retour imprimer © Lettre du pS-Eau 89 de Jul 2019

Au Togo, dans la commune de Dapaong

Irriguer l'éducation à Tankomonte et Boulkougue


Les latrines en construction, Boulkougue - ©OREPSA

Face à la problématique du manque d'accès à l'eau dans les établissements scolaires de ces deux villages, l'association Dynam'eau a initié le projet « Irriguer l'éducation » en collaboration avec l'ONG togolaise OREPSA.

Sur une superficie de 8 522 km², la région des Savanes est l'une des contrées togolaises les plus pauvres et les plus arides. Les villages de Tankomonte et Boulkougue, situés à 650 km de Lomé et dans lesquels se concentre l'action du projet, comptent environ 1 500 habitants. Dans ces deux localités, moins de 30% de la population a accès à l'eau potable à proximité de son domicile. Ce chiffre est encore plus bas concernant les établissements d'enseignement : la majorité des écoles, soit 12 classes de primaire et 2 jardins d'enfants avec une moyenne de 30 élèves par classe, n'ont pas accès à un point d'eau potable et plus de la moitié ne dispose pas de latrines.
Cette situation, outre les conséquences sanitaires qu'elle occasionne, vient renforcer l'absentéisme scolaire, notamment des jeunes filles. Chargées des corvées d'eau, elles doivent en effet parcourir de longues distances en quête d'un point d'eau, souvent pendant les heures de cours.
L'installation de points d'eau potable et d'assainissement est nécessaire pour permettre l'assiduité scolaire, lutter contre les disparités genrées et aider les jeunes filles à atteindre leurs ambitions scolaires. C'est dans ce cadre qu'en 2014, l'ONG togolaise OREPSA - Organisation régionale pour la promotion sociale et agricole – a sollicité l'association Dynam'eau pour installer des points d'eau potable et construire des latrines dans les écoles primaires de Tankomonte et Boulkougue.

L'origine du projet

Le projet « Irriguer l'éducation » s'est construit à partir d'un constat : la population des écoles choisies n'avait pour seuls points d'eau potable à des kilomètres à la ronde, que des mares partagées avec le bétail ou des puits à ciel ouvert entraînant la propagation des bactéries. L'insuffisance d'accès à une eau potable augmentait également les risques de contraction de maladies liées à l'insalubrité de l'eau. L'absence de points d'eau de proximité va également souvent de pair avec une absence de sanitaires dans les écoles. Les élèves sont ainsi amenés à déféquer en plein air sans aucune intimité, renforçant encore le taux d'absentéisme, plus particulièrement chez les jeunes filles.

La construction de forages et de latrines sèches compostables

En avril 2016, après un diagnostic des besoins, une étude de faisabilité du projet, l'obtention des fonds nécessaires et le conventionnement d'un partenariat avec une ONG locale, les travaux du premier forage commencent et quelques mois plus tard, une mission de suivi est lancée par Dynam'eau pour vérifier le bon déroulement des opérations. Les travaux du deuxième forage ont été entrepris peu de temps après. Les forages ont été équipés d'une pompe à motricité humaine de type India Mark II. Ces pompes, recommandées par l'Organisation mondiale de la santé, sont utilisées dans la région des Savanes par la direction régionale de l'Hydraulique et l'Agence française de développement. Outre sa fiabilité, ce modèle présente en effet l'avantage d'être facilement utilisable par les enfants et les pièces de rechange sont disponibles dans la région.
En ce qui concerne les latrines, 4 cabines double fosse équipées de lave-mains ont été construites par école. Le traitement des excréments issus de ces toilettes est réalisé de façon simple et naturelle en vue de produire du compost qui pourra servir d'engrais pour l'agriculture locale.

