Togo: Mobilisation sans faille pour Agamahé et Gamegblé

Borne fontaine à robinet et potence [© Aquassistance]

Aquassistance mène des projets d'aide au développement et d'aide d'urgence depuis 1994. L'association met à disposition des populations les plus vulnérables son expertise dans le domaine de l'eau, de l'assainissement et du traitement des déchets, comme au Togo avec l'ONG WOA.

Dans les villages autour de Tsévié à 1h de Lomé au Togo, les conditions d'alimentation en eau des villages d'Agamahé et Gamegblé à partir de forages, puits privés, marigots ou récupération des eaux pluviales étaient particulièrement difficiles et contribuaient à la précarité des populations de la zone, particulièrement dans le domaine de la santé. C'est dans ce contexte que le projet d'amélioration de l'alimentation en eau potable d'Agamahé et Gamegblé, co-porté par Aquassistance et Women of Africa (WOA) a vu le jour en 2012.

WOA est une organisation de solidarité internationale créée en 2002, qui travaille en partenariat avec les populations pour leur apporter des outils d'aide à l'autonomie et leur permettre de participer au développement durable de leurs territoires. WOA et son antenne locale au Togo, WOAT, travaillent depuis 2006 avec les populations du village d'Agamahé et des villages voisins dans le but de favoriser leur autonomie et de mettre en place des programmes de développement dans les domaines de l'éducation, la formation, l'agriculture, le microcrédit et la santé. Dans un premier temps, la demande faite par WOA portait sur la construction d'un puits pour l'alimentation en eau du centre de santé d'Agamahé.

Suite à sa mission d'évaluation en 2012, Aquassistance a proposé à WOA d'élargir cet objectif à l'alimentation en eau de la population d'Agamahé et du village voisin de Gamegblé soit au total 1 500 habitants. Après ce premier diagnostic, des études complémentaires ont permis d'établir la faisabilité technique d'un programme d'alimentation en eau potable pour les différents villages et d'estimer les premiers coûts correspondants.

Des financements de l'agence de l'eau Seine Normandie (AESN), du département des Yvelines, de WOA et d'Aquassistance, ont permis le démarrage du projet en janvier 2016, avec la consultation d'entreprises pour la réalisation des travaux et l'accompagnement social. À noter que pour l'obtention de ces financements, le programme a été regroupé avec un autre projet d'alimentation en eau de deux autres villages togolais : Agbatitoé et Djaga, situés à une vingtaine de kilomètres. Au total, en 7 ans, 9 missions ont été réalisées pour suivre les différentes étapes clés des projets.

Réalisation des ouvrages d'alimentation en eau

Le projet technique consistait à la création de 2 mini-réseaux sur les 2 sites : équipement des 2 forages existants d'une pompe à énergie solaire, construction de 2 réservoirs surélevés (de 10 m3 chacun), construction de 2 mini-réseaux en PEHD d'une longueur totale de 1 700 ml et construction de 7 bornes-fontaines et 1 branchement public pour le centre de santé au total sur les 2 sites.

Cette solution technique avait été retenue suite aux résultats des études complémentaires menées en 2015. En effet, des essais de pompage ont été réalisés sur les forages existants pour vérifier leur capacité de production et la qualité des eaux afin d'identifier si ces ressources pouvaient être équipées ou non de pompe solaire.

Après une consultation d'entreprises lancée à l'été 2016, c'est Agire Sarl, entreprise béninoise qui possède une antenne au Togo, qui a été retenue pour réaliser les travaux, et le bureau d'études togolais CIP-Afrique pour le contrôle des travaux.

Les travaux ont été réceptionnés en mars 2017 sur l'ensemble des villages après 7 mois de chantier. Il est à noter que le creusement des tranchées a été réalisé en grande partie par la population bénéficiaire. Elle a été encadrée par Agire qui pour le village de Gamegblé au sol très rocailleux a mis des marteaux piqueurs à disposition.

Lors de la mission de suivi de novembre 2017, il avait été constaté un dysfonctionnement sur le forage de Gamegblé. En effet, le remplissage du réservoir était lent et la pompe semblait fonctionner de manière irrégulière. Après quelques contrôles sur le forage, il a été constaté que le débit du forage n'était pas suffisant pour alimenter le réservoir correctement et que la pompe installée n'était pas/plus adaptée.

