retour imprimer © Lettre du pS-Eau 80 de Mar 2016

Madagascar: Accompagner les artisans pour accroître l'offre en équipement


La fabrication de latrines par des artisans locaux réduit les maladies liées au manque d'équipement sanitaire, tout en créant des emplois. [© Medair]

Medair, organisme non gouvernemental suisse d'aide d'urgence et de reconstruction, s'attèle aux problèmes d'accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène parmi les populations les plus vulnérables du nord-est de la Grande île. Depuis 2013, et le projet Rano Tsara 2, l'ong fait du secteur privé local un pilier majeur de sa stratégie qui deviendra à long terme porteur de dynamisme face aux besoins locaux à l'échelle régionale en eau et assainissement.

A travers le projet Rano Tsara 2 (bonne eau en Malgache), l'ong suisse Medair vise à améliorer durablement l'accès aux infrastructures d'eau potable et d'assainissement, ainsi qu'à encourager les populations locales à adopter les bonnes pratiques d'hygiène. Situé dans la région d'Analanjirofo, où l'Ong est intervenue pour la première fois en 2004 lors du passage du cyclone Gafilo, le projet concentre ses efforts sur neuf communes rurales des districts de Maroantsetra et Mananara Nord ainsi que sur la commune urbaine de Maroantsetra.

Au début du projet en 2013, dans les neuf communes rurales, le taux d'accès à l'eau potable était très bas (inférieur à 6,3 % en moyenne) et le taux d'utilisation de latrines hygiéniques quasi nul. Ce manque d'accès aux infrastructures en eau et assainissement était tout d'abord lié aux faibles capacités techniques et financières des équipes communales, ainsi qu'à l'enclavement, qui complique la construction et la gestion d'infrastructures. De plus, dans cette région de la côte nord-est, cyclones et inondations sont un risque récurrent, d'où le besoin de points d'eau surélevés, accessibles en cas de montée des eaux. Dans la commune urbaine, là où le projet concentre actuellement ses efforts du fait de la densité de population, le taux d'utilisation de latrines hygiéniques environnait 27 % en début de projet. A cause là aussi du risque d'inondation et de la nappe phréatique affleurante, l'assainissement requiert la construction de latrines surélevées, plus coûteuses et complexes à mettre en place. Pour pérenniser les avancées réalisées et initier de réelles dynamiques de développement dans des zones auparavant délaissées, Medair accorde une importance particulière au renforcement des capacités des acteurs locaux. Ces derniers doivent être capables de développer et d'assurer un service d'eau et d'assainissement durable et de qualité.

En ce qui concerne l'accès à un assainissement amélioré dans la ville de Maroantsetra, c'est la construction de latrines écologiques EcoSan (latrines sèches à double fosse avec séparation de l'urine) qui a été privilégiée. Elles présentent des avantages majeurs. Tout d'abord, elles protègent la nappe phréatique, un point important car la plupart des habitants de la ville se servent de l'eau des puits. Autre avantage, la possibilité de transformer les boues en matière moins pathogènes, ce qui réduit les risques de contamination dûs à l'absence de gestion des boues de vidange.

Sur la base des conclusions tirées de l'expérience de Rano Tsara 1 (2007-2010), à l'occasion de laquelle des latrines sèches EcoSan avaient été installées, un consultant international a été sollicité pour retravailler le design et la technologie de cet équipement, en collaboration avec les équipes du projet et la participation active des utilisateurs. Il en a résulté une latrine améliorée qui comporte, entre autres, un cabinet de douche adjacent et une aération supplémentaire pour un meilleur séchage des matières fécales. Un modèle inédit jusque-là.

Former fabricants de latrines et vidangeurs
Au total sept entreprises ont été formées. Elles assurent désormais le marché de la construction de ces latrines EcoSan, localement connues sous le nom de Kabone Ladosy. Les entreprises proposent aux ménages trois modèles différents dont les prix (fortement subventionnés par le projet) varient entre 90 000 ar et 170 000 ar (25 et 50 euros). Grâce aux efforts soutenus de l'unité de sensibilisation et de promotion à l'hygiène de Medair, à ce jour, plus de 480 latrines ont été « vendues » et les entreprises locales sont à pied d'œuvre pour assurer leur construction dans les meilleurs délais, en conciliant qualité des ouvrages et satisfaction des clients. Chaque latrine est utilisée en moyenne par 11 personnes. D'ici fin 2016, 7 800 nouveaux utilisateurs devraient bénéficier de latrines améliorées, soit près de 700 latrines supplémentaires « vendues » et construites.

Félicien Belalahy, chef de l'entreprise Miray, croit fermement au projet. Selon lui, « Non seulement il va permettre à la population d'être en meilleure santé en réduisant les maladies liées à l'hygiène, qui est un des gros problèmes de la région, mais il va aussi relancer l'économie locale car il crée des besoins et des demandes, et surtout de l'emploi. »

En outre, Medair, en collaboration avec la commune, envisage, la création d'un « plan intégré de la gestion des boues de vidange » avec formation de vidangeurs, dont le métier consiste à assurer une vidange régulière des latrines, tâche que les ménages ne sont pas en capacité de mener à bien eux-mêmes car cela requiert un certain savoir-faire technique et des équipements de protection.

En milieu rural, la même stratégie est appliquée, mais les artisans locaux sont ici en charge de construire et commercialiser des latrines hygiéniques équipés de dalles SanPlat. Neuf artisans locaux ont déjà été formés dans deux des neufs communes rurales ; ils commencent très progressivement à construire et à vendre ce type d'équipement. Toutefois, la demande devrait progressivement augmenter car les efforts de sensibilisation et de promotion menés durant la dernière année commencent à porter leurs fruits.

