Problèmatiques

¤ L’accès à l’eau : un enjeu majeur pour les populations les plus démunies
¤ L'alimentation en eau potable : des schémas et des techniques éprouvés mais guère adaptés aux spécificités des zones semiurbaines
¤ La protection de la ressource : des lacunes à combler et des systèmes à améliorer
¤ Des enjeux socio-économiques et politiques considérables



L’accès à l’eau : un enjeu majeur pour les populations les plus démunies


Par Jean-Louis Oliver, Président du programme " Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et petits centres "

Partout où il y a la vie, il y a de l'eau…

Depuis toujours, la plupart des activités humaines, économiques, sociales ou culturelles utilisent l'eau en aménageant des systèmes hydrauliques souvent fort habiles. L'homme lui-même ne saurait vivre sans consommer, plusieurs fois par jour, de l'eau en quantité et qualité suffisantes. Or, au seuil de ce troisième millénaire, il s'avère qu'un habitant de la terre sur cinq n'a pas accès à une eau saine, cet élément indispensable, et qu'un sur deux ne dispose pas de moyens d'assainissement convenables. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de cinq millions de personnes meurent chaque année de maladies provoquées par une eau impropre à la consommation humaine.

Les pays en développement connaissent un rythme d'urbanisation rapide ; des populations nombreuses et démunies affluent dans des quartiers " irréguliers " des grandes villes, qui posent des problèmes d'approvisionnement en eau aigus et spécifiques.

Il faut aussi s'occuper impérativement des besoins de ce service de première nécessité dans les centres urbains intermédiaires susceptibles de fixer les habitants et d'assurer un aménagement équilibré du territoire, dans une perspective de développement durable.

" Alimentation en Eau potable et assainissement ", tel était précisément l'objet du programme d'étude et de recherche appliquée, piloté par le programme Solidarité Eau (pS-Eau) et financé par la Coopération française, conduit principalement dans les pays africains du Sud du Sahara.

Ainsi, pendant plus de deux ans, les équipes se sont-elles mobilisées pour analyser, tester et approfondir, avec beaucoup d'ardeur et de finesse, les divers aspects techniques, socio-économiques, institutionnels et culturels des difficiles problèmes à résoudre sur le terrain.

Ce sont les fruits de leurs travaux et réflexions, enrichis lors de journées de synthèse et d'échanges organisées à Ouagadougou (Burkina Faso) en mai 1998, qui ont été rassemblés dans ce document de synthèse.

Que chacune et chacun soient chaleureusement remerciés pour leur précieuse contribution à cette oeuvre originale d'expertise collective pluridisciplinaire !

Nous tous, nous souhaiterions maintenant partager largement cette passionnante expérience avec les multiples acteurs et partenaires intéressés, du Nord comme du Sud, pour mieux parvenir, ensemble, à améliorer concrètement les conditions de vie de ces populations très démunies.

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L'alimentation en eau potable : des schémas et des techniques éprouvés mais guère adaptés aux spécificités des zones semiurbaines



L'alimentation en eau potable (AEP) des grands centres urbains africains et de leurs populations solvables a fait depuis longtemps l'objet de nombreux travaux de recherche et les règles de l'art sont bien connues et régulièrement actualisées.

En matière d'hydraulique villageoise et d'approvisionnement des populations dispersées, d'importants programmes ont également été conduits en Afrique. En revanche, en Afrique de l'Ouest et du Centre, ce n'est que récemment que l'attention s'est portée sur les conditions d'alimentation en eau potable dans :

  • les petits centres ruraux qui s'avèrent trop petits pour développer un système de distribution d'eau classique rentable, mais trop grands pour relever des approches habituelles de l'hydraulique villageoise ;

  • les centres urbains secondaires qui correspondent à des zones où les investissements collectifs pour l'alimentation en eau potable sont coûteux du fait du faible nombre d'abonnés potentiels solvables ou intéressés, sachant que d'autres sources d'approvisionnement individuelles peuvent compromettre leur rentabilité ;

  • les quartiers irréguliers qui sont des zones d'occupation et de construction mal maîtrisées par les autorités, où le tissu urbain complexe rend difficile l'installation de grands réseaux collectifs ;

  • les quartiers périurbains qui sont des zones où l'extension du réseau de distribution central pose des problèmes de rentabilité, du fait de l'éloignement du centre-ville et de la dispersion de l'habitat.

