retour imprimer © Lettre du pS-Eau 84 de Oct 2017

Burkina Faso: À Bama, Des groupements villageois en action


Sangouléma : la situation avant le projet [© SES]

Solidarité eau Sud (SES) est une association basée à Aix-en-Provence qui apporte un appui à des communautés rurales du Sud pour des projets relatifs à l'hydraulique. L'intervention à Sangouléma livre ses enseignements.

C'est en fin d'année 2014 que SES a été saisie d'une demande d'assistance émanant de l'association Sauvons l'environnement, l'eau et l'assainissement pour tous (SEEPAT) basée à Bobo-Dioulasso, qui relayait une demande du Comité villageois de développement (CVD) du village de Sangouléma, pour l'accès du village à l'eau et à l'assainissement.

Après quelques échanges « électronico-épistolaires », une mission d'étude en mars 2015 a permis de faire un état des lieux et d'établir un projet. Le village regroupe 3200 habitants dont 1800 pour le bourg principal et 1400 répartis dans 4 hameaux à des distances atteignant 5 km du bourg. Les villageois s'alimentaient jusqu'alors au moyen de puits traditionnels et des puits modernes « à grand diamètre » délivrant une eau de mauvaise qualité. Le centre de santé était doté d'un forage de faible débit équipé d'une pompe Volanta. L'affluence au niveau de ce point d'eau notamment en période sèche, posait de nombreux problèmes et était source de conflits. L'école de 380 élèves ne comportait ni point d'eau moderne, ni latrines. Dans les familles, il n'y avait pratiquement pas de latrines et les habitants pratiquaient la défécation à l'air libre.

La volonté manifeste des villageois de s'impliquer, les capacités du partenaire local SEEPAT dans le domaine de la formation et de la sensibilisation, et l'accompagnement par la commune de Bama ont participé au déclenchement d'un programme d'interventions pluriannuelles. Elle a permis de mettre en route ce projet comportant des forages équipés de pompes à motricité humaine (PMH), des latrines et douches familiales à raison d'un équipement pour 10 personnes, et, pour l'école, un point d'eau moderne et 3 blocs de 3 latrines. Outre ces réalisations, un important programme d'accompagnement a été prévu. Ce projet relativement important a été scindé en deux phases dont la première (2015–2017) est envisagée comme une étape d'amorçage et d'apprentissage.

Celle-ci ciblait 600 habitants des quartiers Nord du village et les 380 élèves de l'école avec 2 forages équipés de PMH et 1 forage équipé de PMH au sein de l'école, 60 latrines et 60 douches familiales, 3 blocs de 3 latrines VIP à double fosse pour l'école, avec le programme d'accompagnement portant sur des actions d'information et de sensibilisation de la population, des formations d'hygiénistes, du comité d'hygiène et de salubrité (CHS), de l'association des usagers de l'eau (AUE) et du club d'hygiène scolaire (club HS), des mesures de renforcement des capacités de maîtrise d'ouvrage de la commune et enfin des mesures de transfert de compétences vers la collectivité locale et vers la société civile.

Le budget de cette première phase de 73 500 euros est financé par la ville de Paris (32%), Grand Lyon (32%), l'Agence des micro-projets (20%), la Commune de Bama (8%), et les villageois sous forme de main d'œuvre valorisée (8%). Les prestations de SES sont assurées par des bénévoles.

Conformément au cadre institutionnel au Burkina Faso, la maîtrise d'ouvrage est assurée par la commune ; SES a assuré la maîtrise d'œuvre du projet avec l'appui de SEEPAT pour le suivi et le contrôle des travaux. Des prestataires ont été mobilisés pour les travaux : un foreur/puisatier, un maçon et un ferronnier sélectionnés sur une consultation restreinte. Les prestations relatives aux mesures d'accompagnement ont été confiées à SEEPAT.
Les villageois sont intervenus comme manœuvres du maçon et pour construire les latrines et douches familiales. Au niveau communautaire, c'est le CVD qui a assuré la mobilisation des intervenants villageois et la coordination de leurs travaux avec ceux des entreprises.

La gestion des financements et les règlements financiers ont été assurés par SES, excepté pour la part de financement assurée par la commune concernant un lot bien identifié qui a été réglé directement au foreur par la commune.

