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Gestion durable des déchets
et de l'assainissement urbain

Le cadrage thématique et méthodologique du programme

Thème spécifique eaux usées et excreta - 9 :
Rationalité des acteurs et régulation du service d’assainissement

            Problématique

Sans entrer dans des considérations générales, toutes aussi intéressantes soient-elles, sur la ville, sur le sens et les réalités des processus de décentralisation, sur les notions d’intérêt général et de service public, et sur les formes que peut prendre l’exercice du pouvoir local, il importe de replacer la question de l’assainissement des eaux usées et des excreta dans une perspective plus large, comme enjeu et composante d’une politique de la ville.

“ Parent pauvre des politiques urbaines ”, il n’en demeure pas moins que l’assainissement est un service public et que la responsabilité de le garantir revient aux municipalités. On a vu que, bien souvent, dans les grandes villes, coexistent différents systèmes d’assainissement des déchets liquides (avec des zones oubliées par les politiques et les projets), ainsi qu’une pluralité d’acteurs concernés, et il convient de se demander comment et dans quelle mesure il est possible d’articuler, coordonner et réguler les interventions des uns et des autres pour un fonctionnement optimum du service d’assainissement à l’échelle de la ville. Enfin, si la nécessité d’une approche intégrée, globale, cohérente de la gestion urbaine est communément admise, le fait que la cohérence soit rarement assurée en matière d’assainissement est avéré. Ces considérations amènent à un questionnement sur la place réelle de l’acteur municipal, quelle maîtrise a-t-il effectivement de l’assainissement ? Quels seraient les modes de gestion les plus appropriés ? Comment réguler les relations entre les acteurs et donner une cohérence à la politique en matière d’assainissement ?

L’enjeu est de conforter une compréhension globale de la problématique de l’assainissement et de favoriser son intégration dans une politique cohérente de gestion urbaine.

Les formes de régulation ne peuvent être mises en place sans voir au préalable fait le point sur les rationalités des acteurs : rationalité économique, rationalité sociale liée au prestige, etc.

Il est ensuite proposé d’aborder ces questions en examinant la manière dont la fonction de régulation est assumée. Celle-ci, essentielle à la bonne marche du service et à la mise en cohérence, a plusieurs objectifs, correspondant à différents modes de régulation :

-     la maîtrise des risques sanitaires (éducation sanitaire essentiellement, etc.) ;

-     la maîtrise de l’impact sur les milieux (normes, surveillance, etc.) ;

-     l’adaptation au processus d’urbanisation, la maîtrise des coûts et le bon fonctionnement du service ainsi que sa cohérence aussi bien interne qu’avec les autres dimensions de la gestion urbaine (incitations, réglementations, normes, tarification, régulation des relations entre acteurs, articulation et coordination des dispositifs, etc.)

Il convient de distinguer le cas des villes disposant d’un réseau développé (systèmes collectifs de collecte et de traitement des eaux usées et des eaux vannes, dans le cadre de services collectifs d’assainissement, sous forme de régies municipales ou de service concédés) de celui des villes ne disposant pas de réseau ou d’un réseau peu développé. En fonction des cas, la fonction sera plus ou moins complexe à assumer. Le plus couramment, la juxtaposition de différents systèmes d’assainissement impliquera une régulation à différents niveaux de la filière, et selon différents modes, adaptés aux objectifs et aux intervenants concernés.

>        Maîtrise du risque sanitaire. Compte tenu de leur forte implication dans la prise en charge de l’assainissement, c’est surtout sur les usagers mêmes que repose la maîtrise du risque sanitaire, sur leur compréhension des enjeux et leurs comportements. On peut parler ici d’“autorégulation”. Le programme “ Eau potable ” a permis de mettre en évidence combien il était important que les populations acquièrent une vision et une compréhension globale des enjeux liés à l’assainissement, et l’impact considérable que cela pouvait avoir sur l’évolution des comportements (pratiques, prises de responsabilité, etc.).

>        La prise de conscience et l’acquisition des “ bonnes ” pratiques peuvent et doivent être soutenues par des actions de sensibilisation et d’éducation sanitaire au plus près des populations. L’animation sanitaire est souvent inscrite comme une composante de projets, logique peu propice à une nécessaire continuité dans le temps du travail de sensibilisation. Ses acteurs sont multiples (réseaux institutionnels publics de la santé et/ou de l’éducation, mouvements associatifs et communautaires, etc.), tout comme les méthodes et outils utilisés. Mais l’animation sanitaire est peu coordonnée et ne fait que rarement l’objet de politiques communales volontaristes, ce qui pose question.

>        Maîtrise de l’impact sur le milieu. La mesure de l’impact des systèmes d’assainissement et de leur degré d’acceptabilité nécessitent un niveau de technicité dont ne disposent que les institutions techniques spécialisées. Une bonne surveillance demande une collaboration entre les services techniques de l’État et des communes, les sociétés concessionnaires, les laboratoires spécialisés publics ou privés (université, hôpitaux, etc.). La définition de normes, la gestion de l’information et la définition des mesures à prendre, notamment en période de crise, doit relever d’une régulation centralisée.

Les services techniques centraux et locaux, des corps de contrôle ou encore des organisations plus proches du terrain (comités de quartier) concourent à cette régulation qui pourrait être étudié au niveau de quartiers et de l’ensemble d’une ou plusieurs villes.