En matière d'approvisionnement en eau, Medair supervise et encadre aussi des entrepreneurs locaux que le projet a formés à la construction de points d'eau potable. Ces entrepreneurs reçoivent une formation au forage manuel par la technique du rota-sludge (technique de forage à bas-coût transférée par la fondation Practica) et à l'installation des pompes à motricité humaine (PMH) de type Canzee, produites à Madagascar par l'entreprise sociale Bush Proof. A ce jour, onze entreprises locales ont été formées. Avec l'appui et l'encadrement de Medair, ces dernières ont installé plus de 162 PMH et 100 autres points d'eau sont en cours de construction. Prochainement, des bornes-fontaines alimentées par des systèmes gravitaires seront installées dans des zones où ces systèmes sont mieux adaptés.

Toutefois, il est évident que former et renforcer les capacités de fabrication et de vente du secteur privé ne constitue qu'un maillon de la chaîne des acteurs locaux qui doivent assurer un service d'eau durable et de qualité. Le projet vise donc aussi à appuyer les communes dans l'apprentissage concret de leur rôle de maître d'ouvrage des services d'approvisionnement en eau potable. Des formations théoriques initient les équipes communales à toutes les étapes de la maîtrise d'ouvrage. Un accord de partenariat entre l'ong et les communes fournit un cadre à la collaboration, au renforcement des capacités et aux responsabilités respectives des acteurs impliqués. Ces formations théoriques sont suivies d'une mise en pratique assistée par l'unité de maîtrise d'œuvre socio-institutionnelle du projet. Elle consiste à ce que les autorités communales participent aux processus d'appels d'offres locales pour les nouveaux lots de PMH à l'examen des offres des entreprises locales et au choix de l'entreprise à qui est attribué le marché de fournitures.

Responsabiliser la gestion des points d'eau
D'autre part, des structures sont créées, appuyées et formées pour assurer la gestion des points d'eau. Au niveau de chacun d'eux, un comité de point d'eau (CPE) est mis sur pied. Il comprend un président (appelé aussi responsable PE), un trésorier et un secrétaire, choisis parmi les usagers. Le choix des membres des CPE est validé par l'assemblée générale villageoise. Cette assemblée est l'organe clé du village pour la désignation, le renouvellement ou la révocation des membres des CPE, sur la base d'un bilan moral et financier que celui-ci présente annuellement à la population. Outre la responsabilité de prendre soin de l'installation, ce comité collecte les cotisations annuelles des 20 à 25 familles qui contribuent à la maintenance du point d'eau qu'elles utilisent. Une fois nommés, les membres des CPE du village (un village a entre 6 et 12 CPE) nomment à leur tour 3 délégués de l'eau choisis parmi leurs membres  : un délégué chargé du contrôle des finances, un chargé de l'appui technique et un de la coordination.

Ce dernier forme, avec les délégués à la coordination des autres villages, une structure communale (ou intercommunale, selon le choix des communautés et des autorités concernées) chargée d'élire et de créer un bureau exécutif. Celui-ci gérera une partie des contributions financière des CPE pour planifier, organiser et couvrir les frais des réparations les plus importantes des points d'eau, pour lesquelles une entreprise externe sera sollicitée parmi celles formées dans le cadre du projet. Une contribution devra aussi être versée à la commune, pour ses investissements futurs dans le domaine EHA. Il est à noter qu'au niveau de chaque village, 2 techniciens villageois sont formés aux réparations courantes des PMH. Le matériel choisi, de type Canzee en PVC, réduit le nombre et le coût des réparations nécessaires et simplifie la maintenance.)

La mise en place de cette gestion communautaire déléguée des points d'eau se fait bien sûr en plein accord et sous la responsabilité des autorités communales.
Les leçons tirées du premier cycle du projet Rano Tsara (2007-2010) ont conduit à mettre sur pied une structure de CPE pour chaque point d'eau au lieu d'une seule structure de type associative pour tout un village. La structure faîtière qui regroupe des délégués de chaque village est ainsi d'une taille nettement plus réduite (une ou deux communes) ce qui augmente la proximité entre ces structures de coordination, les communautés de base et les utilisateurs des points d'eau. La faible proximité avait été une difficulté lors de la première mise en route d'un projet EHA similaire. A noter également que ce premier cycle du projet Rano Tsara avait couvert des communes différentes dans le district de Maroantsetra.

Un autre domaine d'activité très important du projet concerne la promotion à l'hygiène et la communication pour le changement de comportement. Il est un volet indispensable aux autres activités.

Toutes ces interventions du projet Rano Tsara 2 pour améliorer le bien-être des communautés des districts de Maroantsetra et Mananara sont possibles grâce principalement à l'appui financier de l'Union européenne, la fondation Swiss Solidarity, la Confédération suisse, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, ainsi que d'autres fondations partenaires et les donateurs privés.


David Sauter
En Suisse
Email:
david.sauter@medair.org
Site internet: www.medair.org

Holisoa Rasamoelina
A Madagascar
Email: comms-mdg@medair.org
Site internet: www.medair.org

Commune de Maroantsetra - Maroantsetra - Madagascar
Medair - Antananarivo - Madagascar
Medair - Ecublens - Suisse
 

Inédite jusque-là, la latrine EcaSan fabriquée par les artisans soutenus par Medair comporte une cabine de douche adjacente et une aération supplémentaire. [© Medair]

[© Medair]

Medair espère permettre à 7 800 nouveaux utilisateurs malgaches de bénéficier de latrines améliorées d’ici fin 2016. [© Medair]
 

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