Actions pilotes

Action pilote n°3 : La Mise en place de l'affermage de la distribution d'eau à Gabú et à São Domingos

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L'objectif de cette action de recherche était " d'appuyer et de suivre la mise en place progressive de l'affermage du service public de distribution d'eau ", de tirer les enseignements de cette expérience, afin d'examiner dans quelle mesure elle peut être reproduite pour des centres de taille équivalente. Initialement nous nous étions intéressés à la ville de Gabú, une première expérience d'affermage du réseau à une entreprise de forage, ENAFUR, étant en cours de démarrage. Le contrat d'affermage signé, le démarrage effectif de l'exploitation dépendait du financement de la réhabilitation du réseau d'AEP. Celui-ci ayant pris un énorme retard, nous avons dû nous réorienter au début de l'action-pilote vers un autre site, São Domingos, chef-lieu de secteur de 2500 habitants équipé d'un réseau d'AEP comprenant 9 bornes-fontaines et 12 branchements individuels.

Sur un plan opérationnel, il s'agissait d'appuyer les " fermiers " dans leur démarche. Cet appui a été réalisé à travers des missions ponctuelles portant sur divers aspects : techniques (organisation de la production et de la vente de l'eau, contrôle des fuites, etc.), financiers (comptes d'exploitation, tenue des cahiers, demandes de financement pour la réhabilitation du réseau), juridiques (négociation/rédaction du contrat d'affermage), et d'animation auprès des usagers. Sur le plan de la recherche, notre préoccupation était d'identifier les contraintes pesant sur le bon fonctionnement de l'affermage, liées au champ d'étude (centre semi-urbain défini au préalable), ainsi que les éléments contribuant à la réussite de ce mode de gestion à São Domingos, afin d'en tirer des recommandations d'ordre plus général sur les conditions de mise en oeuvre de l'affermage dans un centre semi-urbain.


Contexte

En Guinée Bissau, jusqu'à une période récente, l'alimentation en eau des centres semi-urbains dépendait, selon les cas, de la direction générale de l'énergie (DGE) ou des comités d'Etat (représentation du Gouvernement au niveau des chefs-lieux administratifs).

En règle générale, le fonctionnement des réseaux existants était confronté à de graves problèmes de gestion : l'eau était distribuée gratuitement et de fait aucun dispositif permettant d'assurer le fonctionnement correct et l'entretien des équipements n'était mis en place. Cela a eu pour conséquence une perte progressive de la confiance des usagers qui sont retournés aux points d’eau traditionnels ou aux forages équipés de pompes manuelles.

Comme dans la plupart des pays voisins, deux modes de gestion ont alors été envisagés : des associations d'usagers ou la délégation à un opérateur privé du réseau d'approvisionnement en eau potable (AEP). Un certain nombre d'associations d'usagers ont été constituées. L'affermage du réseau d'AEP de São Domingos constitue l'unique exemple de ce type de gestion sur un réseau en fonctionnement (prévu aussi pour la ville de Gabu).


Méthodologie

Les actions d'appui et de suivi sur le terrain comprenaient les étapes suivantes :

  1. appui à la remise en état du système,
  2. actions d'information et de sensibilisation auprès des populations,
  3. organisation de la production et de la distribution,
  4. réalisation d'un voyage d'étude pour le directeur d'ENAFUR.

Pour l'extrapolation des constats, l'analyse a porté sur :

  • les difficultés rencontrées par les fermiers, en cherchant à en distinguer les causes ;
  • leurs motivations et leurs personnalités respectives ;
  • la comparaison des résultats obtenus avec d'autres analyses en cours en Guinée Bissau (différentes études concernant Gabú, étude de faisabilité dans la région de Bafata - 6 centres semi-urbains -, projet CFD dans la région de Cacheu - 5 centres semi-urbains -, etc.).


Résultats

La gestion du réseau d'AEP de São Domingos a été déléguée à deux commerçants déjà engagés depuis quelques années dans la gestion du réseau électrique. Un contrat d'affermage, liant les deux fermiers à l'Etat, a été rédigé avec les fermiers. Les relations et les aménagements nécessaires, entre usagers, fontainiers chargés de la distribution et fermiers se mettent en place progressivement.


Points forts de l'expérience

  • mobilisation d'opérateurs locaux (de leur propre initiative) ;
  • alternative au modèle classique de gestion par comité ou association d'usagers.


