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Gestion durable des déchets
et de l'assainissement urbain

Le cadrage thématique et méthodologique du programme

Thème spécifique eaux usées et excreta - 4 :
Gestion domestique de l’assainissement : pratiques, attitudes, comportements et demande

            Problématique

La nécessité de ne plus fonder la planification et la gestion des services d’assainissement sur une approche techniciste découlant d’une logique d’offre de services, mais de s’efforcer plutôt de répondre à une demande, est de plus en plus largement reconnue par les spécialistes du secteur[1]. Cependant, une approche par la demande présente des limites et se heurte à plusieurs obstacles, d’ordre méthodologique principalement.

  • Une recherche récente[2] pose la question de la compatibilité d’une approche fondée sur la demande avec la recherche de l’innovation, d’une part, et avec le problème des externalités, d’autre part.

Consultés sur les améliorations qu’ils souhaiteraient voir apporter à l’assainissement de leur habitat, et pour lesquelles ils consentiraient à payer, les ménages ne peuvent en effet répondre qu’en référence à ce qu’ils connaissent. Or, l’information fait défaut. Il en découle un risque que les projets fondés exclusivement sur la demande n’aient qu’une faible capacité novatrice.

De surcroît, la pauvreté et l’urgence des problèmes que ces mêmes ménages doivent résoudre dans leur environnement immédiat et dégradé les rendent peu aptes à exprimer une demande qui intégrerait des préoccupations environnementales ou sociales plus larges que celles qui les concernent très directement. Les coûts externes d’un assainissement inadéquat demeurent ainsi non révélés par leurs demandes individuelles.

Un certain nombre d’acteurs vont plus loin et insistent sur le manque de demande pour des services publics d’assainissement. Le problème est-il celui de l’absence totale de demande, ou bien les programmes n’offrent-ils pas les bons “ produits ”, auquel cas, les intéressés n’imaginent même pas que le service public puisse être porteur de solutions répondant à leurs attentes et besoins ?

Remarquons que le terme de demande doit être ici compris dans son acception la plus large. Il s’agit non seulement de la demande concernant ce qui relève a priori du secteur public (raccordement aux égouts par exemple) mais aussi de celle qui, dans la plupart des villes, est actuellement satisfaite par le secteur privé, via l’assainissement autonome, et notamment par une multitude de petits entrepreneurs du secteur informel qui construisent les fosses, les latrines ou les puits perdus, ainsi que par ceux qui les vidangent.

Enfin, soulignons que le développement d’un service public d’assainissement est nécessairement confronté, de prime abord, à la connaissance des segments de population qui relèveraient a priori de chacune des deux formes possibles du service : autonome ou collectif.

  • En lien avec cette préoccupation de mieux comprendre la demande (ou les demandes), les opérateurs du secteur formulent le souhait de voir émerger des outils et des méthodes d’évaluation de la demande qui soient plus efficaces, plus simples et moins coûteux que les enquêtes traditionnelles de consentement à payer[3].

Ces dernières ont d’ailleurs jusqu’à présent été davantage utilisées pour évaluer la demande en services d’approvisionnement en eau que pour celle concernant l’assainissement. À la lumière des enquêtes menées au Burkina Faso par l’ONEA[4], elles mériteraient d’être adaptées pour gagner en efficacité opérationnelle.

Par ailleurs, la récente mutation des approches de la planification, désormais de plus en plus souvent multisectorielles et orientées vers la recherche d’une stratégie globale d’amélioration de l’environnement urbain[5], pose la question de la mesure de la demande simultanée pour diverses améliorations du cadre de vie des populations.

 

            Attentes
  • Il paraît ainsi du plus haut intérêt d’étudier ce qui détermine les différentes pratiques individuelles d’assainissement autonome, les comportements et les attitudes des individus vis-à-vis de l’assainissement de leur habitat et, plus généralement, comment se segmente la demande des populations pour un assainissement amélioré.

Le statut foncier, la densité d’habitation, l’espace disponible sur la parcelle, les modes d’approvisionnement en eau utilisés, la capacité d’infiltration du sol et les modes d’épargne et de financement possibles, sont autant de variables susceptibles d’avoir une influence sur la demande en assainissement. Quels sont leurs effets respectifs et comment ces effets se hiérarchisent-ils ? Y en a-t-il d’autres ?

Fondées sur des études de cas, de telles explorations du comportement auraient avant tout une vocation explicative mais devraient avoir pour objectif final de parvenir à une modélisation utilisable à des fins prédictives. En particulier pour l’assainissement des eaux usées des quartiers, il serait intéressant de voir si on peut arriver à définir un seuil de densité d’occupation à partir duquel la demande pour un assainissement collectif devient suffisamment forte pour justifier cette solution.

