retour imprimer © Lettre du pS-Eau 88 de Mar 2019

Au Sénégal: Entre Creil et Nabadji Civol, un partenariat pour l'eau


Réalisation d’un château d’eau [© Ville de Creil]

Les municipalités de Creil et de Nabadji Civol ont engagé un accord de partenariat de coopération décentralisée en 2010. Leurs interventions, qui se sont déployées durant la réforme du secteur de l'eau en milieu rural, ont porté sur l'accès et la gestion des services d'eau et d'assainissement. Bilan des deux premières phases.

Creil est la 3e ville de l'Oise. Sa population est de 35 000 habitants, dont un tiers est âgée de moins de 20 ans. Une histoire ouvrière et une diversité culturelle sont revendiquées, avec plus de 100 nationalités représentées. La ville de Nabadji est une commune rurale située dans la région de Matam, le long du fleuve Sénégal, près de la frontière mauritanienne et malienne. Elle compte une population de plus de 58 000 habitants, 35 villages officiels autour desquels gravitent 30 hameaux.
La coopération entre ces deux villes, renouvelée en novembre 2015, tire son origine de la forte représentation de ressortissants sénégalais à Creil. Plusieurs associations entretiennent des liens avec la ville de Creil, en particulier l'association Agir Nabadji Civol. Les municipalités ont axé leurs interventions sur une amélioration de l'accès à l'eau et à l'assainissement. Pour mener à bien cette volonté d'améliorer les conditions d'accès à l'eau potable et à l'assainissement, la ville de Creil et la commune de Nabadji Civol se sont entourées de deux assistants à maîtrise d'ouvrage et maître d'œuvre, ONG reconnues pour leurs compétences et leurs expertises : le Gret, implanté au Sénégal depuis plus de 15 ans, et Le Partenariat, autre opérateur français, « à taille humaine » qui participe depuis sa création en 1981 au renforcement des capacités des acteurs locaux, avec une intervention focalisée dans les écoles. En complément de la contribution financière des deux communes concernées à hauteur de 10% du projet, l'Agglomération Creil Sud Oise participe également au financement ainsi que l'Agence de l'eau Seine Normandie, qui soutient ce projet à hauteur de 60%.

À Nabadji Civol, un accès inégal à l'eau

Au moment du lancement de la coopération, le taux d'accès en eau potable était de 91%, ce qui est supérieur à la moyenne nationale. Cependant, la répartition géographique était inégale et plusieurs localités souffraient encore d'un manque de ressources en eau. Quant à la situation en assainissement avec des latrines adéquates, le taux d'accès atteignait les 60%.
Fortes de ce constat, les deux collectivités ont affirmé leurs volontés d'élaborer et de mettre en œuvre un programme axé sur l'appui et l'accompagnement institutionnel pour la mise au point de politiques innovantes de développement local, notamment autour de la thématique prioritaire de l'hydraulique et l'assainissement rural.
Le village de MBanane ne disposait d'aucune autre source d'eau hormis l'adduction d'eau potable de Boynadji qui se situe à 2 km. L'approvisionnement en eau dans la localité se faisait essentiellement à partir du puits du village dont la qualité de l'eau est médiocre et qui occasionnait des corvées de puisages importantes avec une profondeur de 35 mètres environ.
Le village disposait d'une école primaire construite en 1996, avec 86 élèves répartis dans quatre salles de classe. Cet établissement ne disposait ni de clôture, ni de bloc sanitaire et encore moins de point d'eau potable.
La place publique du village de Nabadji n'était plus en capacité d'accueillir le marché, faute de place. Ce marché hebdomadaire était fréquenté par près de 5 000 personnes provenant du Sénégal comme des pays frontaliers, Mauritanie, Mali et Gambie. La commune, avec l'accompagnement de l'Agence régional de développement de Saint-Louis (ARD), a mobilisé les ressources nécessaires pour réaliser la clôture et les établis. Toutefois, pour être fonctionnel, ce marché devait être équipé de point d'eau et d'ouvrages d'assainissement adéquats. Les capacités de l'adduction d'eau potable de Nabadji Civol, composé d'un forage de 35 m³/h, d'un château d'eau de 100 m³ et d'un réseau de distribution ont permis le raccordement du nouveau marché.
Le village de Woudourou disposait d'électricité, d'un accès à l'eau potable et de deux écoles élémentaires. Cependant, une des deux écoles n'était pas raccordée à l'eau potable, et ne disposait ni de clôture, ni de blocs sanitaires utilisable pour les élèves.
Le village de Tiguéré Ciré disposait bien d'un forage réalisé en 2004 avec un débit d'exploitation de 15 m³/h et d'un château d'eau de 150 m³. Cependant, la production journalière de 150 m³/ de la pompe solaire n'était plus adapté aux besoins en eau de la population qui ne cessent de s'accroître.

