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Recherches n°8 : Gestion de l'eau et protection de la ressource

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Un contexte marqué par le désengagement des pouvoirs publics et l'émergence de divers acteurs non gouvernementaux dans le domaine de l'approvisionnement en eau potable…

Dans les zones périurbaines des grandes villes du Cameroun, de même que dans les petits centres urbains, la distribution de l'eau potable par réseau accuse une faible performance technique marquée par un faible taux de performance (moins de 60 %). C'est dire que dans les localités où le concessionnaire exclusif de la vente d'eau par réseau est installé, en moyenne près de 40 % des ménages n'ont pas directement accès à l'eau distribuée : ceux-là doivent " se débrouiller par d'autres moyens " pour avoir de l'eau potable. Si aujourd'hui l'action des pouvoirs publics en matière d'approvisionnement en eau potable pour les zones rurales est assez élaborée, il n'en est pas de même pour les zones urbaines dépourvues de réseaux d'eau. Dans la pratique il n'y a aucune action en direction du développement des méthodes alternatives d'approvisionnement en eau potable en milieu urbain : les structures déconcentrées du ministère des Mines, de l'Eau et de l’Énergie ainsi que les municipalités tolèrent sans s'y impliquer les pratiques qui sont aujourd'hui développées à l'initiative des populations et des différents acteurs non gouvernementaux présents sur le terrain.

La recherche montre que pendant que les pouvoirs publics se réservent, les populations s'organisent et se structurent pour trouver des solutions plus ou moins pertinentes à leurs problèmes d'alimentation en eau potable. Hormis quelques réseaux isolés construits ici et là, ou des bornes-fontaines payantes, en général les populations et autres acteurs non gouvernementaux introduisent en milieu urbain les méthodes de l'hydraulique villageoise avec l'aménagement de nombreux puits et sources. Cependant, que ce soit au niveau des municipalités ou à celui des services techniques du ministère de l'Eau, on part du principe qu'en milieu urbain les puits et les sources produisent forcément de l'eau de très mauvaise qualité bactériologique, compte tenu de la forte densité de l'habitat et de l'existence de nombreuses sources potentielles de pollution. L'ampleur du problème aujourd'hui est telle qu'il faut se pencher dessus avec plus de sérieux avant de déterminer la position à adopter face à l'aménagement d'un puits ou d'une source en milieu urbain. Les solutions techniques existent mais elles ne peuvent apporter les résultats attendus que si le jeu des acteurs impliqués dans l'action est bien compris de tous. D'une matière générale, ces solutions techniques excluent la protection de la ressource en eau contre les pollutions d'origine diverses, sachant que dans nos villes, en moyenne 86 % des ménages utilisent des modes d'assainissement individuels (fosses d'aisance à fonds perdus ou fosses septiques sans lits bactériens), d'où l'importance de la protection de la ressource en eau dans les zones périurbaines et les petits centres.


Des questions de recherche jugées pertinentes par les chercheurs et les acteurs de terrain…

Les deux axes de recherche que nous avons suivis sont les suivants : " Les modes de gestion partagée pour le service en eau potable et participation des habitants " et " les impacts des conditions d'alimentation en eau potable : protection des ressources en eau ". L'analyse de notre contexte nous a conduit à formuler des questions qui ont été validées auprès des nos partenaires sur le terrain. Ces questions sont les suivantes :

  • Comment les structures qui ont monté et/ou qui pilotent nos projets-supports ont-elles été amenées à s’y intéresser ? Comment sont-elles organisées et sur quelles bases ?
  • Comment ces structures fonctionnent-elles, quelles sont les difficultés auxquelles elles font face et comment arrivent-elles à les surmonter ?
  • Quelles sont les conditions de réplicabilité des expériences que nous considérons comme ayant réussi ?
  • Quelles mesures pratiques peut-on prendre pour protéger la ressource en eau dans les quartiers périurbains et les petits centres ?
  • Comment peut-on prendre en compte la protection de la ressource en eau dans le montage des projets d’alimentation en eau potable dans notre contexte d’étude ?


