Le coût et le financement du monitoring des services locaux d'eau

Le coût et le financement du monitoring des services locaux d'eau

(Cet article est également disponible en anglais à cette adresse)
 

Du 7 au 9 avril 2014, un symposium international sur le suivi-évaluation des services d’eau potable et d’assainissement s’est tenu à Ouagadougou, Burkina Faso. Il a réuni plus de 200 participants, essentiellement d’Afrique de l’Ouest, tous convaincus de l’enjeu majeur que constitue le suivi-évaluation de ces services essentiels, pour en améliorer les performances et la pérennité, grâce à une prise de décision mieux informée, au niveau local mais aussi national et international.

 
Le suivi-évaluation a un coût, et les participants se sont interrogés sur son montant et sur les modalités de son financement. Une première conclusion est qu’à l’exception des petits réseaux de distribution d’eau dont le suivi-évaluation technique et financier est conduit par des opérateurs professionnels à l’instar d’un service et contre paiement via le tarif, nous ignorons encore largement ce que coûterait l’ensemble des processus de suivi-évaluation. En outre, un paiement de ce suivi par les seuls usagers est sujet à critique, dans la mesure où certains processus de suivi-évaluation relèvent plutôt de compétences régaliennes (des autorités locales et nationales) pour lesquelles un paiement par l’impôt serait justifié.
 
Des éléments de coût ont été partagés par les participants tout au long du séminaire. 
Fabrice Agognon rapporte que le suivi des services d’eau villageois – délivrés par pompes à motricité humaine (PMH)– de la commune de Gorgadji dans la région du Sahel au Burkina Faso a coûté 1 million de FCFA (US$ 2,000) en 2013. Sachant que la commune compte 16 villages et 136 PMH desservant 37 000 personnes, le coût du suivi-évaluation se monte à 62 500 FCFA par village et par an (US$ 125) ou 27 FCFA par personne par an (US$ 0.05) ou 7 353 FCFA par PMH par an (US$ 15). Cela semble peu dans l’absolu, mais significatif en terme relatif : 10% de la contribution annuelle demandée à chaque usager pour l’entretien et la maintenance des PMH ou encore 75% du montant alloué annuellement à l’entretien préventif d’une PMH (US$ 20). En outre le processus de suivi-évaluation englobe le suivi technique et financier des ouvrages (fonctionnalité, durée des pannes, recouvrement des contributions des usagers, dépenses d’entretien et de maintenance, paiement des maintenanciers, etc.) mais aussi l’évaluation de la conformité des institutions à la réglementation aussi appelé contrôle de légalité. Ce dernier relève d’une compétence régalienne : l’Etat doit sur ses propres ressources s’assurer que les communes ont formalisé leur relation avec les gestionnaires de services d’eau villageois et les artisan-réparateurs, et que ces derniers respectent la réglementation définie au niveau national. Il n’y a a priori pas de raison de faire payer le contrôle de légalité aux usagers.
Toujours au Burkina Faso, Jean-Mathieu Bingbouré rapporte que le suivi-évaluation conduit annuellement par la Direction Générale des Ressources en Eau (DGRE) coûte 260 millions de FCFA (US$ 520,000). Il se limite à un suivi des réalisations (nouveaux ouvrages), de leur localisation géographique et de leur fonctionnalité, sur l’ensemble des 302 communes rurales rassemblant environ 8000 villages. Ce processus est entièrement financé sur transfert et est, de fait, orienté vers une évaluation des investissements réalisés au cours de l’année conditionnant l’activation de l’appui budgétaire sectoriel. 
Bernard Collignon témoigne de son côté du coût du suivi-évaluation des 360 petits réseaux de distribution d’eau au Tchad : 50 millions FCFA en 2007, soit 100 FCFA par personne par an (US$ 0.2) directement perçus sur les usagers via les tarifs. Au Sénégal, le suivi du même type d’équipement s’établit à 10 FCFA / m3 et en Mauritanie à 15 FCFA / m3 (respectivement US$ 0.02 et US$ 0.03), à mettre en regard avec un coût de production et de distribution de US$ 1/m3. Boubacar Macina qui est historiquement l'un des premiers opérateurs de suivi-évaluation de petits réseaux au Mali avance que les activités de suivi-évaluation sont conduites concurremment à des activités d’appui-conseil par les mêmes entités et que ces dernières subventionnent les premières : le coût du suivi-évaluation technique et financier des petits réseaux approcherait en réalité 100 FCFA /m3 (US 0.2), soit le cinquième de son coût de production et de distribution.
 
L’ensemble des processus de suivi-évaluation précédemment décrits exclut le suivi de la qualité de l’eau. La qualité de l’eau distribuée par les points d’eau modernes (PMH et autres) ou en réseau ne fait l’objet d’aucun suivi par une autorité publique agréée de type laboratoire de santé publique, et les sommes avancées pour qu’un suivi systématique soit opéré s’établissent à plusieurs milliards de FCFA par an ! 
 
Dr. Christelle Pezon, IRC