retour imprimer © Lettre du pS-Eau 51 de Aug 2006

Forum du partenariat maroco-français

Une nouvelle vision de la coopération franco-marocaine


A la tribune officielle, Mme Girardin, ministre de la Coopération et de la Francophonie.

En janvier 2006 tous les acteurs de la coopération franco-marocaine étaient présents à Skhirate, pour susciter une nouvelle dynamique au partenariat entre les deux pays. Une volonté commune : réduire les cloisonnements, jouer comme laboratoire d'idées, avec un cap affirmé sur un rôle accru de la coopération décentralisée et le renforcement de la démocratie locale.

Un rendez-vous important était programmé depuis plus d'une année entre la France et le Maroc, afin de conforter une nouvelle dynamique de coopération entre les deux pays. La rencontre s'est finalement tenue en janvier 2006 à Skhirate avec la participation de six cent personnes – dont 250 français comprenant 20 ONG, 26 collectivités locales des deux pays, des opérateurs privés, chambres de commerce, universités et administrations publiques et leurs représentants des deux pays.

En introduction, les divers intervenants des deux pays ont voulu souligner tout l'intérêt de cette nouvelle plate-forme réunissant tous les acteurs de la coopération dans une même instance et pouvant de ce fait réduire les cloisonnements, augmenter les synergies, jouer comme laboratoire d'idées.

Parmi les attentes respectives on pouvait nettement distinguer l'intérêt particulier pour la coopération décentralisée, de territoire à territoire, adossé d'une part à la coopération bilatérale et aux coopérations entre ONG ou entre opérateurs privés d'autre part.

Comme l'a souligné Mme Girardin, ministre de la Coopération française, cette approche en plate-forme de coopération avec le « premier partenaire de la coopération française », semble aussi vouloir constituer une des nouvelles modalités de la coopération au développement. Celles-ci visent à susciter la plus grande concertation des acteurs agissant entre deux mêmes pays. Le renforcement de la démocratie locale constitue ainsi un des objectifs explicites de cette coopération.

L'existant entre la France et le Maroc est déjà considérable avec plus de 40 partenariats de coopération décentralisée, dix régions françaises impliquées, des milliers d'étudiants marocains accueillis chaque année en France, un Programme concerté de coopération entre ONG et pouvoirs publics, avec 600 programmes à ce jour, un PAD (projet accompagnement du processus de décentralisation) assorti de moyens financiers, un outil financier spécifique, le FSP (Fonds de solidarité prioritaire)…

La rencontre s'est déroulée autour de quatre ateliers préparés avec un nombre important de panels et tables rondes (cf. encadré ci-contre). L'ensemble des ces ateliers convergeaient vers plusieurs questions clés que les partenaires souhaitaient mettre au centre de leurs préoccupations :
• la gouvernance et de la décentralisation ;
• le territoire et le développement local, urbain et rural ;
• la question du développement économique et de la création de richesses ;
• la question de la formation appropriée à tous les niveaux requis.

La troisième table ronde de l'atelier 4 portait sur l'eau et l'assainissement et la modération a été partagée entre le pS-Eau et l'ONEP. En introduction à cet atelier, Patrice Burger (pS-Eau) a exposé les divers enjeux de l'eau dans le monde, son inégale répartition sur les territoires et entre les hommes, son inégale répartition entre les usagers et les tensions qui en résultent aujourd'hui.


Anticiper le «stress hydraulique» des pays méditerranéens
Les tensions à prévoir dans la région ont focalisé l'attention sur la Méditerranée, où ces aspects sont particulièrement cruciaux et où se concentre une majorité de la population mondiale «pauvre en eau» (moins de 1000 m3/an/hab.) et un croissement prévu des demandes en eau dans le tourisme et l'irrigation. Il a été rappelé que la quadruple caractéristique de l'eau, «donnée symbolique, besoin, droit et bien», nécessitait une prise en compte simultanée de ces aspects et que la gestion de la demande présentait à cet égard un certain nombre d'avantages comparatifs sur la poursuite d'une politique de l'offre.

M. S. Bensaid (ONEP) a ensuite présenté la situation au Maroc au regard des Objectifs du millénaire, démontrant qu'à l'horizon 2025 le Maroc allait entrer dans la zone de stress hydrique avec moins de 500 m3 d'eau par an et par habitant. Quelques indicateurs, telle l'adduction en eau potable (100 % en zone urbaine, 70 % en zone rurale dont 48 % par borne- fontaine, un taux de couverture de 70 % en assainissement mais seulement 7 % de taux d'épuration) montraient à la fois l'immense effort de ce pays dans la bonne direction et les marges de gains possibles en généralisant une politique de la gestion de la demande.

Cette politique est basée sur le principe pollueur payeur, la création d'agences de bassin, la recherche de généralisation de l'accès à l'eau en milieu rural sur le principe du «droit à l'eau» et l'adoption de nouvelles techniques d'irrigation ainsi que sur un volet sensibilisation.

L'organisation de l'eau au Maroc a également été présentée dans sa globalité ainsi que le rôle de l'ONEP dans ce dispositif. Enfin la conclusion portait sur quelques pistes pour la coopération et le partenariat maroco-français, à savoir le renforcement des capacités, l'échange d'expérience, l'échange tripartite entre le Maroc, la France et l'Afrique subsaharienne sur des cas spécifiques.