Précisons aussi qu’il y a, a priori, autant de fonctions pour lesquelles la demande est à étudier que de composantes possibles du service. Ces composantes ne se limitent pas aux dispositifs d’assainissement à la parcelle (parmi lesquelles on peut déjà distinguer les techniques d’assainissement des excreta, les techniques d’assainissement des eaux usées ménagères et celles qui ne sont spécifiques ni à l’assainissement des eaux usées ni à celui des excreta).

La demande pour le service de vidange des fosses a beaucoup moins retenu l’attention des opérateurs et devrait également être étudiée.

Parmi les recherches à mener sur la demande, une place toute particulière devra être prévue pour l’étude anthropologique des représentations de l’assainissement. En effet, une des explications avancées de façon récurrente pour expliquer la faible priorité accordée à ce secteur, tant par les ménages eux-mêmes que par les pouvoirs publics (relativement à la place donnée à l’alimentation en eau par exemple), tient à la façon dont l’assainissement serait perçu, ce qui renvoie aux notions de “ propre ” et de “ sale ” et aux tabous même dont les excreta sont parfois l’objet.

Il est notamment attendu une analyse précise des conceptions symboliques en matière d’assainissement, de populations confrontées à l’agglomération et aux contraintes de la densité, mais encore (ou non) imprégnées par les traditions de leur origine rurale.

  • En ce qui concerne les outils d’évaluation de la demande, des recherche pourraient s’attacher à répondre à la question de savoir si les outils actuels peuvent être exploités de façon à fournir des éléments utilisables à des fins de planification, et si oui, comment. Un détour par l’exploration des techniques d’évaluation contingente, issues principalement du marketing mais aussi de l’économie de l’environnement, pourrait non seulement apporter des éléments de réponse, mais aussi fournir d’autres outils d’aide à la planification. Dans quelle mesure les méthodes de “ focus groups ”, d’analyse des préférences, des prix hédonistes, etc. peuvent-elles fournir des solutions exploitables en l’objet ?

On peut aussi se demander si ces enquêtes peuvent encore être fiables lorsque l’on tente de mesurer simultanément le consentement à payer des ménages pour l’amélioration de plusieurs services, tels que l’assainissement des excreta, celui des eaux usées ménagères, celui des ordures ménagères et celui des eaux pluviales ? Dans ce dernier cas notamment, comment peut-on s’assurer qu’il y a compatibilité entre la volonté et la capacité de payer ?

Ce qui renvoie à une autre voie possible de recherches sur la demande, qui consisterait à rechercher la place que tiennent les différentes sources de gêne (eaux usées, excreta) parmi les nombreuses sources de préoccupation des ménages, c'est-à-dire à hiérarchiser la place de l’assainissement parmi les améliorations que les ménages souhaitent voir apporter à leur cadre de vie (habitat, accès, transport, etc.).

  • Se pose également la question de la place de ces enquêtes dans le processus de planification, notamment lorsque l’on cherche à stimuler une demande insuffisante par un projet de démonstration, préalablement au projet “ en vraie grandeur ”. Doit-on répéter ces enquêtes coûteuses sur l’ensemble de la ville avant et après la mise en œuvre du projet ou bien sur les seuls quartiers retenus pour la phase de démonstration ? Les réserver à la phase d’évaluation du projet-pilote avant réplication ?

  • En outre, les réserves formulées à l’encontre de l’approche par la demande sont suffisamment sérieuses pour adresser à la recherche quelques interrogations-clé :

-     Comment concilier le souci de répondre à la demande des populations et la place de l’innovation technique dans les projets d’assainissement ?

-     Quel peut être l’impact démonstratif d’opérations pilotes sur la formation de la demande ? Les surcoûts liés à ces opérations peuvent-ils être justifiés par le surcroît de demande induite ?

-     Dans la phase de planification de ces services, le coût des externalités serait-il à ce point supérieur à la somme des bénéfices individuels que l’on pourrait se dispenser d’une évaluation de ces derniers pour la justification économique des projets ?

 

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[1]    Référence : Rapport de synthèse de la conférence électronique sur “ les approches stratégiques de l’assainissement ” - 11 octobre-10 novembre 1999 ; Jonathan Parkinson – GHK Research and Training

[2]    Menée de 1997 à 1998 sous le pilotage de GHK Research and Training, et associant WEDC à l’Université de Loughborough et le Groupe régional eau et assainissement (GREA) d’Asie du Sud (Programme d’alimentation en eau et d’assainissement PNUD-Banque mondiale)

[3]    voir e-conference précédemment citée

[4]    ONEA : Office National de l’Eau et de l’assainissement

[5]    voir les programmes menés en Guinée (PADEULAC - 92), au Burkina (PACVU - 94) et depuis peu au Niger (PRI - 99)