retour imprimer © Lettre du pS-Eau 89 de Jul 2019

Au Cap, lumière sur la gestion des boues de vidange


Atelier sur l'assainissement dans les petits centres - ©pS-Eau

Cette année, deux conférences d'importance pour la thématique de l'assainissement se sont tenues conjointement au Cap du 18 au 22 février 2019.
AfricaSan est la grande réunion panafricaine sur l'assainissement organisée régulièrement par le Conseil des ministres africains de l'eau (AMCOW) depuis 2002. Il s'agissait cette année de la cinquième conférence AfricaSan.
La conférence FSM sur la gestion des boues de vidange (Faecal Sludge Management conference), créée en 2011 tenait aussi sa cinquième édition. Coordonnée par un groupe d'organisations internationales pleinement impliquées sur la filière de gestion des boues de vidanges - la Fondation Bill et Melinda Gates, BORDA, Eawag-Sandec, GIZ, Inclusive Sanitation in Practice (IPS), le réseau Sustainable Sanitation Alliance (SuSanA), University of KwaZulu-Natal et University of Technology Sydney ainsi que la Water Research Commission (WRC), cette conférence permet de partager les recherches et les expériences à travers le monde sur ce sujet.
Programme de la conférence :
www.africasan.com/africasan5program


Bilan global

La conférence conjointe AfricaSan5 – FSM5 a fortement mobilisé les acteurs de l'assainissement. Ce double événement a donc été très riche en échanges, en particulier sur les questions d'assainissement non collectif. Plusieurs engagements politiques ont été pris durant la conférence AfricaSan, notamment la déclaration des maires plaidant l'accélération de l'accès universel à l'assainissement et à l'hygiène ou encore la création d'une association panafricaine des vidangeurs. Cependant la participation de ministres africains en charge de l'assainissement a été plus faible que lors des précédentes éditions et n'a donc pas permis de recueillir des engagements forts de la part des États.
Les enjeux restent pourtant élevés : le suivi des engagements pris dans la déclaration de Ngor d'AfricaSan4 en 2014 montre que l'élimination des inégalités d'accès et d'utilisation de toilettes demeure un obstacle majeur qui menace de saper les progrès dans toute l'Afrique. Aujourd'hui, dans la plupart des pays africains, moins de la moitié de la population utilise des services d'assainissement élémentaires.
Du côté des thématiques abordées, les réflexions ont porté essentiellement sur les services d'assainissement en milieu urbain, laissant moins de place à la question de l'accès en milieu rural, qui reste pourtant un défi essentiel pour l'Afrique.
Plusieurs sessions d'AfricaSan ont porté sur les questions d'accès universel et d'inclusion, dans la perspective de « ne laisser personne de côté » au cœur des ODD. Cependant, les sujets prédominants, impulsés par les sessions FSM et les conférences plénières, ont davantage porté sur le développement des services d'assainissement comme business (et notamment pour la vidange) et les technologies innovantes.

Retours sur quelques thématiques

Filière assainissement non collectif et gestion des boues de vidange
De nombreuses interventions ont insisté sur l'importance de considérer la complémentarité entre les différents maillons de la filière assainissement. Ainsi, pour assurer le fonctionnement des stations de traitement des boues de vidange, les volumes vidangés doivent aussi être suffisants, ce qui implique souvent de développer la demande en vidange en améliorant le taux d'accès à des toilettes améliorées et professionnaliser le service. Par exemple, au Kenya le programme « Upscaling Basic sanitation for the Urban poor » UBSUP, mis en œuvre par le Water Sector Trust Fund, travaille sur trois volets complémentaires dans une trentaine de petites villes :
• La promotion des toilettes améliorées (à chasse mécanique équipées de fosse septique) auprès des ménages grâce à des incitations financières ;
• Le développement de l'offre de vidange, en accompagnant le secteur privé dans la consolidation de leur modèle économique ;
• La construction de petites unités de traitement des boues de vidange avec des capacités de traitement de 22 à 75 m3/jour et des coûts de fonctionnement réduits.
Les enjeux débattus dans le cadre de cet exemple ont cité la nécessité de satisfaire la demande en vidange, les problématiques d'acceptation sociale pour la construction de la station, l'élaboration d'un modèle économique dont le service soit abordable, compétitif et en faveur des ménages les plus pauvres, mais devant couvrir les coûts et faire des bénéfices.

Travailleurs de l'assainissement
Les travailleurs et travailleuses de l'assainissement étaient au centre des débats de plusieurs sessions, dont deux auxquelles le pS-Eau a pu participer. L'association CAWST a partagé les résultats d'un travail en cours pour l'élaboration d'un « cadre des compétences de la vidange ». À terme, cet outil pourrait être utilisé pour comparer les performances des services en s'appuyant sur des normes définies et identifier les domaines potentiels de développement professionnel pour améliorer le service de vidange. La session avait pour objectifs de discuter ce cadre de compétences et partager des retours d'expériences.
Plusieurs interventions ont fait part de la nécessité de professionnaliser le service. Dans la plupart des cas, la tendance est ainsi de déléguer ce service à un opérateur privé. Les enjeux concernent alors la certification des opérateurs de vidange, la formation des vidangeurs aux bonnes pratiques d'hygiène et de sécurité au travail et à la gestion administrative et financière.
Lors de l'atelier « The missing link in the sanitation chain. Improving the conditions of sanitation workers » organisé par WaterAid, la Banque mondiale, l'OMS, l'Organisation internationale du travail, SNV et Water Research Commission, la question des conditions de travail dans les métiers de l'assainissement a été largement abordée.
Un travail d'analyse bibliographique et des entretiens ont permis de recenser les enjeux et les risques suivants affectant les travailleurs et travailleuses de l'assainissement :