Les enseignements de deux exemples de coopération décentralisée

• Oujda / Aix-en-Provence
Depuis 1998, une convention de partenariat portent ainsi (entre autres) sur l'aménagement et la gestion d'espaces publics et la coopération entre les régies «eau et assainissement » de Oujda1 et la régie de la ville d'Aix-en-Provence. Grâce à l'échanges d'expériences et de documents, le travail en équipes a porté sur le mode de gestion, en particulier le diagnostic de réseaux, la gestion de la clientèle, l'assistance au service assainissement, la question du rejet des eaux usées et leur épuration, et la relation avec les usagers et autres partenaires de la société civile. L'attention de l'assistance a été portée sur l'importance de la coopération en matière de diagnostic de l'existant et la concertation sur les évolutions possibles, la recherche de méthodes et outils d'aide à la décision, la poursuite du partenariat au-delà des échéances électorales.


• Figuig / Seine-Saint-Denis
La ville de Figuig et le conseil général de Seine-Saint-Denis ont mis en place un partenariat axé sur l'implication des migrants et portant sur un ensemble d'enjeux lié à l'eau et au développement local. En pratique, la question de l'assainissement a été jugée prioritaire à la fois pour cause d'inexistence à Figuig d'un réseau d'assainissement au début du projet et le rejet direct des eaux usées dans la nappe. Sont également prévues au programme la participation des populations et la santé publique.

Un accord quadripartite a permis d'associer le SIAAP au financement et à la construction d'un réseau dans trois quartiers de la ville de Figuig. Le partage de réflexion sur les modes de gestion a permis des choix sur des bases techniques comparatives, mais aussi sur des bases philosophiques. Par exemple, en matière d'eau potable, les deux collectivités ont fait ensemble le choix du service public de gestion à travers une régie locale. En matière d'assainissement, 25 % des communes marocaines de la région de Figuig ont choisi la délégation de service public. La concertation avec la population a été très importante. En résumé, l'apport de la coopération décentralisée a, de l'avis de tous, «permis de se poser les bonnes questions» et d'engager des coopérations sur les solutions retenues, non seulement sur le plan financier, mais aussi sur les aspects techniques et de suivi. Divers facteurs limitants ont cependant été évoqués, comme la difficulté des transferts de fonds, la lenteur rencontrée pour l'obtention des autorisations administratives, l'asymétrie des moyens techniques accessibles aux partenaires du Nord et du Sud.

En conclusion de cette partie, S. Bensaid a mis en évidence que l'eau est un véritable facteur de développement aussi bien que divers aspects auxquels il faut attacher de l'importance dans ce type de coopération : la souplesse des mécanismes, la mobilisation directe entre partenaires, la stabilité de la volonté politique qui permet de s'inscrire dans la durée, le partage des outils d'aide à la décision.

Une satisfaction partagée
En conclusion de l'atelier 4 et des trois tables rondes qui le constituaient, Bertrand Gallet, directeur de Cités-Unies-France, a rappelé en plénière plusieurs aspects qui se retrouvaient dans les exemples présentés :
• les migrants sont souvent catalyseurs ;
• le « soft » (les idées, le dialogue, la méthode, la réflexion) sont plus présents et importants que le « hard » (finances, technologie, etc.) ;
• la coopération décentralisée permet une approche globale plutôt qu'une approche sectorielle ;
• la participation des population est de plus en plus sollicitée par rapport au passé ;
• la planification concertée est facteur de réussite.

Le forum s'est conclu sur une note de satisfaction partagée sur les acquis et la volonté de poursuivre les échanges. Institué en plate-forme permanente à travers le maintien de son comité de pilotage, un nouveau forum se tiendra à Marseille fin 2006 ou en 2007 pour sa deuxième session.
Nul doute que le partenariat franco-marocain, plein de vitalité, confirmera la perception de nombreux observateurs : l'engagement des collectivités locales constitue un fort moteur de relance du processus de Barcelone pour le dialogue euro-méditerranéen.


Une rencontre organisée autour de quatre ateliers
Atelier n° 1 : « Développement économique et formation : création et appui aux entreprises, infrastructures, recherche et développement » assuré par l'Assemblée permanente des chambres françaises de commerce et d'industrie et par la Confédération générale des entreprises marocaines.
Atelier n° 2 : «Pour une synergie locale de développement social » assuré conjointement par le programme concerté Maroc, Solidarité laïque, l'Association des départements de France et la Fondation Mohamed VI du Maroc.
Atelier n° 3 : «Politique d'aménagement des territoires» assuré par l'association des régions de France, le conseil régional Champagne Ardenne, la délégation interministérielle à l'Aménagement du territoire et le conseil régional de Mekhnès Tafilalet.
Atelier n° 4 : «Politique de la ville et développement urbain : stratégies et équipements» assuré par Citées-Unies-France, et l'Association des maires de France avec l'Association nationale des collectivités locales au Maroc et le conseil communal de Rabat.


1 RADDEO : régie autonome intercommunale de distribution d'eau et d'électricité d'Oujda


Patrice Burger
pS-Eau (Méditerranée)
Email:
Med@pseau.org

CARI - Viols le Fort - France
 

Station de lagunage de Figuig en cours de construction, aujourd'hui en exploitation.
 

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