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Gestion durable des déchets
et de l'assainissement urbain

Ateliers et rencontres

Assainissement urbain : enseignements d’un programme de recherche-action 

3ème Forum mondial de l'eau

16 mars 2003 de 15h45 à 17h30, à Kyoto, Takaragaike Prince Hotel, salle Hiei

Compte-rendu de la session

Accueil, Introduction
J.-P. Elong Mbassi (PDM) / C. Le Jallé (pS-Eau)

1° - Inscrire l’assainissement dans l’histoire de l’urbanisation accélérée de l’Afrique , par Emile TANAWA (ENSP - A08)

2° - L’assainissement autonome : une réponse viable, par Bruno VALFREY (HydroConseil - A01) présentation

3° - Faire évoluer le comportement des techniciens et des experts pour des réponses adaptées aux problématiques, par Jean-Noël ROULLEAU (AFD)

 4° - Les responsables politiques et municipaux sont attendus dans l’animation d’un travail permanent d’équipe réunissant habitants, secteur privé, secteur associatif, secteur public, bailleurs de fonds… et dans leur capacité à innover dans des types nouveaux d’organisation,
Table ronde introduite et animée par J.-P.
Elong Mbassi (PDM)

Conclusion par J.-P. Elong Mbassi (PDM)

Conclusion (English version)

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Inscrire l’assainissement dans l’histoire de l’urbanisation accélérée de l’Afrique

Emile TANAWA (ENSP - A08)

Dans les grandes villes des pays du Sud et plus particulièrement d’Afrique de l’Ouest, on observe un accroissement des villes qui se traduit sur deux niveaux :

-       une croissance  démographique (de l’ordre de 5 pour cent),

-       un développement spatial (de l’ordre de 8 pour cent).

Ce phénomène de double croissance se traduit par l’intégration des zones rurales aux villes.

La ville peut être présentée comme constituée d’un noyau entouré d’un développement tentaculaire. Ce développement est initié par les populations nouvellement arrivantes qui suivent la règle du « On s’installe et les services de base suivront peut-être... »

La problématique de l’assainissement dans les villes africaines relève donc de la confrontation entre la ville de type « rural » et une volonté d’assainissement « à l’occidentale », avec la vision erronée de l’équation : coût élevé = gage d’efficacité.

On relève ainsi différents constats d’échecs sur les systèmes standardisés, sur lesquels sont diagnostiqués des dysfonctionnements. Les raisons relèvent :

-     d’un déphasage de ces systèmes par rapport au mode d’urbanisation,

-     d’un manque d’organisation des acteurs qui se traduit par une inefficacité dans l’action,

-     des modes de financement inappropriés

Les besoins pour un développement pertinent du secteur sont de trois ordres :

-     l’innovation technique pour diversifier les systèmes collectifs d’assainissement,

-     L’innovation financière, pour faire émerger de nouvelles formes de cofinancement des investissements et de fonctionnement (avec la mobilisation du financement des ménages dans une logique collective et des efforts pour créer un véritable marche de l’assainissement),

-     L’innovation sociale, pour appuyer de nouvelles formes de mobilisation en situant l’usager au centre de cette mobilisation, (public / privé, planification stratégique concertée...).

L’enjeu sur la thématique de l’assainissement, et qui s’inspire des premières conclusions du programme de recherche, est de « déconstruire » nos approches actuelles en vue de reconstruire d’autres approches, libérées de présupposés souvent inconscients.

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L’assainissement autonome : une réponse viable

Bruno VALFREY (HydroConseil - A01) / Malal TOURE (ENDA  - A01)

présentation

Dans les grandes villes africaines, la plupart des ménages ne disposent pas d’un accès à un système d’assainissement collectif (cf. tableau 1).