Un terrain de recherche riche et varié…

Pour chercher les réponses aux questions de recherche que nous avons formulées, l'équipe s'est appuyée sur des opérations supports de quatre localités dont : la zone périurbaine du 4ème arrondissement de la ville de Yaoundé (capitale du Cameroun qui compte environ 1,2 million d'habitants), deux villes secondaires dont Bafang situé dans l'ouest du pays et qui compte environ 37000 habitants, Bafia qui compte environ 38000 habitants, et les projets menés par le diocèse d'Otélé dans un programme de réalisation de puits, surtout en zone rurale mais avec quelques réalisations en zone urbaine.

Le terrain de la recherche a été choisi en raison de la diversité des projets d'AEP qui s'y déroulaient. Cette diversité pouvait s'observer suivant les acteurs impliqués, les sources et les modes de financement, les structures conçues et mises en place pour assurer la pérennité des ouvrages construits, la diversité des techniques utilisées pour mettre de l'eau potable à la disposition des populations (puits, sources, bornes-fontaines payantes, mini-réseaux d'adduction d'eau).


Des résultats de recherche qui interpellent les pouvoirs publics…

  1. Tous les puits et les sources aménagés en milieu urbain ne produisent pas de l'eau de mauvaise qualité bactériologique. De ce point de vue, il y a lieu de distinguer les bons ouvrages des mauvais ouvrages et de prendre des mesures de protection des puits et sources qui produisent de l'eau de bonne qualité.
  2. Dans l'aménagement d'un point d'eau, l'analyse de la qualité de l'eau est tout aussi importante que l'aspect génie civil.
  3. Le droit d'accéder à l'eau potable réclamé par les populations est aussi le droit de payer le juste prix de l'eau.
  4. Les actions conduites par les populations sont complémentaires à celles des concessionnaires des réseaux et doivent être perçues comme telles par les pouvoirs publics.
  5. Les pouvoirs publics devraient avoir une politique plus claire en ce qui concerne les méthodes alternatives d'AEP, inciter les services déconcentrées de l'Etat à être plus présents sur le terrain pour encadrer les populations dans leurs pratiques ; il s'agit là d'encourager les bonnes pratiques tout en combattant les mauvaises ; la faible couverture de l'espace urbain par les réseaux conventionnels, l'accroissement de la pauvreté urbaine, avec pour corollaire le faible taux d'accès à l'eau potable, montrent que les pratiques actuelles vont encore se développer.


Les facteurs de réplicabilité des actions positives…

  1. La gestion communautaire marche moins bien en zone urbaine qu’en zone rurale. Les projets qui suivant nos analyses ont connu une certaine réussite, se déroulent en zone périurbaine, et génèrent un minimum de revenus permettant au moins de faire face aux charges d'entretien.
  2. Le fait que les acteurs locaux ne puissent pas connaître la qualité des eaux qu’ils puisent dans les points d’eau aménagés par eux-mêmes, constitue un frein au développement de la réflexion au niveau local. Dans les projets qui ont connu un certain succès, les bénéficiaires souhaitent connaître la qualité de leurs eaux en même temps que les mesures éventuelles à prendre pour l’améliorer. Il ne souhaitent pas être découragés si aucune alternative ne leur est proposée.
  3. Les projets qui marchent le mieux sont ceux pour lesquels la participation de la population est assez forte (60 à 100 %) et pour lesquels il y a un comité de suivi et une animation sociale méthodique. Dans ces cas-là, la vie associative est assez dense (réunions, tontines, etc.). Souvent ici, les femmes, les hommes, les jeunes réfléchissent chacun de leur côté et mettent ensemble leurs idées le moment venu.
  4. L’action des groupes issus des églises ou soutenus par celles-ci semble assez efficace, mais la quasi-totalité du financement provient de l’extérieur et les ouvrages bien que robustes coûtent très cher. Toutefois, les populations suivent le mouvement initié par les églises et assurent les tâches qui sont les leurs.
  5. Les actions menées unilatéralement par l’institutionnel en minimisant l’apport des populations, tant dans le choix des ouvrages que dans sa gestion et la localisation géographique des points d’eau, donnent des résultats médiocres en ce qui concerne la pérennité de l’approvisionnement en eau.
  6. En plus d’un comité de gestion crédible, des mesures concrètes au sein du comité visant à combattre les détournements de fonds sont absolument nécessaires. Des mesures comme l’ouverture d’un compte bancaire avec double signature, la limitation du nombre et de la durée du mandat, la tenue d’une comptabilité du projet ont donné de bons résultats.
  7. Le financement n'est pas la seule clé de pérennisation d'un projet d'AEP. Un financement mal amené, impliquant trop d'acteurs étrangers au terrain, piétinant la dignité des populations en place peut finir par tuer les initiatives locales et ce faisant bloquer le développement réel pour un temps indéterminé


