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Recherches n°6 : Impact de l’approvisionnement en eau potable - associé ou non à des actions d’assainissement - sur les dépenses de Santé et l’état de santé des enfants, en milieu périurbain tropical

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Introduction

En règle générale, les travaux portant sur la prévention des maladies diarrhéiques sont fragmentaires ou incomplets. Pour diminuer l’incidence des diarrhées infectieuses, divers auteurs préconisent, soit l’éducation sanitaire pour modifier les comportements, soit l’amélioration de l’hygiène individuelle et collective ou la protection de l’environnement, soit la distribution d’eau potable ou l’amélioration des pratiques d’assainissement. L’objectif de notre étude était, en conjuguant ces facteurs, de démontrer - à l’aide d’indicateurs cliniques et biologiques et d’une enquête sociologique - leur impact sur la santé publique, dans un quartier défavorisé d’une grande ville africaine. Par ailleurs, le coût de la prévention était à comparer au coût des dépenses en soins, qui se seraient avérées nécessaires si aucune action préventive n’avait été engagée.


Préliminaire

Le projet s’est déroulé au Burkina Faso, à Ouagadougou, dans l’arrondissement périurbain de Sig Noghin (45.000 habitants), qui bénéficie d’une opération de développement socio-sanitaire (cf. AP4).

Deux études ont été réalisées avant le lancement du projet : une recherche bibliographique sur les actions de prévention à mener contre les maladies diarrhéiques ; un bilan précis des conditions de santé et d’hygiène à Sig Noghin, dans les familles et les établissements scolaires.


Populations cibles

L’étude s’est déroulée dans 3 écoles primaires caractérisées par de fortes dissemblances dans leurs situations socio-sanitaires :

  • Nakiemb-Zanga (NZ- école 3) disposait d’un approvisionnement en eau potable (AEP = eau du réseau de la ville), d’installations d’assainissement (IA) et de programmes d’éducation sanitaire, portant sur la salubrité de l’eau (EDS) et de l’environnement (EDE).
  • Kamboinsé B (KB- école 1) ne bénéficiait que du volet AEP (= eau du réseau) et du volet EDS.
  • Somdé de Kossoghin (SK- école2) était dépourvu d’eau potable, d’équipements d’assainissement et de sessions d’éducation sanitaire sur les deux thèmes précédents (EDS et EDE).

Dans chacune des écoles, 100 élèves, filles et garçons, âgés de 5 à 10 ans et de 11 à 15 ans, étaient tirés au sort. Pour l’étude sociologique, un sous-échantillon de 30 élèves a été retenu dans chaque école.


Interventions, acteurs de terrain, laboratoires et services spécialisées

Le projet réunissait plusieurs équipes françaises et burkinabées reconnues pour leurs compétences dans les domaines suivants : épidémiologie et sociologie, éducation sanitaire, bactériologie et parasitologie, analyse bactériologique de l’eau, statistique.

» L’équipe de EAST a assumé les tâches suivantes :

  1. favoriser le rapprochement des groupes de travail ;
  2. installer des équipements d’approvisionnement en eau potable à NZ et KB, des latrines à double fosse sèche ventilée et des postes de lavage des mains à NZ ;
  3. assurer la formation des instituteurs en éducation sanitaire (octobre 1996) complète ( EDS et EDE) ou incomplète (EDS), utilisant les différentes méthodes pédagogiques (GRAAP, l’Enfant pour l’Enfant ). Au départ du projet, les habitudes et les savoirs des élèves, en matière d’hygiène et d’eau potable, ont été mises en évidence grâce à des fiches questionnaires qui devaient permettre de réaliser une étude comparative, sur l’évolution des connaissances à court terme (7 mois) après 18 séances d’éducation sanitaire à NK et KB.
  4. conduire, avec des agents sanitaires, l’enquête clinique ; recensement dans l’échantillon sélectionné (3 x 100) du nombre de cas de troubles digestifs aigus s’accompagnant de diarrhées.

» Le Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) de Ouagadougou a conduit l’enquête sociologique sur un échantillon de 30 élèves dans chaque école. L’objectif était de les suivre hors milieu scolaire et de caractériser leur environnement familial. Les questionnaires et les visites des sociologues, à 4 reprises pendant 6 mois, permettaient aussi d’apprécier l’état de santé des enfants.

» Le Laboratoire de bactériologie-parasitologie du Centre Muraz (Bobo-Dioulasso) et le Service de parasitologie-mycologie, Département des maladies infectieuses, parasitaires, tropicales et santé publique du Groupe hospitalier Pitié-Salpétrière (Paris), ont procédé aux analyses coprologiques de tous les écoliers, à 2 reprises, aux mois de février et juin 1997.