Une typologie des systèmes d’assainissement et des modes de vidange des boues peut être proposée en fonction de l’habitat, avec trois niveaux principaux en partant du centre ville vers sa périphérie (cf. schéma 1) :

-      le centre de la ville souvent anciennement urbanisé et constitué de quartiers résidentiels avec des revenus moyens,

-      viennent ensuite les habitats permanents mais avec des revenus modérés,

-      enfin, la périphérie de la ville est dotée d’habitats précaires (bidonvilles) avec de très faibles revenus.

En fonction de la structuration de la ville, on trouvera des systèmes d’assainissement de type réseau et également des systèmes précaires de type puits, puisards (rebouchés lorsqu’ils sont pleins) et beaucoup de fosses plus ou moins sceptiques qui, lorsqu’elles sont pleines, doivent être vidées de leurs boues qui souvent ensuite évacuées en dehors de la ville.

Malgré cette diversité, l’assainissement autonome reste largement prépondérant, puisqu’il équipe 90 à 95% des familles. La demande en matière d’assainissement individuel est forte et les variantes techniques nombreuses.

Pour la vidange des fosses, les familles ont trois possibilités :

-     réaliser le travail elles-mêmes,

-     faire appel à un vidangeur manuel,

-     faire appel à un camion vidangeur.

C’est au niveau de l’évacuation des boues de vidange que se situe le principal goulet d’étranglement de la filière. Mais des solutions apparaissent d’elles-mêmes :

-       Dans la plupart des villes, une offre privée s’est rapidement développée.

-     Les camions-vidangeurs proposent un service de plus en plus populaire.

En aval de la filière se pose le problème du traitement des boues. Très peu de villes africaines sont dotées de stations de traitement (parmi elles, l’exemple au Bénin d’une offre privée de traitement des boues en station d’épuration).

Aujourd’hui l’assainissement autonome peut être intégré à une politique à l’échelle de la ville, sous réserve de satisfaire quatre conditions majeures :

-     Les pouvoirs publics peuvent et doivent réinvestir la filière assainissement autonome (cf. expérience Ouagadougou).

-     En amont, la filière doit bénéficier de subventions à la construction et à l’amélioration des standards.

-     Au centre de la filière, il est nécessaire de réglementer (sans perturber la concurrence), en organisant la profession de vidangeur.

-     En aval, des stations de dépotage pour les camions et de traitement des boues sont indispensables pour pérenniser la filière.

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Faire évoluer le comportement des techniciens et des experts pour des réponses adaptées aux problématiques de terrain

Jean-Noël ROULLEAU (AFD)

L’évacuation des matières (ordures, eaux usées et excréta) hors de l’espace de vie partagé où ont lieu les activités quotidiennes est une pratique universelle qui entraîne une confrontation de logiques différentes et multidimensionnelles : sociale, idéologique, économique et politique.

Au travers des critiques des comportements des habitants et les messages qu’ils tentent de faire passer dans les programmes de sensibilisation-information, les responsables politiques et surtout techniques se révèlent souvent en complet décalage avec les préoccupations des populations. C’est pourquoi ces programmes d’éducation souffrent généralement d’un manque de communication mutuelle et d’absence d’écoute des préoccupations réelles des habitants.

Les résultats de quelques-unes des actions qui ont été menées dans le cadre du programme de recherche pS-Eau / PDM nous éclairent pour expliquer ce décalage,

Ces résultats s’articulent autour de deux axes principaux :

-          La confrontation entre l’espace public et l’espace privé

L’espace privé (la cour d’habitation) est le premier lieu de vie sociale et de production de déchets. Cet espace est à mettre en relation avec l’espace limitrophe de la rue qui suit une logique du marquage de l’espace par des dépôts d’ordures. L’espace public est perçu comme un espace d’adaptation aux besoins collectifs, mais aussi comme un lieu de valorisation du bien commun.

