retour imprimer © Lettre du pS-Eau 90 de Oct 2019

Sénégal: Surmonter les défis sanitaires dans le village de Guélodé


Les femmes au puits à Guélodé [© Aquassistance]

Dans la commune rurale de Boynguel Bamba à l'est du Sénégal, les habitants étaient confrontés à une alimentation en eau précaire. C'est dans ce contexte que le projet d'amélioration de l'alimentation en eau potable de Guélodé et de trois villages environnants, co-porté par Aquassistance et la diaspora a vu le jour en 2014.

Présente au Sénégal depuis 1997, l'association Aquassistance mène des projets d'aide au développement et d'aide humanitaire d'urgence dans les pays en voie de développement depuis sa création en 1994. Elle met à disposition des populations les plus vulnérables son expertise dans le domaine de l'eau, de l'assainissement et du traitement des déchets.

Souhaitant améliorer la desserte en eau potable de Guélodé et de trois villages environnants – Gourel Gallo, Madina Sadio et Lombi Sadio, l'association des ressortissants de Guélodé (ARGE) a fait appel à Aquassistance afin d'étudier les possibilités d'alimentation en eau potable de ces quatre villages. Pour sa réalisation, les équipes se sont appuyées sur un rapport diagnostic du Gret précédemment réalisé en 2013. En 2014, à l'arrivée des bénévoles d'Aquassistance sur place, aucun village n'était desservi en eau potable. La consommation d'une eau insalubre entrainait très fréquemment de nombreuses maladies diarrhéiques et dermatoses, notamment chez les enfants. Les villages de Lombi Sadio, Madina Sadio et Gourel Gallo, situés dans un rayon de 4 km autour de Guélodé, étaient chacun alimentés par un puits d'une profondeur de 20 mètres et d'un forage équipé d'une pompe à motricité humaine. Dans ces quatre villages, regroupant une population de 2 000 habitants, l'eau est principalement utilisée pour des besoins ménagers (eau de boisson, de cuisine, d'hygiène et de lessive) et sert aussi à abreuver le petit bétail. La consommation journalière est estimée en saison sèche à moins de 10 litres par personne. Pour répondre à cette situation précaire, le projet a consisté à mettre en place un mini-réseau d'eau potable constitué d'un château d'eau de 40 m³ surélevé de 10 mètres. Ce réseau de distribution équipé de 8 bornes fontaines, 4 abreuvoirs et un pompage alimenté par une énergie solaire a été pensé pour répondre au mieux aux besoins des populations locales.

Les différentes étapes du projet

La conduite du projet de Guélodé a donné lieu à 4 missions qui se sont échelonnées entre 2014 et 2019. La première phase du projet, menée fin 2014, a consisté en une mission d'expertise afin d'étudier les possibilités d'alimentation en eau potable des 4 villages. Dans ce cadre, plusieurs rencontres avec les chefs des villages concernés et les représentants institutionnels régionaux ont été organisées. Des essais de pompage sur le forage de Guélodé, ainsi qu'un diagnostic technique détaillé sur les ressources en eau avérées ont également été réalisés. Ce premier état des lieux a permis d'établir un constat : les conditions d'hygiène et de santé des populations étaient alarmantes. La proposition de construire de nouveaux blocs latrines au sein des différents villages s'est imposée, toujours dans le but de répondre aux besoins des habitants. La construction d'une quarantaine de latrines modernes, aérées, avec fosse pour équiper les 20 concessions composant les trois villages a été validée, financées à hauteur de 30% par les habitants des villages et le reste des dépenses étant compris dans l'enveloppe budgétaire prévue pour ce projet. L'école située à Guélodé possédait déjà 3 latrines à réhabiliter.