>        Maîtrise du processus d’urbanisation, des coûts et de la qualité du service. Dans les pays en développement, et en particulier dans les plus pauvres d’entre eux, les collectivités locales ont peu d’emprise sur le processus d’urbanisation. L’investissement collectif en la matière est de fait limité, l’essentiel de l’urbanisation résultant d’un investissement des habitants eux-mêmes. Les trois principaux modes de régulation utilisables par les municipalités sont :

-     l’autorisation d’implantation, qui à travers le processus réglementaire va déterminer les choix de traitement des effluents ;

-     l’adoption de normes de qualité pour les ouvrages et leur respect par les professionnels ;

-     la maintenance des dispositifs par les différents prestataires de service, les services concernés et les usagers.

L’intervention des professionnels peut faire l’objet d’une stratégie municipale d’amélioration de la qualité des services. Il semblerait que les mesures de régulation de type incitatives (comme la subvention partielle des prestations répondant aux normes de qualité posées) sont plus performantes que les mesures de type « contrôle » ou « agrément ».

Responsabilités toutes aussi importantes en terme d’efficacité et de cohérence, et pourtant probablement très négligées, il revient à l’autorité municipale de veiller à la bonne articulation des systèmes, de réguler les relations entre les acteurs et de contrôler l’intervention des prestataires. Une analyse des dispositifs utilisés permettrait d’en apprécier l’efficacité.

 

            Attentes

>        Cohabitation de plusieurs systèmes d’assainissement

Il serait intéressant d’établir, sur quelques cas et à partir d’un recensement des différents systèmes d’assainissement utilisés et des types d’acteurs concernés, une typologie des modes d’organisation autour de l’assainissement urbain en précisant comment la régulation est mise en œuvre.

Ces études doivent s’attacher à décrire et analyser les situations réelles (et notamment les pratiques des ONG et projets de développement) confrontées à la répartition des compétences telle qu’établie par les textes, ainsi qu’aux modes d’organisation souhaités ou souhaitables

Les systèmes de régulation indépendants ou contractuels, existant dans certaines villes disposant d’un réseau d’assainissement développé, pourront également être étudiés, au regard notamment du traitement des relations avec les zones non encore desservies, et de l’implication des usagers.

>        Fonction de maîtrise d’ouvrage locale

La fonction de maîtrise d’ouvrage locale (déconcentrée ou décentralisée) est en construction dans le cadre des processus de décentralisation. Pour remplir sa fonction, le maître d’ouvrage doit s’appuyer sur les compétences existantes dans le secteur public (services techniques dépendant de l’État ou des communes), sur les compétences présentes au sein des sociétés concessionnaires, ainsi que sur l’expertise privée ou étrangère.

Il serait intéressant d’essayer d’établir, à partir d’une étude de l’organisation et du fonctionnement de systèmes de régulation existants, des indicateurs d’efficacité des dispositifs utilisés. Ceux-ci pourraient porter sur des critères tels que la tarification, le recouvrement des coûts, l’effectivité du contrôle exercé, en regardant tout particulièrement le niveau et les modes d’implication des différents acteurs.

>        La place des habitants et de leurs organisations. Le rôle des citadins et de leurs organisations dans le développement de systèmes d’assainissement, leur exploitation et leur maintenance est reconnu comme essentiel. Il est pourtant encore largement méconnu, tout particulièrement des institutions concernées par l’assainissement.

Il serait intéressant de le préciser, à partir d’une analyse de cas pilotes menée au niveau de parcelles, de quartiers, voir d’une ville, et pour chacune des étapes nécessaires à la mise en œuvre d’un système d’assainissement, de la conception à la maintenance en passant par l’exploitation. Le questionnement porterait tout particulièrement sur les points suivants :

-     Quelle place revient à ces acteurs dans la gestion de l’assainissement ?

-     Quelle forme de participation promouvoir pour renforcer l’efficacité et la cohérence d’ensemble de la politique en matière d’assainissement, et celles des dispositifs de gestion et de régulation ?

-     Quels dispositifs d’appui à ces acteurs, de suivi et de contrôle sont susceptibles d’améliorer l’efficacité et l’adaptation des systèmes d’assainissement ?

>        De la gestion de l’assainissement à la gestion urbaine. Le service de l’assainissement des eaux usées est tributaire de nombreux facteurs externes : état de la voirie et accessibilité, développement du système de drainage des eaux pluviales, systèmes de distribution d’eau, de collecte des déchets, etc.

Des études de cas permettraient de comparer et d’analyser l’efficacité de solutions privilégiant une organisation plus ou moins cloisonnée et un traitement distinct de chaque question, (déchets, AEP, etc.) ou l’intégration dans des dispositifs communs.

-          Quel niveau de relations faut-il privilégier avec ces services ? Une simple coordination sous l’égide des autorité municipales ou une intégration plus poussée permettant à la fois des économies d’échelle et une plus forte cohérence des activités d’assainissement ?

-          Quelles formes d’articulation, de coordination et de contrôle promouvoir pour assurer une bonne cohérence d’ensemble ?

>        Espace public et besoin collectif. Il est attendu une analyse sur la façon dont se construit la notion « d’espace public » défini comme espace d’adaptation aux besoins collectifs et aussi comme support de valorisation du cadre de vie, comme amorce d’un paysage urbain qui crée l’identité urbaine, ainsi que d’éclairer l’opposition entre « service statutaire au nom d’un intérêt commun » et service public rendu au nom de « l’intérêt général ».

>        Jeu des acteurs. Les outils de l'anthropologie sociale devraient permettre de confronter les pratiques sociales observées sur le terrain et conceptions développées par les acteurs stratégiques locaux. Ceci devrait aboutir à une meilleure compréhension du jeu des acteurs autour du contrôle du système d’assainissement.

 

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