 -          la dimension politique de l’assainissement

Les notions de bien commun et d’intérêt général mettent en opposition la logique sociale (qui se traduit par des services privés rendus au nom d’intérêts clientélistes) et la logique civique (qui devrait se traduire par des services publics rendus au nom de l’intérêt général et du bien commun). La compréhension des rapports entre les élus locaux et les habitants permet d’avoir une meilleure représentation de la position des élus locaux et de la conception populaire du pouvoir communal.

 
L’analyse des pratiques

La propreté est très valorisée dans les discours, soit en termes de bienséance (valeurs attachées à l’apparence, à l’ordure, à l’odeur des gens et des lieux), soit en termes de pureté (références religieuses notamment), soit en terme de santé (thèmes développés par les services de santé sont passés dans le langage courant a travers des discours repetes mais non appropries par les populations).

Mais le contexte et les pratiques ne permettent guère à cet idéal proclamé de la proprete d’être réalisé, sauf de manière épisodique. Toutes les formes de nettoyage et de lavage se font par intermittence. Entre deux balayages, entre deux parfumages, entre deux vaisselles, entre deux lessives, entre deux « opérations coup de balai », on ne s’occupe guère de maintenir l’ordre ou la propreté. Autrement dit, on tolère largement le désordre et la saleté jusqu’au prochain coup de nettoyage.

D’autres pratiques communes s’observent : déversement des eaux usées dans la rue devant les concessions, remblai des « creux » par les déchets, tas de banco obstruant les rues, caniveaux à ciel ouvert où l’on jette tout, évacuation des déchets domestiques par les enfants...

Les endroits vacants au sein des villes sont traités dans les faits comme des dépotoirs naturels, c’est à dire comme s’ils représentaient en ville ce que reste encore la brousse pour les villages, le lieu naturel d’évacuation. Alors que paradoxalement, dans le discours, tout le monde déplore ce résultat.

La rue, aux abords des concessions, semble considérée comme un espace semi-vacant (et non comme un espace public ou municipal)sur lequel les habitations mitoyennes ont une sorte de droit d’usage naturel, entre autres pour y stocker matériaux et déchets.

Ceux qui manipulent les déchets (cantonniers et vidangeurs) sont peu considérés et relèvent de castes de statuts inférieurs.

 
Les perceptions

Les discours et les pratiques font une nette distinction entre une propreté individuelle qui consiste à s’arranger soi-même, à arranger ses choses et l’espace individuel dont on est propriétaire ou responsable, et une propreté sociale qui consiste à se représenter aux autres et à arranger les choses et les espaces partagés communs ou publics.

Mais la séparation de ces deux ordres n’est pas aussi nette qu’il y paraît. En effet, le jugement de propreté et de saleté est porté par le regard des autres en fonction de normes partagées : c’est pourquoi les discours insistent tant sur la visibilité de la saleté. C’est aussi pourquoi une bonne partie du travail de propreté conduit à dissimuler la saleté, à la rendre imperceptible à la vue et à l’odorat, plutôt qu’à l’éliminer vraiment.

La saleté renvoie clairement à deux représentations, presque toujours associées : la saleté-désordre et la saleté-souillure.

La saleté-souillure est complexe et renvoie à plusieurs constatations :

-     la première renvoie à l’idée d’une pollution sans conséquence, ni risque de maladie, c’est la « saleté simple » qui relève du même traitement de « propreté-hygiène » que la saleté –désordre : un simple balayage, essuyage ou lavage en viendra à bout.

-     Une autre connotation renvoie à l’idée d’une contamination violente, caractéristique de certaines eaux usées domestiques. Elle est extrêmement dangereuse à cause de sa puissance de contamination qui est telle que la simple vue, ou son enjambement, sans contact physique, suffit à donner la maladie. C’est plus qu’une saleté, c’est une souillure qui exige un traitement de propreté-hygiène particulier, et qui consiste toujours à l’éloigner de plus possible.

-     Enfin, une autre forme de souillure est caractéristique de la transgression d’interdits religieux. C’est le cas de la pollution par des excrétions ou des sécrétions humaines qui est particulièrement grave, car au-delà du fait qu’elle donne la maladie, elle porte malheur et peut conduire à la mort. Cette forme de souillure relève du registre de la morale et est combattue par des procédures de propreté-purification.