Un fort investissement de la population locale

Les habitants des villages se sont activement impliqués dans la mise en œuvre du projet en mobilisant les ressources locales pour la construction (sable et gravier qui peuvent être vendus sur le marché), en participant à l'édification des blocs de latrines et en prenant en charge le magasinage des matériaux, l'hébergement et la restauration des maçons.
Pour s'assurer de l'autonomie des élèves et des enseignants dans le maintien des nouvelles installations, un comité de gestion a été mis en place dans chaque village. Il est dirigé par le.la directeur.trice de l'école et comprend trois hommes et trois femmes (secrétaire, trésorier.ère et quatre bénévoles) ; la composition étant à l'image de la structure d'une association. Son rôle consiste à vérifier et à former la population sur les bonnes pratiques d'hygiène, mais aussi à gérer la trésorerie pour d'éventuelles réparations réalisées par le technicien eau.
Par ailleurs, afin de préserver les sites de forages de l'érosion, un reboisement a été effectué pour stabiliser le sol via le système racinaire des arbres. Les élèves et leurs enseignants se sont largement investis dans ce projet, chaque élève ayant parrainé un arbre et assurant son entretien, c'est-à-dire l'arrosage ainsi que la mise en place d'une protection contre les animaux.
Il est aussi important de souligner que la population locale cotise volontairement auprès du comité de gestion, à hauteur de 150 FCFA (environ 25 centimes d'euros) par famille et par mois pour assurer les coûts de maintenance des pompes et les fournitures d'entretien pour les latrines. Une somme de 400 000 FCFA (environ 700€) a été réunie en début de projet ; elle représente le prix du matériau le plus cher qui pourrait être remplacé.

Des partenaires impliqués

Le projet « Irriguer l'éducation » a connu dans toutes ses phases l'implication de plusieurs partenaires. L'ONG togolaise OREPSA a été à la base de la sollicitation de l'association Dynam'eau pour installer les points d'eau potable et construire des latrines dans les écoles primaires de Tankomonte et Boulkougue. Elle a en outre co-assuré la coordination du projet, fait le choix des maîtres d'ouvrage, agi pour la mobilisation de la population, le suivi des opérations en s'assurant que le comité de l'eau gérait correctement les ouvrages et la comptabilité, la formation des techniciens, la sensibilisation du comité de gestion aux bonnes pratiques d'hygiène et l'évaluation plus précise des impacts des projets. OREPSA a aussi participé avec Dynam'eau à la recherche des financements. D'un montant de près de 71 000€, le projet a été réalisé grâce au concours de partenaires financiers, le Syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement du Cubzadais-Fronsadais en Gironde notamment, et de l'agence de l'eau Adour-Garonne.
Ce projet a été mené en collaboration avec les autorités locales, en particulier les autorités communales qui ont donné des autorisations de travaux et la direction régionale de l'Hydraulique qui a aidé dans la mise en cohérence des actions avec la politique régionale de l'eau. Les chefs de village ont aussi joué un rôle important car ils apportent sa légitimité au projet ; sans leur accord la population ne participerait pas au projet et les changements ne s'impulseraient pas.

Des retombées déjà visibles sur le terrain

L'impact positif de l'installation des forages est de plus en plus perceptible au sein des établissements scolaires bénéficiaires : l'amélioration de l'état de santé des élèves est notable. Selon une enquête de terrain réalisée en 2018 par Jade Tobbi (stagiaire d'OREPSA envoyée via Dynam'eau) dans le cadre de son mémoire intitulé « Accès à l'eau potable et impact sur la santé d'une communauté, l'éducation et la ressource eau : analyse à partir d'un projet au Togo », environ 60% des parents confient que les enfants ont moins de parasitoses et de maladies diarrhéiques depuis la mise en service des forages.
Dans les enquêtes réalisées auprès des directeurs des écoles, il apparaît également que les élèves ne se plaignent plus de maux de ventre. En ce qui concerne l'assiduité des élèves, les seuls motifs d'absences sont désormais liés au manque de moyens financiers des parents ou à un départ pour la ville. Les résultats sur les deux années scolaires de référence montrent une moyenne de 5 absences par jour en 2017 et 3 en 2018. Ces données demandent néanmoins à être manipulées avec précaution, la méthodologie d'enquête devant être reconduite afin de s'assurer que le travail de sensibilisation a été pérenne. Tous ces résultats sont très encourageants et ont depuis poussé l'association à initier des travaux dans les autres écoles de la région des Savanes, afin de fournir de l'eau potable et des latrines à encore plus d'élèves.


Maxime Ghesquiere
Association Dynam'eau
Email:
contact@dynameau.org
Site internet: www.dynameau.org

AE Adour-Garonne - Toulouse - France
Dynam'Eau - Bordeaux - France
OREPSA - Tône 1 - Togo
SIAEPA du Cubzadais-Fronsadais - Saint-André-de-Cubzac - France
 

Essai de pompage, Boulkougue - ©OREPSA
 

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