Impacts détaillés de l'action

Cette expérience apporte quelques éléments concrets aux réflexions en cours sur les modes de gestion optimaux dans les centres semi-urbains non desservis par les sociétés nationales de distribution d'eau.

La connaissance de la personnalité des fermiers, des limites de leurs actions et des contraintes qui pèsent sur le bon fonctionnement de la gestion, la confrontation de ces éléments avec différentes études portant sur des centres similaires en Guinée Bissau a permis d'avancer sur deux points.


  1. La définition d'une nouvelle catégorie d'opérateurs

Opérateurs privés locaux, ils peuvent se substituer aux associations d'usagers dans le rôle d'exploitant mais ont en commun une faible capacité de financement - problème de la prise en charge de la réhabilitation des réseaux anciens - et la nécessité de sous-traiter la maintenance à un opérateur spécialisé.

Ces opérateurs privés locaux, si on les compare aux associations d'usagers, sont beaucoup plus autonomes vis-à-vis de l'autorité de tutelle (aujourd'hui la DGRN) dans leurs décisions (choix techniques et financiers, choix des sous-traitants...)

Leur motivations sont plus, à São Domingos, d'asseoir leur notabilité pour s'assurer notamment un pouvoir politique futur, que la simple rentabilité financière du système.


  1. La mise en évidence des contraintes pesant sur le bon fonctionnement du système

Il s'agit essentiellement de contraintes économiques - liées au trop grand décalage entre le niveau de revenu des individus et les investissements nécessaires - et de contraintes sociales.

Ce deuxième aspect est de loin le plus important. A São Domingos, la légitimité des deux commerçants n'est pas mise en cause car il s'agit de notables respectés par la plupart des usagers. En contrepartie, les fermiers agissent de manière très progressive avec ces usagers (tarifs, mode de recouvrement des coûts, etc.) pour s'assurer de leur soutien. La régulation par les usagers fonctionne bien dans ce cas.

A l'opposé, il ressort d'une étude de faisabilité, dans la région de Bafata, une forte réticence de certains usagers à l'égard de ce mode de gestion (" une personne privée qui va gagner de l'argent sur le dos de la population "). La personnalité des opérateurs est ainsi un facteur-clef pour la réussite du système.


Points forts et points faibles de l'action - difficultés rencontrées

Points faibles : Manque de recul (temps de fonctionnement du réseau) pour tirer des conclusions sur les conditions de fonctionnement du système d'AEP avec ce mode de gestion.

Points forts : Dynamique qui s'est créée entre les fermiers, la population et notre équipe permettant un bon niveau d'échange.


Recommandations

L'affermage à des opérateurs locaux est une alternative possible à la gestion de type communautaire ou associative.

Dans les petits centres, elle n'est cependant réalisable qu'à certaines conditions :

  • contractualisation liant le fermier à l’Etat (tant qu’il n’y a pas une représentation municipale élue) ;
  • le contrat a un rôle important dans la mise en œuvre du processus, notamment pour la clarification des responsabilités et tâches du fermier ;
  • existence d’une demande de service en quantité et en qualité ;
  • reconnaissance de la légitimité des opérateurs privés par les usagers.


Perspectives

  • Extension de ce mode de gestion à d'autres centres semi-urbains.
  • Structuration des interventions de ce type en fonction des résultats obtenus.
  • Le suivi de cette action, après un à deux ans de fonctionnement, serait très riche en enseignements.
» Contacts et fiche technique

Responsable de l’action pilote

Janique Etienne, Jacques Altherre, BURGEAP - 27, rue de Vanves
92772 Boulogne Billancourt cedex
Tél. : (33) (0)1 46 10 25 47 - Fax : (33) (0)1 46 10 25 49
E-mail :

Partenaires

MM. Cassama et da Mata
Hilário Sanhá (ENAFUR)
Mauricio Correia de Matos (Direction générale des ressources naturelles)
Hervé Conan (RéA)

Localisation : Gabú et São Domingos, Guinée Bissau
Axe(s) de recherche concerné(s) : 2.2 ; 2.3 ; 4.1
Milieu d’intervention : centres secondaires
Durée : 20 mois (29/04/96 – 31/12/97)
Coût : 290 769 FF



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