  • Les examens bactériologiques, classiques, recherchaient la présence de salmonelles, shigelles, campylobacters, Vibrio cholerae et Staphylococcus aureus dans les selles.
  • Le dépistage des agents parasitaires ( kystes, œufs et parasites) était réalisé à l’examen coprologique direct, ou après coloration, et par des méthodes d’enrichissement.
  • Le bilan virologique, complexe et très onéreux, n’était pas envisagé par le projet.

» Le Laboratoire de Génie Sanitaire - Direction de la Médecine Préventive (Ouagadougou) a conduit des analyses bactériologiques de l’eau de consommation dans les 3 écoles et dans les familles des écoliers.

» Le C.CLIN - Paris Nord . Institut Biomédical des Cordeliers (Paris) a procédé à l’interprétation statistique des données du suivi clinique des enfants.


Résultats

A l’issue de l’étude, le bilan était le suivant au niveau des établissements scolaires et des familles.

Nakiemb-Zanga (NZ)

  • AEP+, IA+, EDS+, EDE+
  • Mode d’approvisionnement en eau : prise d’eau à domicile
  • Qualité de l’eau de boisson : potable, cependant, 25% des réservoirs de stockage présentaient de fortes pollutions bactériennes.
  • Réponses correctes au questionnaire sur les connaissances en matière d’hygiène et d’eau potable : 58 % en novembre 1996, 91% en mai 1997 (après séances d’éducation)
  • Classe sociale : la plus grande proportion de parents lettrés (cadres et commerçants), plus de 50% des ménages avaient un revenu mensuel supérieur à 1300 F
  • Les familles disposaient de réfrigérateurs et de latrines, étaient abonnées à la collecte des ordures ménagères et 68%.disposaient de bonnes connaissances sanitaires. Les filles étaient responsables des travaux d’hygiène domestique (nettoyage des locaux, des lieux d’aisance, des puisards…).


Somdé de Kossoghin (SK)

  • AEP-, IA-, EDS-, EDE-
  • Mode d’approvisionnement en eau : puits et bornes fontaines
  • Qualité de l’eau de boisson : fortement polluée par des germes fécaux, notamment lors du stockage
  • Réponses correctes au questionnaire sur les connaissances en matière d’hygiène et d’eau potable : invariablement de 30%.
  • Classe sociale : moins de parents lettrés (cadres et commerçants) et seulement 24% des ménages avaient un revenu mensuel supérieur à 1300 F.
  • Les conditions d’hygiène étaient insuffisantes (latrines vétustes, refus de l’abonnement à la collecte des ordures) et peu de parents d’élèves (32%) disposait de bonnes connaissances sanitaires. Les filles avaient en charge la propreté des locaux et des latrines.

Kamboinsé B (KB)

  • AEP+, EDS+, IA-, EDE-
  • Mode d’approvisionnement en eau : forages et puits traditionnels
  • Qualité de l’eau de boisson : en permanence contaminée, notamment lors du stockage (cependant, à l’école l’eau s’avérait salubre)
  • Réponses correctes au questionnaire sur les connaissances en matière d’hygiène et d’eau potable : 35 % en novembre 1996, 89 % en mai 1997 (après séances d’éducation)
  • Classe sociale : parents peu instruits ou analphabètes, revenu mensuel des deux tiers des ménages ne dépassant pas 350 F

Peu d’élèves décrivaient les pratiques et les méthodes d’assainissement (38%). Les latrines familiales étaient mal entretenues et des immondices répandues sur le sol. Les filles, ignorantes comme leurs parents (92%) de l’hygiène sanitaire, participaient au nettoyage des latrines et à l’évacuation des déchets.

La connaissance des situations socio-sanitaires des écoles et des familles s’accompagnait d’un examen bio-clinique des enfants inclus dans l’enquête.

- Analyses bactériologiques des selles : En février et juin 1997, le nombre d’enfants porteurs de bactéries pathogènes était, respectivement, de 9 et 13 sur 300 (12 à KB). Ces résultats ne permettaient pas d’expliquer les fortes incidences de maladies diarrhéiques (voir ci-après)

- Analyses parasitologiques des selles (dépistage des kystes d’amibes). En février et juin 1997, le nombre de porteurs de kystes était plus faible à NZ (38 et 42%) par rapport aux autres sites, à savoir SK (64 et 64%) et KB (53 et 55%). Les différences observées étaient statistiquement significatives( p < 5%) .De plus, la contamination était plus fréquente dans 2 groupes : celui des filles et des enfants âgés de 5 à 10 ans.

