retour imprimer © Lettre du pS-Eau 87 de Sep 2018

À Stockholm, focus sur les écosystèmes et l'assainissement

Organisée chaque année à Stockholm à la fin du mois d'août, la Semaine Mondiale de l'Eau rassemble les acteurs du secteur de l'eau. Retours sur les thèmes forts de la semaine et les sessions suivies par le pS-Eau.

La conférence a rassemblé cet été plus de 3 300 personnes, soit plus de 378 organisations animant 238 sessions. Le pS-Eau est habituellement présent lors de ce rendez-vous international afin de suivre les actualités du secteur et partager les expériences de ses partenaires ainsi que ses thèmes de recherche et d'approfondissement, via l'organisation de sessions.

Bilan global

Cette année, le thème de la conférence était « Eau, écosystèmes et développement humain ». De nombreuses sessions ont donc traité de la gestion des ressources en eau, des approches intégrées alliant protection des ressources et fourniture des services essentiels. Les solutions fondées sur la nature ont pris une place importante dans les discussions. Beaucoup de sessions portaient également sur l'assainissement et en particulier la gestion des excréta, tandis que la question de l'approvisionnement en eau potable a été un thème peu traité. Le dynamisme des sessions et la part grandissante de femmes ainsi que de jeunes professionnel·le·s intervenant·e·s est à souligner. Ce progrès est notamment à attribuer à la mise en place de critères en ce sens pour les organisateurs de sessions.
Programme de la conférence :
programme.worldwaterweek.org/Schedule

Retours sur les thématiques abordées
Ecosystèmes et ressources en eau
En lien avec le thème de la conférence, les sessions ont souligné l'intérêt croissant pour des solutions « intégrées », répondant à de multiples enjeux économiques, environnementaux et sociaux et en particulier aux défis posés par le changement climatique. Les solutions fondées sur la nature, en lien direct avec le thème de la Journée Mondiale de l'Eau 2018 porté par les Nations Unies, ont été largement discutées. Elles incluent « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les enjeux de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité » (UICN, 2016) : par exemple, la création de zones humides, l'aménagement d'espaces verts ou zones protégées, etc.
Les diverses sessions ont rappelé les co-bénéfices que peuvent générer ces solutions pour la biodiversité, la restauration et protection des écosystèmes ainsi que sur les sociétés humaines d'un point de vue social et économique (solutions génératrices de revenus, meilleure prise en compte des valeurs culturelles et sociales, etc.). Alors que ces solutions « vertes » rencontrent une attention croissante de la part des praticiens du secteur, il reste nécessaire de développer des outils pour une meilleure compréhension et appropriation. Les intervenants ont souligné le besoin d'adapter l'environnement légal et judiciaire pour que les solutions fondées sur la nature puissent être considérées aux mêmes titres que d'autres solutions dans la conception des projets et afin de choisir l'option la plus appropriée.
Plus généralement, l'ensemble des interventions ont rappelé le besoin de privilégier des approches globales, comme les approches « city-wide » ou « source-to-sea », qui prennent mieux en compte les impacts potentiels sur les écosystèmes, en amont et en aval de leurs localisations.

Assainissement
Les sessions sur l'assainissement étaient nombreuses et portaient principalement sur la mise en place de filières viables dans les zones urbaines. Plusieurs problématiques ont été ainsi débattues :
• L'importance de l'assainissement partagé, qui doit être considéré comme un « échelon » vers l'accès individuel à une toilette gérée en toute sécurité. Ce niveau de service dit « limité » selon l'échelle de l'assainissement ne doit pas être négligé et concerne 600 millions de personnes au niveau mondial, dont 370 millions en milieu urbain. L'accès à une toilette partagée est parfois nécessaire, en particulier dans les contextes où l'assainissement individuel n'est pas possible. Les toilettes partagées doivent alors être gérées en toute sécurité.
• L'assainissement de type « container-based » a fait l'objet de plusieurs sessions. Ce type d'assainissement désigne un service de toilettes individuelles portables, gérées par un opérateur privé qui s'engage à collecter et vidanger les contenants pleins de façon régulière (une à plusieurs fois par semaine). Plusieurs entreprises opèrent actuellement au Ghana, à Haïti, au Kenya, à Madagascar et au Pérou. L'enjeu principal pour ces différentes compagnies est la mise à l'échelle, de façon à atteindre une base de clients et un soutien des autorités locales rendant viable leur modèle commercial.
• La plupart des sessions portaient sur l'assainissement non collectif, notamment par rapport aux enjeux de vidange et de traitement. La session « Repenser les égouts », co-organisée par le pS-Eau a également pu traiter du thème de l'assainissement collectif. Cette session, portée par la Banque Mondiale et le pS-Eau, en partenariat avec l'Université de Leeds et University College London, a rappelé les différentes options de l'assainissement non-collectif (mini-égouts, condominum, etc.) et surtout l'importance d'une technologie appropriée aux ressources disponibles (contraintes liées à l'urbanisme, capacités financières et de maintenance, etc.).
• Faisant suite à deux sessions organisées en 2017 sur ce thème, le pS-Eau, en collaboration avec la Banque Mondiale, Eawag-Sandec, le Gret, GIZ, SuSanA et WaterAid ont également permis un focus sur l'assainissement dans les petits centres. La session a mis en débat cinq sujets : la viabilité financière, le renforcement de capacités, le suivi des services, l'équité et les incitations pour le développement de la filière complète d'assainissement dans les petits centres.
Le compte-rendu de cette session est disponible à la page : www.pseau.org/fr/assainissement-petits-centres

