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La recherche s'appuie sur une action d'aménagement
de sources et de mise en place d'une filière locale de réalisation
de petits équipements, menée par une coopération
décentralisée entre la ville de Kindia, capitale régionale
à 135 km de Conakry (Guinée), et Guinée 44, émanation
du Département de Loire-Atlantique.
La recherche analyse l'offre en eaux, la position des différents
acteurs, le comportement des ménages, et propose des
orientations pour la coexistence des différents systèmes
d'alimentation, l'extension de la fourniture d'eau potable, l'amélioration
de la conception et de la gestion des sources aménagées.
Elle a été conduite, pour Guinée 44, par ACT
-Consultants et la Kindianaise d'aménagement et s'appuie, entre
autres, sur deux enquêtes ménages, menées à
des périodes climatiquement différentes, dans 12 îlots
jugés exemplaires.
Situation constatée
Kindia bénéficie d'une grande disponibilité
d'eaux sous formes diverses (précipitations, sources, marigots,
puits) la majeure partie de l'année ; le niveau de vie général
de la population est faible, tout comme l'investissement public.
L'eau est distribuée par le réseau, à une
minorité et dans les quartiers centraux, avec des branchements
particuliers (faisant souvent de la revente ou du partage de factures)
et quelques bornes-fontaines, confiées à des
gestionnaires privés, sans qu'elles bénéficient
d'un contrat adapté, de sorte que leur rôle est très
limité. Le réseau doit être prochainement amélioré
(réhabilitation et extension) sur financement de l'Agence française
de développement.
Parmi les nombreuses sources, une dizaine a été aménagée
avec l'appui de Guinée 44, ce qui a contribué à
faire apparaître une véritable filière locale de
construction et de développement (avec l'équivalent
d'une société d'équipement, d'un bureau d'études
et de contrôles, de mini-entreprises).
Des puits servent aux besoins familiaux dans presque tous les
quartiers. Pendant les mois centraux de la saison des pluies, l'eau de
pluie est aussi un mode d'approvisionnement important.
Les ménages classent les eaux, avec quelques variantes suivant
les quartiers, en fonction de leur qualité supposée (réseau,
puis source aménagée, source non aménagée
ou puits, etc.). Du fait de l'état du réseau, cette
gradation ne correspond pas toujours à celle constatée
par le laborantin (des analyses spécifiques ont été
faites pour les besoins de la recherche). L'information de la
population sur les qualités d'eau n'est actuellement assurée
ni par l'Etat, ni par la collectivité locale.
On s'approvisionne à proximité. Pratiquement tous les ménages
utilisent plusieurs modes d'alimentation. Leurs exigences sont
variables suivant les usages : schématiquement, d'une part, les
eaux pour la boisson et l'alimentation, d'autre part les eaux pour les
autres usages.
Malgré le faible nombre de branchements en activité,
l'eau du réseau serait utilisée (pas forcément en
continu) par près d'un tiers des urbains, pour la boisson et la
cuisine principalement. Cette minorité importante de ménages,
usagers indirects du réseau, ne dépense quenviron
2000 fng (10 FF) par mois pour l'eau, à raison de 20 à
30 l/jour. La rentabilité de l'investissement réseau est
donc limitée. Le réseau joue un rôle important en
fin de saison sèche quand les autres modes d'alimentation
connaissent des baisses de débit ou parfois tarissent.
Les difficultés rencontrées par les sources aménagées
avec l'appui des populations et d'accès gratuit sont réelles
: faiblesse des actions des comités de gestion et donc manque
d'entretien, maîtrise insuffisante des périmètres à
protéger de l'urbanisation. Des problèmes techniques dépassent
les compétences des comités.
Les ménages sont attachés à la complémentarité
des modes d'alimentation. Les habitants sont prêts à
participer aussi bien à la construction d'une borne-fontaine
qu'à l'aménagement d'une source et n'y voient pas de
contradiction.
Face à la diversité des ressources et de la demande, il
n'y a pas de structure permettant de coordonner sur un territoire les
programmes, d'exploiter au mieux les ressources locales, de répondre
aux besoins essentiels. Les institutions responsables s'ignorent.