 

Répartition des rôles

En matière de responsabilité de la salubrité de la ville, la Mairie est toujours présentée comme première responsable. Mais certains habitants reconnaissent la part de responsabilité de la population en la matière.

Le lien entre le paiement de taxes de voirie et le service public que devrait assurer la municipalité n’est généralement pas mis en avant. Les Mairies tentent de défendre leur position par le discours récurent sur le manque de moyens, de l’incivisme fiscal, et du besoin d’aide extérieure.

Si l’incivisme fiscal est une réalité, il ne suffit pas à expliquer le manque de ressources de la municipalité. Les communes disposent en effet d’autres sources de rentrées fiscales. Ainsi, de nombreux acteurs de la société civile dénoncent les responsables communaux et certaines cadres « indétrônables », incapables d’assurer leurs responsabilités.

Quant aux perspectives qu’offrent la mise en oeuvre de la décentralisation, elles laissent les habitants sur des avis partagés, mais surtout sur une position qui se résume à « attendons voir ».

 

Mise en oeuvre des solutions pratiques

Plutôt que des résultats pratiques des actions de recherche, il s’agit ici de présenter des contre-exemples, c’est-à-dire des actions qui ne vont pas dans le bon sens.

  1. La conception technique des ouvrages de traitement. La tendance « naturelle » des chercheurs et techniciens est de promouvoir des innovations dans les techniques connues et de chercher à inventer de nouvelles techniques, supposées mieux résoudre les problèmes liés à l’assainissement. Or, les expériences montrent que pour les techniques rustiques, efficaces et peu coûteuses de type lagunage, les éléments de base sont souvent absents :

                                    a) Les conditions d’entretien (prescriptions techniques, formation, adaptation aux contextes) ne sont pas développées.

                                    b) Les données sur le dimensionnement des ouvrages (nature des effluents, conditions physiques locales) sont mal voire aucunement étudiées.

Or ces techniques mériteraient d’être mieux étudiées, mieux connues, de façon à être beaucoup plus largement développées.
 

  1. Le second défaut des experts du programme est de chercher à se positionner sur des sujets « à la mode » et de développer des études et des expérimentations sur :

                                    a) des techniques « alternatives » d’épuration,

                                    b) la valorisation des sous-produits (boues, macrophytes...),

                                    c) l’introduction de pratiques annexes (cultures, élevages...),

alors même que l’objectif de base – le traitement des eaux usées – n’est pas assuré.

 

Conclusion

En conclusion, il paraît nécessaire, pour répondre au défi de l’assainissement, qui d’ailleurs reçoit beaucoup moins d’attention et surtout de financements que la question de l’eau potable, que les experts et techniciens soient capables de construire des modes opératoires de l’assainissement avec :

-          des modalités techniques adaptées aux modes de vie des habitants,

-          des modalités financières adaptées aux revenus des populations,

-          des montages de projets adaptés aux formes et coutumes sociales et locales.

 

Or ces constructions progressives se font essentiellement en l’absence de modèles, étant donné que les modèles apportés du Nord ne sont performants ni dans les villes à croissance galopante et à faibles revenus, ni dans des cultures encore proches de la ruralité.

On voit ainsi la difficulté qu’il y a à vouloir imposer des modèles venus d’ailleurs et où les mauvaises pratiques d’hygiène d’un habitant pouvant être légitimes au regard de sa position sociale, se heurteront à un jugement négatif par le technicien.