Eau potable
Les sessions sur l'eau potable ont semblé moins nombreuses cette année, en comparaison à celles organisées sur la thématique de l'assainissement. L'accès au service d'eau potable a principalement été intégré à des réflexions plus globales sur la gestion des ressources en eau ou l'adaptation au changement climatique. Quelques sessions spécifiques ont mis l'accent sur l'inclusion, pour un accès universel « ne laissant personne de côté ». L'abordabilité des services a été discutée, en particulier les différents mécanismes de subventionnements. D'autres sessions ont également discuté de l'accès aux populations vulnérables telles que les femmes et les personnes souffrant d'un handicap, soulignant l'importance de prendre en compte ces aspects le plus tôt possible dans les programmes, et d'en assurer l'intégration des principes au sein-même des organisations.

Mise en œuvre de l'ODD 6
La mise en œuvre de l'Agenda 2030 est toujours largement d'actualité. La question du suivi des indicateurs a ainsi fait l'objet d'une session organisée par l'ONU-Eau. Les intervenants ont présenté les récentes évolutions sur la méthodologie de suivi mondial des indicateurs relatifs aux cibles 6.1 à 6.6 de l'ODD 6. Ces nouvelles étapes dans la mise en place progressive de la méthodologie de suivi sont détaillées dans sept rapports publiés durant l'été (www.unwater.org/launch-of-sdg-6-indicator-reports/). Le besoin d'une meilleure coordination sectorielle a également été évoqué. L'Association des Ministres Africains en charge de l'Eau (AMCOW) a ainsi déclaré travailler au développement d'un guide d'élaboration des directives pour l'assainissement en Afrique, en collaboration avec l'Organisation Mondiale de la Santé et le Centre pour la Sécurité Hydrique et la Coopération, sur financement de la Fondation Bill et Melinda Gates.

Villes
De nombreuses sessions ont porté sur les villes. Les impacts liés aux phénomènes d'urbanisation et au changement climatique font peser sur les sociétés et les écosystèmes des risques sanitaires, sociaux, économiques et environnementaux de plus en plus élevés. Les défis urbains sont multiples, avec par exemple la densité du bâti et le développement de zones informelles ou non-planifiées, qui rendent difficile le déploiement des services essentiels.
Les intervenant·e·s ont insisté sur la nécessité de mettre en œuvre des solutions intégrées dans les villes, qui nécessitent d'identifier des espaces multifonctionnels pour le développement des services et de les intégrer au paysage urbain. Les solutions basées sur la nature permettent cette approche multi-systèmes. Les exemples évoqués ont mentionné la lutte contre l'imperméabilisation des surfaces en ville et la mise en place de zones d'infiltration des eaux de pluie, notamment dans les espaces publics, qui permet de mieux gérer les eaux pluviales en réduisant la pression sur la gestion des eaux usées. La diversification des solutions et techniques est également essentielle. L'adaptation au manque d'eau passe par exemple par la diversification des sources d'accès à l'eau, en fonction des différents usages. Dans ce cadre, la planification urbaine et les décisions politiques y ont un rôle clé. À Accra, Ghana, une étude a ainsi montré l'augmentation des risques de coupure d'eau suite à un choix de la municipalité d'augmenter les prélèvements d'eaux de surface sans considérer les eaux souterraines. Enfin, le rôle majeur des villes dans l'atténuation au changement climatique a été rappelé. La production de gaz à effets de serre doit ainsi mieux être prise en compte pour l'assainissement urbain.
Télécharger le compte-rendu complet des sessions : www.pseau.org/fr/semaine-mondiale-leau-stockholm

Les autres réunions de l'été
SuSanA
La rencontre annuelle du réseau SuSanA (Sustainable Sanitation Alliance) s'est tenue le 25 août, précédant la Semaine Mondiale de l'Eau. Elle a notamment permis de faire le point sur l'activité des différents groupes de travail ainsi que de présenter les expériences des membres du réseau.

Conférence internationale WEDC
Cette conférence annuelle, organisée par WEDC, centre de recherche de l'Université de Loughborough, s'est réunie cette année au Kenya. La conférence avait pour thème « l'action locale et la coopération internationale pour l'amélioration et le développement des services d'eau, d'assainissement et d'hygiène ». Les communications de la conférence sont téléchargeables sur :
www.lboro.ac.uk/research/wedc/conferences


Colette Génevaux
Email:
genevaux@pseau.org

SIWI - Stockholm - Suède
 

Assainissement de type container-based [©Loowatt Ltd, 2018]
 

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