Enseignements
Le réseau est indispensable quand il n'y a pas de ressource
proche garantissant la potabilité, quand ces ressources
tarissent. La conception d'un réseau doit prendre en compte les
offres concurrentes. Une meilleure connaissance des besoins devrait
aboutir à une utilisation plus judicieuse des rares
financements disponibles.
Dans un contexte de faiblesse et de stagnation des revenus, les
bornes-fontaines restent indispensables, en particulier dans les zones
actives et fréquentées, et dans les quartiers
d'extension à faible revenu, dépourvus d'autres sources
sûres. Afin d'étendre la distribution d'eau et de
contenir la hausse des prix, les bornes-fontaines doivent bénéficier
d'un niveau de service supérieur à celui des
branchements particuliers (accessibilité, débit,
environnement) et d'un mode de gestion particulier (tarification de la
fourniture d'eau, suivi des consommations et des factures, adaptation
du forfait ou de l'abonnement, etc.).
Comme le réseau, les sources ne peuvent se passer d'un système
d'appui doté de ressources propres (fondées sur le
paiement de l'eau plutôt que sur la cotisation, aléatoire).
Le maintien de l'investissement, la garantie de la qualité nécessitent
un bon niveau d'expertise. Des analyses d'eau fréquentes sont
indispensables en zone urbaine.
Des compétences locales dans la construction de sources sont
indispensables à leur maintenance. Mais les filières
locales de réalisation doivent être ouvertes sur leur
environnement : diversification des financements et mise en
concurrence doivent être recherchées progressivement.
La maîtrise de l'urbanisation dans un périmètre
protégé doit être un préalable à
l'aménagement et peut s'obtenir avec l'appui d'une bonne partie
du quartier. Un accord est à trouver avec les propriétaires
coutumiers du sol.
Impacts de l'action
La recherche a donné aux différents acteurs une
connaissance des différents systèmes d'alimentation
existant sur le site, ce qui devrait faciliter la reconfiguration du réseau.
L'expertise extérieure apportée à l'occasion de
la recherche fournit des éléments pour amorcer le
dialogue entre acteurs qui s'ignoraient, puis agir s'il y a la volonté
de s'impliquer sur le long terme.
Les acteurs " locaux " ont été confortés
par les éléments qui démontrent l'intérêt
des aménagements des sources. La recherche a permis de
commencer l'évaluation des aménagements réalisés
et de redéfinir une politique. On passerait ainsi de l'aménagement
de sources à celui d'un environnement, à la mise en uvre
d'un système global de gestion, s'appuyant sur un rôle
plus dynamique des habitants. Le choix des investissements pourra être
plus raisonné et leur durée mieux garantie.
La recherche fournit des bases pour une relance du dialogue entre
acteurs français de la coopération (AFD et Guinée
44), et actions complémentaires, dans le cadre d'une politique
globale de coopération pour l'équipement en eau.
Guinée 44 a décidé de financer des actions
favorisant la maintenance des sources (formation et information, élaboration
d'un schéma de réhabilitation et de protection des
sources).
Orientations
Pour un service public de l'eau accessible à tous, les
financements sur un territoire donné sont à inscrire
dans une démarche globale prenant en compte l'ensemble des
ressources en eau et l'ensemble des acteurs (autorités locales
et nationales, coopérations).
L'action de la recherche devrait donc être poursuivie au niveau
de chaque Etat où sont présents tous les acteurs concernés.
Un séminaire de restitution permettrait de dégager de
nouvelles approches et de proposer des applications pratiques.
La coexistence de différents systèmes dans les périmètres
urbains ne peut venir que d'une action conjointe de la tête
(l'Etat) et de la base (des localités et associations
dynamiques) qui doit démontrer l'intérêt de cette
solution.
Les collectivités locales et les quartiers sont à réinsérer
comme acteurs essentiels de la distribution publique, car indépendants
des différents systèmes d'alimentation, sensibles à
la satisfaction des besoins sociaux, et nécessaires pour équilibrer
les préoccupations, légitimes, des concessionnaires.
Développement et autonomie des associations locales, décentralisation
sont des ingrédients nécessaires pour améliorer
les modes d'alimentation locaux. Un appui à la décentralisation
et aux associations de collectivités locales permettrait une
approche plus efficace. |