Des mesures de protection à prendre en compte dans la conception des projets d'AEP. Changer certaines pratiques d’assainissement pour préserver la qualité de l'eau des nappes souterraines…

Les mesures de protection à prendre relèvent à la fois de l'habitat (notamment le mode d'occupation de la parcelle dans le cas d'un ouvrage privé), de la disposition des points d'eau par rapport aux différentes sources de pollution et des pratiques en matière d'assainissement des eaux usées.

L'habitat

Le mode d'occupation de la parcelle est déterminant pour la protection de la ressource en eau : dans les parcelles des zones étudiées, on a en général à la fois un puits et une latrine mouillée ; la contamination est plus rapide surtout lorsque les parcelles sont de petite taille ; il y a lieu d'instituer un contrôle local des modes d'assainissement sur les parcelles et d’interdire la construction de puits sur les parcelles de petite taille.

L'implantation des ouvrages

  • Les puits et les sources doivent être tenus à au moins 20 mètres des sources potentielles de pollution que sont les latrines, les dépôts d'ordures, les puisards qui desservent les fosses septiques (souvent démunis d'éléments épurateurs dans nos pays).
  • Protéger les ouvrages contre les eaux de ruissellement (eaux pluviales, lixiviats, etc.).
  • Empêcher les animaux d'accéder aux points d'eau.

Les pratiques dans les ménages

  • Il est fortement recommandé de ne pas orienter les eaux usées dans les fosses d'aisance, parce qu'elles accélèrent les vitesses de transmission des germes pathogènes vers les nappes d'eau souterraines.
  • Il vaut mieux avoir des latrines sèches que des latrines qui touchent les nappes d'eau souterraines, contrairement aux pratiques actuelles.


Des recherches qui doivent se poursuivre…

Par :

» Une étude plus approfondie du partenariat qui se développe dans notre sous-région en matière d'AEP, et plus spécifiquement dans la zone sèche où l'eau tout court est rare.

» La poursuite des expérimentations en s’appuyant sur ce qui existe sur le terrain :

  • les tests de transmissivité sur traceur in situ ; pour cela il faudrait prendre des précautions pour éviter toute susceptibilité de la part des populations et obtenir d’elles de pouvoir " isoler " les ouvrages suivis pendant la durée de l’expérimentation ;
  • identifier des projets dans lesquels il y aura des aménagements qui vont être effectués, faire des prélèvements avant et après les aménagements en ayant travaillé entre-temps sur la conception des ouvrages et les mesures de protection envisagés.
» La validation des périmètres de protection que nous avons définis dans la recherche.

» Le développement d'un système d’information géographique sur un petit centre urbain qui pourrait servir d’observatoire sur le sujet traité.

» L'étude des problèmes particuliers de protection de la ressource en eau dans des sites particuliers tels que les décharges d'ordures, les zones de forte activité industrielle polluante, etc.

» Contacts et fiche technique

Responsable de Recherche

Emile Tanawa, Laboratoire environnement et sciences de l’eau de l’Ecole polytechnique de Yaoundé - BP 8390 Yaoundé - Cameroun -
Tél. : (237) 22 45 47 - Fax : (237) 23 18 41
E-mail :

Partenaires

Henri Bosko Djeuda Tchapnga, Emmanuel Ngnikam, Jean Siakeu,
Moïse Tsayem Demaze, Joseph Wethe, Louis Soh, Bernadette Ngo Massana (ENSP Yaoundé)
Paul Tchawa (Département de géographie, Université de Yaoundé I)
Moumtaz Razack, (Laboratoire d’Hydrogéologie, Université de Poitiers)
Abdelrhamane Bintou (Faculté des Sciences Exactes de l’Université de N’Djamena)
Thomas Adeline et Philippe Amirault (AFVP)

Pays concerné(s) : Cameroun
Axe(s) de recherche concerné(s) : 2.1 ; 2.2 ; 2.3 ; 3.3
Milieu(x) concerné(s) : quartiers périurbains et petits centres
Durée : 18 mois (16/10/96 – 15/04/98)
Coût : 215 000 FF



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