Un complément de travaux a donc été demandé à l'entreprise Agire pour équiper le second forage au centre du village, avec un pompage solaire, et remettre une pompe plus adaptée sur le premier forage, celui excentré du village. Ces travaux ont été effectués entre octobre et décembre 2018.

La réception définitive a eu lieu en janvier 2019 par l'équipe d'Aquassistance. À date, tous les ouvrages d'eau fonctionnent correctement.

La condition indispensable au succès et à la pérennité du service de l'eau repose sur la mise en place d'un comité de gestion de l'eau, responsable des installations, et garant de l'équité des usagers de l'eau à travers un prix de l'eau juste. Ce comité doit également être le porteur des bonnes pratiques en termes d'usage de l'eau et d'hygiène, afin de permettre la réduction des maladies liées à l'eau.

Cela passe par les objectifs suivants :
• Responsabiliser les villageois sur la maintenance et la bonne gestion des systèmes,
• Mettre en place la bonne gouvernance de l'eau afin d'assurer les conditions de financement du renouvellement et de la gestion future de ces ouvrages.

Les comités de gestion des deux villages ont été créés et leurs statuts ont été déposés en préfecture. Des comptes en banque ont été ouverts pour y déposer l'argent collecté. Ce travail d'accompagnement et de formation a été réalisé par WOAT qui connaît parfaitement le milieu. L'ONG a été appuyée par la Croix rouge togolaise.
Les comités de gestion gèrent actuellement le service et collectent les informations techniques et financières du service tous les mois.

Au niveau de l'organisation du service de l'eau, il avait été décidé initialement de fonctionner avec un système de cartes prépayées (une carte de 100 FCFA pour 12 bassines), achetées auprès de la trésorière du comité, et tamponnées par le/la fontainière en fonction des bassines remplies effectivement.

Après plusieurs mois d'essai, les 2 comités ont préféré partir sur un paiement direct à la borne-fontaine. En effet, beaucoup d'usagers oubliaient leur carte et payaient directement le/la fontainièr(e). Les bornes-fontaines sont gérées par des fontainiers/fontainières, qui assurent leurs services à des horaires spécifiques.

Le prix de l'eau appliqué est le suivant : 3 bassines de 43 L pour 25 FCFA, soit 196 FCFA/m3. Ce tarif correspond au tarif de la tranche sociale (190 FCFA/m3 pour une consommation inférieure à 10 m3/mois) appliqué par la Togolaise des eaux (TDE).

On peut constater que les consommations augmentent de manière importante pendant la saison sèche entre novembre et mars. En avril 2021, 201 m3 ont été distribués dans le mois contre 162 m3 trois ans plus tôt à la même époque de l'année soit désormais environ 6,7 m3/jour et près de 4,5 l par personne/jour. L'enjeu est de pouvoir réussir à maintenir un niveau élevé pendant la saison des pluies. Cela passera par la sensibilisation des habitants par les membres des comités de gestion.

Des échanges ont été instaurés entre les comités voisins, pour discuter des bonnes pratiques et résolutions de problèmes de chacun.

Amélioration des conditions d'hygiène et de l'utilisation de l'eau et réalisation de latrines familiales par la population

Le programme consistait également à mettre en œuvre un accompagnement technique et social pour la généralisation d'une solution en matière d'assainissement (conception et mise en œuvre de pilotes).

Comme le gouvernement togolais s'était engagé avec l'appui du Fonds mondial pour l'assainissement à un Togo « sans défécation à l'air libre » (Togo SANDAL), Aquassistance a opté, en lien avec la Croix Rouge Togolaise (CRT) pour mettre en œuvre l'approche « assainissement total piloté par les communautés » (ATPC).

Les objectifs spécifiques de la mission étaient les suivants :
• Sensibiliser les populations et promouvoir des actions sur l'hygiène, l'assainissement et la bonne gestion de l'eau,
• Former les comités sur l'hygiène, l'assainissement et la gestion de l'eau,
• Favoriser la collecte des ordures ménagères et publiques
• Accompagner la population pour la construction de latrines familiales.

Début 2019, plus d'une centaine de latrines traditionnelles ont ainsi été réalisée sous le contrôle de WOA Togo et de la CRT.