L'objectif de la deuxième mission était de démarrer les travaux de construction des 8 bornes fontaines et des 4 abreuvoirs, avec un raccordement au réseau de l'école du village de Guélodé et plus tard de la mosquée. En accord avec les populations locales, l'emplacement de chaque borne fontaine et de chaque abreuvoir a été défini en début d'année 2018. Il a été convenu qu'ils soient tous équipés d'un compteur et d'une vanne. Un puisard a aussi été construit pour permettre l'infiltration, mais aussi éviter les potentiels problèmes d'hygiène en cas de débordement et de stagnation de l'eau.
Savoir gérer les imprévus fait également partie du déroulement d'un projet. Tel fut le cas pour les équipes de bénévoles qui ont constaté le retrait de fait du projet des habitants du village de Lombi Sadio initialement bénéficiaire du mini-réseau de distribution d'eau potable. Les installations prévues dans ce village ont donc été déplacées à Guélodé, où la grande majorité de la population de Lombi Sadio s'est installée. Cette évolution notable a permis d'économiser près de 1 400 mètres de tuyau et équipements de raccordement. Autre conséquence, un gain de temps pour la mise en œuvre de la troisième et dernière phase.

La tâche n'était pas finie pour autant lorsqu'une équipe de bénévoles s'est de nouveau rendue dans cette région du Sénégal oriental fin 2018. Cette fois-ci, avec un double objectif : contrôler les travaux réalisés localement par la société ECORE et rencontrer les différents acteurs du projet afin de s'assurer de sa bonne conduite. Tout cela dans le but de s'ajuster au plus près des besoins et des souhaits actuels et futurs des populations concernées. Cette étape était incontournable : la mise en place du pompage de 80 m³/jour, le champs solaire composé de 24 panneaux et le réseau hydraulique, le réservoir, le branchement pour l'école avec deux points d'eau et ceux supplémentaires pour la mosquée ont permis sur le plan sanitaire de nettes avancées.

La mise en service du mini-réseau a eu lieu en novembre 2018, date à laquelle les fontainières ont commencé à tenir les cahiers de compte et à délivrer les cartes de paiement aux usagers. Un grand moment célébré par les habitants pour marquer l'achèvement d'un beau projet a eu lieu lors de l'inauguration des infrastructures à laquelle l'équipe de bénévoles a assisté. Le sous-préfet, les différents chefs de village, le directeur de l'hydraulique du département de Goudiry où se situent les villages, le président de l'ARGE, mais aussi les imams, tous étaient réunis afin d'inaugurer ces nouvelles installations.
La dernière mission prévue en décembre 2019 vise à s'assurer que les usagers se sont définitivement appropriés les installations, qu'elles fonctionnent mais aussi afin de voir si la campagne de sensibilisation a bel et bien porté ses fruits.

Sensibilisation et implication de la société civile

Afin de rendre pérennes les infrastructures mises en place sur le long terme, les différentes équipes qui se sont succédées ont bien mesuré l'importance de mener une campagne de sensibilisation à l'hygiène et à la santé auprès des populations. Le groupement d'intérêt économique (GIE) Laawol Bamtaare a pris en charge ce volet. Une campagne de 6 mois débutée au second trimestre de l'année 2018 a ainsi été mise en place.
Il s'agissait tout d'abord de limiter la défécation à l'air libre tout en sensibilisant à l'utilisation des bornes fontaines pour limiter les risques de contamination et de maladies. L'école a particulièrement été ciblée et le bilan est encourageant : de passage au Sénégal, pour réaliser une mission dans un autre village, une équipe de bénévoles s'est rendue à Guélodé en avril 2019, et a constaté que les latrines de l'école étaient en cours de réhabilitation, preuve d'une réelle volonté et implication de la population.