Ces zones ont la particularité d'être des espaces intermédiaires entre le milieu rural et le milieu urbain strict, négligés par les organigrammes institutionnels et, ce faisant, relevant tantôt des instances de gestion urbaine, tantôt des administrations en charge des zones rurales. Une part importante de la population habitant dans ces zones ne bénéficie pas des mêmes services que la population des centres-villes et est exclue d'un accès décent à l'eau potable des réseaux publics. Le souci d'équité en matière d'accès à l'eau potable conduit à accorder désormais une plus grande attention à ces zones particulières.

En effet, les systèmes de distribution d'eau actuellement en place dans les grandes villes africaines atteignent ou se proposent d'atteindre un standard de qualité assez élevé, proche de celui qu'on trouvait en Europe il y a quelques années. Trop coûteux pour la plupart des familles, le service proposé se traduit par des taux de raccordement très faibles et stagnants. En plus des abonnés, ces réseaux alimentent indirectement une proportion notable de la population par revente ou, plus marginalement, par bornes-fontaines. Une grande partie des ménages n'est donc pas desservie et recourt pour son approvisionnement à des points d'eau traditionnels : puits, sources et marigots. Ces points d'eau ne bénéficient d'aucun aménagement par les services publics et ne sont pas contrôlés par les services sanitaires. La qualité de l'eau n'est donc pas garantie. Loin d'être statiques, les quatre contextes décrits sont en continuelle évolution. Évolution d'autant moins contrôlable qu'ils constituent le lien polymorphe entre monde rural et urbanisme à croissance accélérée.

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La protection de la ressource : des lacunes à combler et des systèmes à améliorer



En ce qui concerne l'assainissement des eaux usées et des excréta, le retard pris est considérable puisque deux tiers de la population d'Afrique sub-saharienne ne disposent pas à ce jour d'assainissement approprié.

En milieu urbain, les réseaux d’assainissement des eaux usées ne couvrent que des zones restreintes (centres-villes et parfois cités ou lotissements de "standing"). Trop anciens ou dégradés faute d'entretien, ils sont rarement opérationnels. Généralement peu appropriées, les quelques rares stations d'épuration souffrent de graves dysfonctionnements.

La plupart des parcelles d'habitation disposent donc de dispositifs autonomes. Malgré quelques projets de latrinisation individuelle ou collective et les efforts des habitants, la mauvaise qualité du service rendu par ces équipements est largement déplorée par la population et l'épuration des effluents n'est qu'exceptionnellement assurée. Les services publics sont incapables de faire face à la demande de vidange des fosses et le dépotage des boues et matières de vidange s'effectue généralement sans aucun contrôle ni des lieux, ni des conditions de manutention, le plus souvent dans les marigots, les caniveaux ou sur des terrains vacants.

Il en résulte un état de pollution grave des nappes phréatiques qui sont par ailleurs encore très souvent employées pour l'alimentation en eau de consommation, mais aussi des nuisances et une dégradation de l'environnement et des conditions de vie urbaines. Ceci est particulièrement net dans les quartiers populaires, où les densités parfois élevées s’accommodent de plus en plus difficilement des pratiques traditionnelles du milieu rural, et où les moyens financiers des ménages rendent ardu l'accès de ces derniers à un réseau d’assainissement ou à des équipements individuels.

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Des enjeux socio-économiques et politiques considérables



Lieux d'échange entre la campagne et la ville, entre le monde traditionnel et le monde moderne, les zones périurbaines se caractérisent par :

  • une structuration sociale souvent mal définie : la population urbaine a perdu la majeure partie des structures traditionnelles qui assurent la cohésion des sociétés rurales. L'investissement humain (travail bénévole des usagers), en particulier, est beaucoup plus difficile à mobiliser.

  • une économie plus monétarisée : en contraste avec une économie rurale plutôt fondée sur l'autosubsistance, l'économie urbaine, davantage monétarisée, facilite la collecte des sommes nécessaires à la maintenance des installations.

  • des risques épidémiologiques plus élevés : le risque sanitaire est lié à la densité de l’habitat, à sa mauvaise qualité, et est amplifié par l’absence de service public d’assainissement...

  • un réseau entrepreneurial plus dense : les villes offrent un réseau d'opérateurs privés (artisans, commerçants, entreprises, bureaux d'études) bien plus riche et dynamique que les zones rurales, ce qui facilite la mise en œuvre de solutions techniques plus élaborées et contribue à la diversité des biens et services proposés (gamme de dispositifs d'assainissement, vente de l'eau, etc.).

  • un enjeu politique sensible : du fait de leur poids démographique grandissant et de la proximité des centres de décision, les populations urbaines constituent un enjeu politique évident.

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