Construction de latrines scolaires

En accord avec les bailleurs, le reliquat financier a par ailleurs été utilisé pour construire des latrines pour les établissements scolaires des villages n'en disposant pas, afin d'atteindre les standards de l'UNICEF (1 latrine pour 50 filles, 1 latrines pour 70 garçons).

Établissement Nombre de latrines Filles Nombre de latrines Garçons Latrines
déjà existantes
École de Gamegblé 100 filles → 2 latrines nécessaires 104 garçons → 2 latrines nécessaires Aucune
École d'Agamahé 91 filles → 2 latrines nécessaires 91 garçons → 2 latrines nécessaires Aucune


Ainsi, des latrines et des lave-mains ont été construits pour les écoles d'Agamahé et Gamegblé, entre juin et octobre 2019 par des maçons recrutés et suivis par WOAT.
Un audit technique, organisationnel, financier et sanitaire a été réalisé par l'ONG togolaise FIADI. 91% des ménages enquêtés sur les 2 villages sont satisfait pour l'accès à l'eau et soulignent :
• Baisse du temps de corvée (70% des ménages enquêtés ont déclaré passer 28 minutes par jour en moyenne pour aller puiser l'eau contre 3h25mn avant la réalisation du projet),
• Les filles vont plus fréquemment à l'école (« Nos filles ne perdent plus le temps sur la route pour chercher de l'eau le matin. Elles n'ont plus besoin de manquer l'école car elles peuvent puiser l'eau aux bornes fontaines dès la fin des cours.
• 100% des ménages enquêtés utilisent l'eau de la borne fontaine au moins pour la boisson.
• Les ménages constatent une diminution du nombre de diarrhées.

Globalement, le service de l'eau fonctionne correctement, les comités de gestion déposent les recettes de la vente d'eau à la banque régulièrement et disposent de fonds de maintenance. Par contre, la population souhaiterait être davantage informées sur le fonctionnement du service. L'ONG recommande de poursuivre la dynamisation des comités de gestion. Il est à noter que le projet a permis la création des emplois de fontainiers / fontainières.

Une meilleure qualité de l'eau, des pratiques d'hygiène adaptées et un meilleur assainissement ont permis de réduire les maladies. « L'eau a changé beaucoup de choses. Avant il y'avait des diarrhées pratiquement tous les jours. Avant il y'avait beaucoup de Vers de Guinée et tout ça parce que les gens prenaient l'eau des rivières mais maintenant ça a beaucoup changé les choses. » dixit l'infirmière du centre de santé d'Agamahé.
En revanche, au niveau de l'assainissement, les résultats sont plus mitigés : aujourd'hui, même si les ménages sont en grande majorité conscients des effets néfastes de la défécation à l'air libre sur la santé, ils continuent de la pratiquer. WOAT et Aquassistance doivent poursuivre des actions de sensibilisation pour y mettre fin.

Des critères de réussite d'un projet de ce type se dégagent :
• Réel besoin exprimé par la population.
• Mobilisation des populations pour la réalisation d'une partie des activités du projet.
• Qualité / professionnalisme du partenaire local porteur du projet.
• Qualité des entreprises de travaux (3 ans après la réception, aucun remplacement de pièces n'a été nécessaire, aucune fuite béton n'est visible) et de contrôle.

Aquassistance et WOAT ont également travaillé en lien avec la préfecture du Zio et la direction régionale de l'hydraulique, alors maitre d'ouvrage. La récente création des communes au Togo ouvre la voie à de nouveaux partenariats et de nouveaux modes de réflexion autour de l'organisation de la gestion du service car les communes ont récupéré la maitrise d'ouvrage des secteurs de l'eau et de l'assainissement et devront très certainement être accompagnées pour l'exercice de ces nouvelles compétences.
La bonne mise en œuvre de ce projet incite Aquassistance à continuer d'œuvrer au Togo afin de permettre à plus d'enfants, de femmes et d'hommes d'accéder à une eau potable de qualité en zone rurale. Un nouveau projet est en cours avec WOAT pour alimenter 6 autres villages autour de Gamé dans la préfecture du Zio, dans la région Maritime.

Lien vers vidéo inauguration Agamahé/ Gamegblé :
www.youtube.com/watch?v=Dph0nAzOeGQ&feature=emb_logo

©Lettre du pS-Eau 93 de Jul 2021