2016−2018. Lancement du projet

La phase I du projet (2016–2018), d'un montant global de 154 229 €, a duré un peu plus de deux ans et s'est achevée avec succès au printemps 2018. Elle comprenait trois composantes : abduction d'eau potable ; assainissement ; appui à la gestion des infrastructures et des services, et sensibilisation.
Les travaux de la composante adduction d'eau potable, avec la réalisation de bornes fontaines, ont concerné le village de MBanane, le nouveau marché de Nabadji Civol et le village de Tiguéré Ciré (pour un renforcement de la production de l'AEP).
5 580 mètres linéaires de réseau et 40 connexions domiciliaires ont été réalisés.
Concernant la composante assainissement,
2 blocs sanitaires à 4 cabines avec séparation garçons/filles, des bornes fontaines et des clôtures ont été réalisés au sein des écoles de MBanane et de Woudourou. Des blocs sanitaires de 10 cabines avec douches de lavage, avec prise en compte des personnes handicapées, ont également été réalisés dans le nouveau marché.

La commune de Nabadji a pu bénéficier d'un renforcement et d'un appui sur les mesures sociales d'accompagnement, en collaboration avec l'Association d'usagers du forage (ASUFOR) pour la gestion des infrastructures et des services d'eau et d'assainissement, et d'une sensibilisation à l'hygiène et à l'assainissement. Les bénéficiaires sont multiples :
• 12 500 personnes disposent désormais d'un service d'eau potable et/ou d'un accès à l'assainissement dont 3 348 nouveaux usagers ;
• les élèves de deux écoles disposent d'un environnement sain car ils ont été sensibilisés aux bonnes pratiques d'hygiène et d'utilisation de l'eau ;
• les trois associations d'usagers des réseaux d'eau potable, les élus et le secrétaire municipal de la commune de Nabadji Civol ont été renforcés à la passation de marché et au suivi de chantier.

Des acteurs nationaux et régionaux ont été impliqués, ainsi que cinq entreprises de travaux.
Acteurs nationaux : la Direction de l'exploitation et de la maintenance (remplacée par l'OFOR) et la Direction de l'assainissement rural
Acteurs régionaux : Agences régionales de développement, Brigade des puits et forage de Matam, Service régional de l'assainissement de Matam

2018−2019. Déjà une 2e phase

À partir de ces résultats encourageants, une deuxième phase a été identifiée et a pu bénéficier du concours financier de l'Agence de l'eau Seine Normandie. Récemment mis en place au Sénégal, l'Office des forages ruraux a également validé sa participation en tant que financeur complémentaire pour un projet d'un montant global de 506 264 €.

Gassel est un des villages de la commune de Nabadji Civol. La population est d'environ 1000 personnes répartie dans 50 concessions. Le village ne dispose d'aucune infrastructure de base.
La population s'approvisionne en eau à partir des puits dont la profondeur se situe entre 75 et 100 mètres. Pendant la saison sèche, le niveau de la nappe baisse et du fait de la forte sollicitation des populations, on constate régulièrement le tarissement de ces puits. Cette situation rend l'accès à l'eau encore plus difficile.
Durant cette période, la population de Gassel va chercher l'eau dans les villages environnants qui disposent d'adduction d'eau potable. La localité la plus proche se situe à 10 km ! L'alimentation en eau du ménage concerne particulièrement les femmes et les enfants qui s'occupent de la corvée de puisage. Les femmes font plus de 6h de marche par jour pour avoir de l'eau potable.
D'autres localités environnantes, telles que Mbourtodji, Longueuil, Kawel Sali, Gourel Ndoumbel, Daré, connaissent les mêmes difficultés. Ainsi, la mise en place de l'adduction d'eau potable de Gassel sera très profitable à ces localités. Les besoins en eau à l'horizon 2037 pour satisfaire les besoins de la population sont évalués à 190 m3.