 

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Les responsables politiques et municipaux sont attendus dans l’animation d’un travail permanent d’équipe réunissant habitants, secteur privé, secteur associatif, secteur public, bailleurs de fonds… et dans leur capacité à innover dans des types nouveaux d’organisation
table ronde animée par J.-P. ELONG MBASSI (PDM)

M. MBassi a introduit les débats en soulignant le fait que l’assainissement autonome est la forme d’assainissement qui a été le plus éprouvée en Afrique et qui a fait ses preuves en créant une profession, un marché, une capacité économique. « Nous avons les ingrédients pour une véritable dynamique de développement. Mais cette filière a des maillons manquants ».

M. Maurice Ouzoulias est le Directeur du SIAAP (Syndicat Intercommunal de l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne). Le Siaap regroupe la ville de Paris et les départements périphériques, assurant ainsi un service d’assainissement à plus de 8 millions d’habitants. « Les départements français desservis par le SIAAP ont déjà des coopérations décentralisées que nous appuyons. Nous travaillons avec le Maroc sur un volet formation avec des échanges de techniciens entre l’ONEP et le SIAAP. Nous travaillons aussi au Vietnam, à Cuba, en Ethiopie. Nous avons refusé des projets dont les investissements étaient lourds, des projets uniquement technicistes qui proposent des systèmes de canalisations sans se poser la question de l’évacuation et du traitement. Notre démarche se veut une coopération vécue ‘tous ensemble’, avec les municipalités et les usagers. Nous souhaitons apporter un façon de faire plutôt que des technologies et nous ne cautionnons pas le tout a l’égout et le gigantisme des moyens financiers. »

M. Bussery, maire de Juvisy, a initié avec sa commune une coopération  décentralisée avec la ville de Tillabery au Niger sur la problématique de l’assainissement avec pour objectif d’éviter que les eaux usées restent sur la voie publique et que les ménages soient équipés de latrines. Ce projet s’est articulé autour de trois étapes :

  1. Sensibilisation et mise en commun des moyens. Les bénéficiaires ont apporté un apport sous forme de travail et de contributions financières. L’apport de la commune a constitué en la fourniture de sable et de graviers. La coopération décentralisée a apporté le financement complémentaire.
  2. Formation d’artisans pour la construction de latrines agréées. Chaque famille pouvait choisir son artisan, a condition qu’il soit agréé donc qu’il ait suivi une formation.

  3. Paiement de la taxe de voirie. Cette condition était nécessaire pour accéder au programme et contribuer ainsi au développement du service communal de l’assainissement. Cette exigence a été au départ un frein sérieux : rien ne s’est passé pendant 6 a 9 mois. Mais passé ce délai un effet d’entraînement a été observé : dans une même rue, une fois quelques concessions ayant payé leur taxe et ensuite dotées d’une latrine, les autres concessions ont eu tendance a suivre. Aujourd’hui, 45 % des concessions sont équipées de puisards. Le processus est plus lent pour les latrines.

Par ailleurs, via un agent de l’assainissement, la commune s’est donné les moyens pour suivre les travaux. La vidange reste le point faible de la démarche. Quant au point de dépotage, cet aspect reste aujourd’hui occulté. Un des aspects saisissants dans ce processus a été la forte adhésion de la population.

Andreas KNAPP, du Programme Eau et Assainissement (PEA) a apporté son point de vue sur l’assainissement individuel : « Je suis d’accord avec le fait que l’assainissement individuel est dans de nombreux cas une bonne solution et que les systèmes centralisés ne sont pas toujours réalistes. Nous les ingénieurs avons souvent des préjuges dont celui de sous estimer la créativité des entrepreneurs locaux et des petits opérateurs privés. Nous n’avons pas toujours conscience du potentiel qui existe a la base et qui sait faire preuve d’innovations. Un autre aspect important est la volonté a payer des usagers pour des services de propreté, une volonté qui peut être conséquente et qui constitue un support viable pour le développement du secteur.

Comment organiser la filière maintenant ? Il est nécessaire de recourir au dialogue et à l’élaboration de stratégies qui s’appuient sur le potentiel local pour une amélioration progressive du secteur, avec un rôle de régulation laissé aux conseils municipaux. L’enjeu est d’utiliser les ressources décentralisées et les potentiels locaux.

