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Tel quil avait été initialement
défini, lobjectif général de la recherche
consistait à " lapprofondissement des connaissances
sur les aspects fondamentaux de la gestion de leau " à
partir dune " Analyse anthropologique des questions
institutionnelles et relationnelles que pose la distribution de leau
dans trois petits centres maliens ".
Problématique
L'hypothèse justifiant cet axe de recherche était que
dans ces régions soudano-sahéliennes, au-delà des
considérations techniques et économiques, l'eau potable était
une ressource stratégique pour les populations urbaines et que,
de ce fait, le contrôle de sa distribution pouvait constituer un
enjeu de pouvoir local majeur.
Nous avons donc tenté d'investiguer les jeux de pouvoirs
locaux et les stratégies des acteurs impliqués de près
ou de loin dans le service de l'eau potable (à Bandiagara et à
Koro) et de l'assainissement (à Mopti où pour des
raisons géographiques spécifiques à cette ville,
l'assainissement est un enjeu local plus important que l'adduction
d'eau). Dans les trois petits centres urbains étudiés,
nous nous trouvions en face d'une population urbaine dont l'immense
majorité obéit à des traditions dorigine
rurale, dispose de très faibles revenus monétaires tout
en étant soumise à laffaiblissement des liens de
solidarité communautaire. Cette situation particulière
pose un problème dadéquation des conduites - quon
peut qualifier de néo-traditionnelles - concernant leurs
pratiques dapprovisionnement en eau et dassainissement
puisque ces " citadins " continuent de gérer la
relation entre leur espace domestique (la " cour ") et lextérieur
(le passage, la rue ou le chemin) en fonction dun habitus
culturel paysan.
Méthodologie scientifique : lapproche
anthropologique
La méthode anthropologique présentait comme intérêts
spécifiques, dune part, de contribuer à lobjectif
dapprofondissement des connaissances à partir dune
analyse contextualisée des problèmes et, dautre
part, dêtre particulièrement adaptée à
létude qualitative des phénomènes sociaux.
Elle sest appuyée sur les techniques de lEnquête
anthropologique rapide (EAR) qui avait déjà été
testée et validée par nous sur le terrain (cf.
bibliographie) et qui consiste à observer sur le terrain les
pratiques sociales réelles et à analyser les conceptions
développées par les acteurs stratégiques locaux à
propos de ces mêmes pratiques. Lenquête
anthropologique met en uvre des procédures : |
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Par ailleurs, les chercheurs impliqués ayant
déjà une longue expérience de recherche dans les
sites proposés, lAction de recherche n°10 pouvait bénéficier
des savoirs préalablement acquis dont on pouvait escompter une
optimisation des connaissances et un gain de temps dans la durée
de lenquête.
Résultats obtenus
Axe 1 du rapport final " Le service de leau à
Bandiagara et à Koro : description "
Les enquêtes ont permis de répondre en grande partie à
la question de la " cohabitation pérenne et négociée
de systèmes multiples sur le même territoire urbain (4.2)
". Dans un premier temps nous avons donc procédé à
la description puis à lanalyse des modalités de
coexistence des différents systèmes d'approvisionnement
en eau sur le territoire communal qui ont permis de constater que ladaptation
au milieu induisait la mise en uvre de pratiques renvoyant à
des savoirs, à des règles sociales et à des
logiques symboliques qui donnent tout leur sens à la sélection
par les usagers de lune ou lautre des sources deau
(mares, puits, " robinets ") disponibles. On a ainsi pu
identifier les facteurs locaux qui permettent de rendre compte des
logiques concurrentielles et complémentaires simultanément
à luvre (la localisation dans lespace urbain,
le goût de leau, le facteur saisonnier, les usages
domestiques de leau, etc.).
Axe 2 du rapport final " Les usages domestiques de leau
: pratiques sociales et conceptions culturelles "
Ensuite, nous avons essayé de relever des indicateurs de
transition ou de rupture entre les conceptions culturelles et les
pratiques effectives qui animent le milieu urbain et celles qui prévalent
encore en milieu rural. Linvestigation dans le champ des "
conceptions religieuses et des représentations culturelles de leau
" a permis de constater lexistence simultanée dune
grande diversité de conceptions qui renvoie à des
cultures microlocales différentes.
" Leau " est lobjet de diverses sortes de représentations
symboliques qui renvoient tout à la fois à des
profondeurs historiques différentes et à des conceptions
religieuses et culturelles variées. Par contre, ces conceptions
culturelles locales ne constituent, en aucune manière, un
obstacle au développement du service de leau potable.
Axe 3 du rapport final " Jeux de pouvoirs locaux autour de lapprovisionnement
en eau potable à Bandiagara, Koro et Mopti "
Ce troisième axe de recherche, qui était plus précisément
orienté vers les perspectives de gouvernance des collectivités
locales dans le cadre de la décentralisation administrative, a
consisté à investiguer les conditions de possibilité
dune forme " dintérêt général
" pour un service communal de leau et de lassainissement.
Cette question du service de leau et de lassainissement
considéré comme un " service public communal "
dans lespace politique communal à Bandiagara et Mopti a
fourni les résultats les plus remarquables et les plus riches
de cette étude. Que ce soit à travers le contrôle
du système dAEP des villes de Bandiagara et de Koro ou à
travers la maîtrise religieuse des puits sacrés à
lest de Koro, on a pu montrer que le contrôle de leau
a toujours conféré du pouvoir. En 1997 ce pouvoir était
investi dans des logiques clientélistes qui se traduisaient en
pratique par diverses formes de petite corruption (Koro) ou de moyenne
corruption (Mopti, Bandiagara).
Lenquête a aussi montré quil existe une
confusion permanente entre la notion " dintérêt
commun " telle quelle est formulée par les notables
issus des familles fondatrices de la ville (qui, à ce titre, sen
considèrent les " propriétaires ") et celle "
dintérêt général " (il existe
des écarts importants entre le sens voulu par les textes réglementaires
et les conceptions populaires prévalentes). En effet, cet "
intérêt commun " est en réalité "
particulier " aux familles fondatrices et exclusif des intérêts
des citadins dorigine " allochtone ". Lintérêt
" commun " des autochtones na donc rien à voir
de près ou de loin avec " lintérêt général
" qui, par définition, est public cest-à-dire
" commun à tous " dans la commune.
Cette confusion liée à linterprétation
abusive des notions dintérêt général
et de service public évoquées de manière "
incantatoire " par les notables locaux engendre une incertitude générale
et linsécurisation des usagers. Elle permet surtout la
perpétuation dune pratique généralisée
du clientélisme politique qui rend difficile lémergence
dun espace de décision démocratique et dinformation
citoyenne dans le cadre des nouvelles formes de gouvernance locale.
Conclusions et recommandations
En résumé nous avons constaté : |