Les travaux, plus conséquents, comprennent cette fois-ci la construction d'une nouvelle adduction d'eau multi villages pour le village de Gassel avec un raccordement des 5 villages avoisinants, la construction de bornes fontaines et d'abreuvoirs. En chiffres, les travaux suivants ont été réalisés : un forage avec une pompe d'une capacité de 20 m³/h, un château d'eau de 150 m³, mise en place d'un réseau d'eau potable de 23,9 km avec 6 bornes fontaines et 4 abreuvoirs et une potence, un groupe électrogène de 25 kVA (ou panneaux solaires) et une pompe d'une capacité de 20 m3/h à 120 m de HMT, un local pour le groupe électrogène et une loge gardien munie de latrine et fosse, la réalisation d'une clôture (pour protection du forage) et la création d'un accès, la réalisation de branchements privés à la demande des usagers. Une extension du réseau de Tiguéré Ciré vers 3 villages (en moyenne 7000 m) et des travaux de mise en conformité du château d'eau sont prévus également pour la création de 20 bornes fontaines.
Concernant la composante assainissement, la construction de blocs sanitaires avec espaces séparés filles/garçons et accès handicapés sera réalisée dans la future école de Gassel et dans trois autres écoles. Concernant la dernière composante : les mesures sociales d'accompagnement sont prévues avec la mise en place d'un opérateur de gestion du service de l'eau, en coordination avec l'OFOR et l'ASUFOR pour assurer le suivi du service, la sensibilisation de la population à l'assainissement domestique et aux possibilités d'équipement en latrines est prévue ainsi que des mesures de formation et de sensibilisation des élèves, du corps enseignant et des parents d'élèves dans les écoles, à travers le programme dédié du Partenariat. Cette composante comprendra l'accompagnement de l'ASUFOR pour la gestion des nouveaux villages raccordés à Tiguéré Ciré, une sensibilisation de la population à l'assainissement domestique et aux possibilités d'équipement en latrines.

La gestion des services d'eau dans une réforme qui tarde à se concrétiser

Malgré des avancées notables, des défis restent à relever sur le plan opérationnel pour concrétiser la réforme de l'hydraulique en milieu rural. En effet, la mise en service de la zone Nord, composée des régions de Saint Louis, Louga et Matam, était prévue en fin d'année 2017, ce qui aurait permis d'accompagner convenablement la mise en gestion des ouvrages. En réalité, actuellement, même si les contrats de délégation sont signés, les entreprises délégataires ne sont pas encore installées et n'ont pas pris en main le service. Le renforcement de la gestion des services d'eau potable n'a donc pu se faire qu'en partie (via l'intégration des ouvrages au patrimoine de l'ASUFOR) car l'OFOR n'incite pas à renforcer les ASUFOR en cette période transitoire.
Afin de compenser les manquements au niveau de la gestion des services d'eau potable en raison de la réforme en cours, le projet incite les acteurs à mettre en œuvre un suivi technique et financier régulier, faisant l'objet de restitution au comité directeur de l'ASUFOR et en assemblée générale. Cela pourrait être une piste de travail intéressante pour la suite afin de garantir la qualité de service par l'opérateur privé et d'informer les parties prenantes.
Les résultats atteints dans le cadre des phases de projets, qui s'inscrivent dans le cadre du programme d'accès à l'eau potable et à l'assainissement de Nabadji, ont permis de contribuer à l'augmentation du taux d'accès à l'eau potable et à l'assainissement dans les écoles de la commune. Toutefois, des besoins identifiés dans ce programme global restent encore à satisfaire car certains villages sont encore non raccordés et les installations sanitaires font également défaut dans certains villages.

Une phase 3 concernant d'autres villages pourraient suivre à partir de 2019–2020. Affaire à suivre.


Julie Legrand
Ville de Creil
Email:
julie.legrand@mairie-creil.fr
Site internet: www.creil.fr

ACSO - Creil - France
AE Seine-Normandie - Courbevoie - France
Agir NC - Creil - France
ARD - Matam - Sénégal
Brigade des Puits et Forages - Matam - Sénégal
Commune de Nabadji Civol - Nabadji Civol - Sénégal
GRET - Dakar - Sénégal
Le Partenariat - Lille - France
Le Partenariat - Saint-Louis - Sénégal
OFOR - Dakar - Sénégal
SRA - Matam - Sénégal
Ville de Creil - Creil - France
 

Construction d’un bloc sanitaire [© Ville de Creil]

Sensibilisation des élèves à l’hygiène [© Ville de Creil]
 

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