Enjeux sociauxEnjeux financiersAspects légaux et institutionnelsSanté et sécurité au travail
• Stigmatisation, persécution et discrimination
• Le fardeau de vivre une vie « discrète » pour ne pas être connus dans leur société comme vidangeurs manuels
• Précarité, faible rémunération
• Manque de sécurité d'emploi
• Manque d'accès à des avantages sociaux, tels que les fonds de pension ou les régimes de retraite ou d'assurance maladie
• Aucune possibilité d'avancement professionnel
• Difficultés à investir dans des équipements de protection, à passer à la mécanisation et à couvrir l'exploitation et les frais d'entretien
• Violation des droits du travail
• Absence de lois et de règlements ou lois en vigueur non appliquées
• Informalité
• Aucune syndicalisation ou association collective
• Faible capacité des parties prenantes
• Maladies infectieuses dues à l'exposition à des agents pathogènes
• Maladie due à des produits chimiques toxiques
• Asphyxie due aux gaz toxiques
• Dommages corporels
• Conséquences non liées aux risques sanitaires
• Mort

Plusieurs bonnes pratiques ont été relevées, comme la fourniture d'équipements de protection individuelle (EPI) et la supervision des pratiques, la formation et l'autonomisation des personnes travaillant dans le secteur (vidangeurs, mais aussi gestionnaires de toilettes publiques, agents d'entretien, etc.), le développement d'associations et de syndicats de travailleurs et travailleuses de la vidange, l'organisation et la réglementation du secteur associé à leur mise en application et contrôle, le changement de technologie, le leadership politique fort pour des priorités sectorielles, le développement d'opportunités professionnelles alternatives.
Les études menées ont montré que faire appel à des fournisseurs publics ou privés, ou encore travailler avec des vidangeurs mécaniques par opposition à des vidangeurs manuels n'améliore pas automatiquement la santé et la sécurité au travail.
L'atelier a rappelé que les enjeux vont au-delà de l'équipement de protection individuelle et l'abandon des pratiques de « descente dans la fosse ». La professionnalisation des pratiques, grâce à des protocoles de travail clairs, de la formation et des procédures pour faire face aux situations d'urgence peut notamment réduire les risques. De même, avoir une base légale pour l'application de normes de vidange dans une ville semble être une condition minimale pour progresser.
Par conséquent, l'amélioration des conditions des personnes employées dans le secteur de l'assainissement exige une perspective intégrée et l'engagement de l'ensemble des parties prenantes, y compris les clients.

Assainissement dans les petits centres
Lors de cette semaine de conférence, le pS-Eau, GIZ Ouganda et le groupe de travail du réseau SuSanA « Cities and planning » ont organisé un atelier parallèle, sur le thème de l'assainissement dans les petits centres. La session comprenait un premier panel composé des représentants de l'Agence française de développement, de la Banque mondiale, de la Commission européenne DEVCO, du ministère de l'Eau et de l'Environnement de l'Ouganda et du ministère de l'Hydraulique et de l'Assainissement du Sénégal. Dans un deuxième temps, les résultats du volet ougandais du programme GIZ Sanitation for Millions (S4M) ont été présentés, puis le pS-Eau a partagé les résultats des travaux d'approfondissement qu'il coordonne sur la thématique, dont le programme de recherche-action PRADALIS au Sénégal.
Les petits centres représentent des localités en transition sociale, économique et démographique et elles sont confrontées à de nombreux défis en matière de services d'assainissement. Souvent négligées du fait de leur statut « ni rural, ni urbain », elles sont pourtant les villes de demain.
A l'échelles mondiale, il est donc nécessaire d'élaborer des stratégies spécifiques à ces localités, au niveau des gouvernements et des partenaires financiers, afin de donner plus d'importance à ces contextes dans le secteur de l'assainissement et de relever les défis particuliers auxquels elles sont confrontées. Certains leviers d'action ont été discutés au cours de cette session : comment inclure d'autres secteurs dans la planification de l'assainissement et développer des approches intégrées ? Comment assurer la viabilité du service et son caractère abordable dans les villes à faible revenu ?
Télécharger le compte-rendu complet de la session « Sanitation in small towns » :
www.pseau.org/fr/assainissement-petits-centres



Plus d'informations sur la conférence sur www.pseau.org/fr/fsm-conference

Toutes les présentations de la conférence sont à retrouver sur
fsm5.susana.org/en/downloads/conference-materials


Colette Génevaux
Chargée de mission
pS-Eau
Site internet:
www.pseau.org/

AMCOW - Abuja - Nigeria
 

Présentation du programme de recherche-action PRADALIS - ©pS-Eau

Session plénière de clôture - ©pS-Eau
 

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