En fait, peu d’agents à potentiel pathogène (bactéries et parasites) était observé dans les échantillons de selles, faisant envisager que l’infection virale - cause bien connue en milieu tropical - était à l’origine de la majorité des diarrhées.

Les gastro-entérites représentaient donc le meilleur révélateur des mauvaises conditions socio-sanitaires dans les écoles et les familles. Les proportions de diarrhées observées à NZ - école 3 - ( prévention maximale), à KB - école 1 - ( prévention minimale) et à SK - école 2 - ( absence de prévention) étaient, respectivement, de 10, 36 et 53%. Ces proportions étaient significativement différentes. Les élèves de l’école 1 et de l’école 2 avaient, respectivement, un risque relatif de diarrhées 3,5 et 5,2 fois supérieur à celui des enfants de l’école 3, où les mesures d’éducation sanitaire étaient maximales.

Un score " intensité de prévention" de type linéaire (1-2-3) était utilisé pour étudier la relation entre le niveau de prévention et le risque relatif de diarrhée pour les enfants des écoles. Cette relation existait, à la fois, pour les groupes d’âges 5-10 ans et 11-15 ans. Ainsi, le risque de diarrhée augmente quand le niveau de prévention diminue. Cependant, son intensité, mesurée par la pente de la courbe des risques relatifs, n’était pas la même pour les deux groupes. Le risque de diarrhée, chez les écoliers âgés de 5 à 10 ans, augmentait de façon plus importante à mesure que le niveau de prévention diminuait. Ces résultats concernent les garçons, mais non les filles pour lesquelles le risque relatif de diarrhée est le même que la prévention soit minimale ou inexistante.

Cette situation pourrait découler, malgré les mesures de prévention adoptées à l’école, de leur participation quotidienne aux tâches domestiques dans un environnement, particulièrement, insalubre.

Cette étude a permis de conforter l’hypothèse: " l’utilisation d’une eau potable et des mesures de protection de l’environnement, en milieu péri-urbain tropical, apportent bénéfice à la santé humaine ".Une somme de facteurs jouent un rôle capital dans la prévention des maladies diarrhéiques: l’instruction et l’éducation sanitaire des parents et des enfants, leur aisance, la salubrité de l’eau de boisson, l’hygiène individuelle et collective (lavage des mains, propreté des aliments, utilisation de latrines…) et la protection de l’environnement (évacuation des eaux usées, collecte des ordures ménagères…).La consommation d’une eau potable n’est, en fait, qu’un élément déterminant .

Enfin, la seconde question : " Ces mesures de prévention peuvent-elles entraîner une économie de dépenses de santé publique ? " n’a pas reçu de réponse définitive. La difficulté a été d’évaluer, avec précision, les coûts de la prise en charge des malades et des traitements des gastro-entérites, en raison des multiples choix thérapeutiques, utiles ou inutiles, et des non-dits des praticiens ou tradipraticiens. Répondre à cette seconde question nécessitera une longue enquête et l’immersion de spécialistes en santé publique dans les familles et les centres médicaux.


» Contacts et fiche technique

Responsable de Recherche

Loïc Monjour, EAST, 35 rue Broca, 75005 Paris, France
Tél. : 01 43 26 12 08, Fax : 01 43 29 70 93

Partenaires

Clément Zidouemba et Yaya Ganou (Laboratoire de Génie Sanitaire, Direction de la Médecine Préventive, Ministère de la Santé, Ouagadougou)
Amadou Wangre (Laboratoire de Bactério-Parasitologie, Centre Muraz, Bobo-Dioulasso)
Armande Sawadogo (Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique, Ouagadougou)
Alain Kaboré, Damien Ouedraogo (Centre Médico-social Paul VI, Ouagadougou)
Bruno Denis Bonkoungou, Hervé Koné, Jean Marc Bamogo, Bienvenu Noël Ouedraogo (EAST Burkina Faso)
Annick Datry (Service de Parasitologie-Mycologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris)
Sylvie Maugat (C.CLIN - Paris-Nord)

Pays concerné(s) : Quartier Sig Noghin de Ouagadougou, Burkina Faso
Axe(s) de recherche concerné(s) : 3.1 ; 3.2
Milieu(x) concerné(s) : Quartiers périurbains
Durée : 12 mois (24/12/96 – 31/12/97)
Coût : 120 000 FF (+ 180 000 FF financé par l’Agence de l’eau Seine- Normandie)



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