M. Diallo a remarqué que si des politiques nationales existent pour l’eau, ce n’est pas le cas pour l’assainissement. Et les interventions dans ce secteur sont d’autant plus difficiles.

M. Buissery a apporté la réponse suivante : « l’eau et l’assainissement se traitent avant tout localement en s’appuyant sur l’opportunité de la décentralisation, a condition d’avoir le personnel formé et compétent pour traiter ces problèmes qui touchent en premier lieu les populations »

Jean-Noël Roulleau, de l’AFD, a rapporté quelques enseignements du programme : « Parmi les actions du programme de recherches assainissement et déchets solides, les meilleurs résultats viennent des pays qui ont une stratégie d’assainissement, donc pour que ça fonctionne, il faut qu’il y ait une volonté politique et une planification stratégique, même si elle est locale au niveau de la ville. Une planification qui définit des objectifs et des moyens est la condition nécessaire pour traiter les problèmes en la matière ».

M. Bruno Valfrey, impliqué également dans le programme assainissement et déchets solides, a complété les propos de M. Roulleau : « La dimension technique en assainissement n’est pas primordiale. Le programme a contribué à défricher un terrain mal connu, celui de la demande en assainissement. Les gens ont une perception très fine des différentes possibilités offertes par l’assainissement individuel (puisards, latrines étanches, latrines non étanches, etc.). Beaucoup de familles sont prêtes a investir dans l’amélioration de leur assainissement. Il faut donc adapter l’offre des projets aux réalités socio-économiques. »

M. Conan, du BURGEAP, a interpellé les membres du programme : « Vous dites que l’assainissement individuel est une solution mieux appropriée que les approches collectives même dans les grandes villes africaines : une demande existe ainsi que des opérateurs privés, mais cela nécessite une planification a l’échelle de la ville et une réglementation. Existe-t-il aujourd’hui un exemple de ‘success story’ global sur l’ensemble de la filière ?

M. Valfrey a répondu qu’il n’existe pas de ‘success story’ globale, mais uniquement des éléments prometteurs sur certains maillons de la filière (et notamment celui de l’évacuation des boues de vidange qui aujourd’hui constitue un véritable marché ; un autre exemple d’élément prometteur, celui de la politique publique mise en oeuvre par l’ONEA a Ouagadougou).

M. Le Jallé a précisé que si l’ONEA apporte de nombreux points intéressants, il y a aussi des points de blocage, notamment au niveau de la filière avale. « Lancé en 1992, ce programme a permis a de nombreux ménages de bénéficier de latrines. La plupart des autres expériences sont des processus en cours. L’ONEA a cette particularité d’avoir abouti. »

M. MBASSI a conclu la session en invitant à ne pas sombrer dans le catastrophisme. « Même dans les conditions d’urbanisation accélérée de l’Afrique, des solutions sont a la portée des populations. Les solutions locales peuvent fonctionner. Ces solutions, pour devenir systèmes, doivent devenir politiques. Pour se faire, il faut interroger les montages institutionnels et la décentralisation qui sont aujourd’hui indispensables. Il faut également adapter les montages financiers dans l’idée de ne pas charger trop les ménages. La question qui se pose est donc celle de la mutualisation des coûts. Comment les décomposer et avec qui ? Ce programme assainissement nous a montré ce qui pouvait marcher, ce qui est viable. Il faut proposer un vrai programme auprès de collectivités locales avec des moyens pour aller des bribes de ‘success story’ vers un système global performant. Inspirons-nous des industriels : testions un prototype en vrai grandeur, menons une expérimentation statistiquement valable avec des proposition d’organisation et de généralisation. Nous quittons donc une recherche pour aller vers d’autres recherches, mais celle-ci visent des propositions techniques à destination directement des collectivités locales.

"Nous avons tous les maillons en main. Il faut à présent les réunir." 

Compte-rendu de la session

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