal
desservis) que pour les communes (déficitaires - cf. Tanawa, AR
8). Leur situation politique, économique et institutionnelle
nouvelle leur permettra-t-elle de mieux assurer le service de l'eau ?
Rien ne permet de l'affirmer, mais il est assez compréhensible
qu'elles revendiquent la gestion de ce service, tant pour des raisons
financières (l'eau potable est maintenant considérée
par tous comme un service payant, ce qui n'était pas le cas en
1960) que pour des raisons de légitimité (quelle
meilleure image pour une municipalité que l'amélioration
des services publics ?).
Les associations dusagers
Les associations d'usagers peuvent obtenir une reconnaissance
juridique (la personnalité morale) pour pouvoir posséder
des biens (comme les installations de pompage), des comptes en banque
et intenter des actions en justice. Ce souci de reconnaissance légale
est cependant bien timide et il ne se fait le plus souvent quà
linstigation des projets eux-mêmes (Valfrey, 1997,
Collignon, 1998, Estienne, 1997). Les associations craignent en effet
dêtre soumises à des contraintes administratives ou
fiscales trop lourdes. Elles recherchent donc des statuts défiscalisés
et simplifiés :
- coopératives en Mauritanie, comme les coopératives
membres de la fédération NASSIM (Koita, 1997, Carlier,
1997, Collignon, 1997 - AR 9)
- GIE au Sénégal (Valfrey, 1995)
- associations dusagers (en projet dans le
cadre de la réforme de la gestion des forages motorisés
au Sénégal)
- associations sans buts lucratifs (plutôt que
coopérative) à Port-au-Prince.
La reconnaissance légale ne signifie pas pour
autant que ces associations soient les plus représentatives de
la population. Les élections sont toujours difficiles à
organiser et un comité fonctionnel est rarement possible sans
l'implication des notables traditionnels (cf. Bouju, AR 10), même
si ceux-ci ne sont pas représentatifs de tous les groupes de la
population.
La légitimité apportée par la
reconnaissance légale est souvent utilisée par les
membres des comités de gestion pour justifier le paiement
d'indemnités qui peuvent être assez importantes, surtout
dans des villages où le salaire agricole ne dépasse pas
5 FF par jour. Mais l'expérience du Sénégal
prouve que la reconnaissance légale n'est pas indispensable
pour cela.
Les petits concessionnaires
Les concessionnaires des petits réseaux de distribution d'eau
(dans les petits centres ou dans les quartiers populaires) savent que
leur légitimité dépend surtout du soutien des
usagers satisfaits. Ils aimeraient certainement la renforcer par des
contrats de concession plus sécurisants, de plus longue durée
par exemple (la durée des concessions peut n'être que
d'un mois en Mauritanie - cf. Koita, AR 9).
Les organismes dintermédiation
(ONG, bureaux détudes,....)
Certains organismes concentrent leur action sur l'intermédiation
entre des acteurs incontournables, mais qui ont du mal à
collaborer ou même simplement à dialoguer (les services
techniques de l'État et les associations d'usagers par
exemple). Leur légitimité passe par leur acceptation par
les différents acteurs qu'ils aident à dialoguer. Ils
sont donc amenés à faire continuellement de la corde
raide entre des positions difficilement conciliables.
L'intervention de ce type d'acteur est par essence temporaire. Il est
censé se retirer dès que des mécanismes de négociation
entre les acteurs locaux se sont mis en place et son efficacité
devrait donc se mesurer à la brièveté de son
intervention. Cependant, l'expérience prouve l'intérêt
pour tous les acteurs de pouvoir recourir à un arbitre neutre
en cas de conflit ; les organismes d'intermédiation sont donc
souvent amenés à jouer ce rôle qui dépasse
quelque peu leur vocation. |