Les femmes sont d'autant plus informées et engagées dans cette démarche d'assainissement, qu'elles ont une grande influence et un rôle clé dans l'éducation citoyenne.
L'implication des populations dans son ensemble et des acteurs locaux dans la bonne conduite de ce projet a été pleine, entière et décisive pour mener à bien ces différentes phases. En accord avec les chefs de village, deux modes de fonctionnement ont vu le jour : un système de cotisations pour le service et un comité de gestion pour le système d'adduction d'eau potable.
Le prix de la bassine d'eau de 20 litres a été fixé à 10 FCFA et pour l'abreuvage des animaux, il suit une grille évolutive entre 25 FCFA et 100 FCFA selon l'animal. Un tarif de 5 FCFA mensuel par enfant a été adopté au sein de l'école, une cotisation volontaire respectée par la population locale afin d'instaurer le bon fonctionnement d'un réel mini-réseau de distribution d'eau.

Composés majoritairement par des femmes, les comités de gestion quant à eux, sont chargés de veiller au respect du système mis en place afin de pérenniser la gestion et la maintenance des infrastructures (horaires d'ouverture des bornes fontaines et des abreuvoirs, propreté des lieux-dits ; garantie de l'équité entre les usagers de l'eau via la grille tarifaire). Ils ont également un rôle de porte-parole au sein des villages pour généraliser les bonnes pratiques.
C'est également le GIE Laawol Bamtaare qui a assuré la mise en œuvre d'une mesure d'accompagnement auprès de la population. Il a fallu initier les fontainières à la gestion des cahiers de compte afin de mesurer les consommations aux bornes fontaines et garantir leur bonne gestion.
Enfin, des agents techniques ont été formés par la société locale ECORE au sein des villages à la maintenance régulière des installations qu'ils assurent depuis la réception provisoire fin 2018. Au total, 3 agents techniques sont présents, soit un agent par village.

L' implication des partenaires

L'amélioration de l'alimentation en eau potable de Guélodé et au final de deux villages environnants a été rendue possible grâce au travail rigoureux des sociétés ECORE et Diop consulting chargées de réaliser les travaux et d'assurer leur suivi.
Encouragé par la loi Oudin-Santini ce projet d'un montant global de 313 000 euros a vu le jour grâce au soutien de diverses collectivités territoriales. Il a ainsi bénéficié de l'engagement des villes de Paris et des Mureaux, de la région Ile-de-France, du département des Yvelines et de Coallia (opérateur de logements sociaux).
Les populations villageoises ont également apporté leur pierre à l'édifice en payant certains matériaux nécessaires à l'avancée des travaux. Cette implication a permis la construction des blocs de latrines, ainsi qu'une borne fontaine supplémentaire dans le village de Gourel Gallo.

Une amélioration des conditions de vie

Ce projet, dont la réalisation s'achève fin 2019, a permis des avancées aussi bien sur le plan social que sociétal. La corvée d'eau réalisée majoritairement par les femmes et les enfants est désormais moins difficile. Les installations au sein des trois villages permettent de réduire les kilomètres de marche parcourus auparavant pour se rendre à l'un des puits. La proximité des bornes fontaines engendre un gain de temps et d'énergie pouvant être mis à profit pour d'autres activités : scolarisation pour les plus jeunes ou bien dans le développement d'activité génératrice de revenus pour les femmes.
Aujourd'hui, près de 2 000 habitants bénéficient d'un mini-réseau de distribution d'eau potable et de latrines au sein des villages de Guélodé, Madina Sadio et Gourel Gallo dans le département de Goudiry situé dans la région de Tambacounda au Sénégal oriental.

La bonne mise en œuvre de ce projet incite Aquassistance à continuer d'œuvrer au Sénégal afin de permettre à plus d'enfants, de femmes et d'hommes d'accéder à une eau potable de qualité en zone rurale.


Aude Mavoungou
Email:
aude.mavoungou@aquassistance.org
Site internet: www.aquassistance.org

Aquassistance - Nanterre - France
ARGE - Les Mureaux - France
Diop consulting - Dakar - Sénégal
ECORE - Dakar - Sénégal
Gie Laawool Baamtaré - - Sénégal
 

Les nouvelles installations réceptionnées [© Aquassistance]

Le nouveau château d’eau [© Aquassistance]
 

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