Le projet initial prévoyait l'exploitation de la nappe profonde du sédimentaire ancien. Malgré des investigations géophysiques préalables positives, les deux premiers forages de 130m et 90m n'ont pas apporté le débit minimal contractuel de 600 l/heure. Il s'est avéré que les couches présentes localement étaient très riches en argilites peu fracturées et donc peu productives. Les méthodes d'investigation électriques ont été inopérantes du fait du caractère conducteur des argilites saturées. Il a alors été décidé d'exploiter la nappe d'interface entre les terrains de couverture latéritique et le sédimentaire ancien. Cette nappe était déjà exploitée par des puits existants, mais dans des conditions n'assurant pas la qualité de l'eau du point de vue bactériologique. 3 puits existants ont donc été réhabilités par curage et chemisage en béton des parements, fermeture par une dalle et construction d'une superstructure supportant 2 PMH par puits, mise en place d'un traitement préventif permanent par chloration à la Javel, formation des exploitants pour la mise en œuvre.

Conséquences de ces modifications du projet :
• L'installation de 2 PMH par puits (au lieu d'une PMH par forage) a permis de desservir une population de 1200 habitants au lieu de 600 prévus initialement, ce qui diminuera le volume de travaux pour la phase suivante.
• En revanche, le traitement par chloration est contraignant pour l'exploitation et conduit à un renchérissement du coût de l'eau (3500 F CFA par an et par foyer au lieu de 2500 F CFA).
Pour l'un des puits existants, afin de préserver la continuité du service pendant les travaux et optimiser les équipements créés, on a préféré l'aménager de manière sommaire en le laissant ouvert pour des usages non domestiques et créer un nouveau puits à proximité pour l'eau potable.

Après de nombreux échanges internes et avec les partenaires du projet, le choix s'est finalement porté pour des latrines constituées de superstructures relativement légères posées que l'on pourra déplacer sur de nouvelles fosses lorsque celles en service auront atteint leur niveau maximal de remplissage. Ce choix repose sur le principe d'éviter à tout prix des manipulations de boues pathogènes : la fosse pleine est recouverte d'un bouchon de branches et de terre et abandonnée pendant un délai d'une année au bout de laquelle un arbre peut y être planté.

Les villageois se sont mobilisés pour ces travaux : 60 fosses creusées en une dizaine de jours, fabrication des briques support de la dalle, préfabrication des dalles sous le pilotage du maçon.
En parallèle 60 ossatures métalliques ont été préfabriquées par un ferronnier de Bobo-Dioulasso. Les panneaux les composant ont été livrés sur site. L'entreprise a alors formé les villageois pour le montage et le scellement des ossatures que les villageois ont ensuite recouvertes d'un toit de tôle et habillées de nattes de paille de mil. Tous les matériaux nécessaires ont été fournis aux villageois.

De nombreux enseignements à retenir
L'importance des séances d'information en début de projet, les nombreuses interventions de sensibilisation auprès des villageois et des enfants scolarisés, les coutumes de travaux collectifs, notamment à travers les groupements de production cotonnière (GPC) et l'efficacité de la mobilisation et de la rigueur de la coordination par le CVD ont fait que les travaux à la charge des villageois ont été réalisés rapidement, de manière très satisfaisante, sans le moindre conflit.

Après quelques mois d'exploitation (mise en service au 1er mars 2017), il apparaît que les gestionnaires de PMH, dûment formés et équipés d'appareils de mesure, assurent parfaitement leur mission par des ajustements quotidiens de la teneur en chlore : mesure de la teneur en chlore résiduel, mesure de la hauteur d'eau libre dans le puits, calcul (à l'aide d'un tableau qui leur a été fourni) de la dose de javel à rajouter pour amener la teneur de l'eau du puits à 0,2 mg/litre, ajout de la quantité nécessaire.

Les villageois conscients des risques qu'ils encouraient auparavant se disent satisfaits et rassurés par ce traitement. Le bilan sur 4 mois fait apparaître une consommation d'un bidon de 5 litres de Javel à 12° par mois pour l'ensemble des PMH en place, soit une dépense de 11 000 F CFA par mois.
Le prix de l'eau pour les villageois intègre cette dépense qui vient se rajouter aux coûts d'entretien et de renouvellement. Ainsi, chaque foyer participe pour un montant de 3750 FCFA par an. L'originalité du mode de gestion adopté réside dans le fait que les participations annuelles ne sont pas perçues directement auprès des familles, mais versées par les Groupements de Production Cotonnière auxquels les familles sont rattachées : prélèvement « à la source ».

Simplification des ouvrages
Un retour d'expérience a pu être fait avec les villageois et les entrepreneurs sur les choix mis en œuvre pour les ossatures de latrines : lors de cette première phase, la livraison des ossatures en panneaux a conduit à un doublement des poteaux d'angle. Pour la suite, les cabines des latrines familiales seront livrées montées, ce qui permettra d'économiser un linéaire important de tubes. Les sablières en bois seront également remplacées par des tubes intégrés à la structure métallique. Le ferronnier pourrait aussi fournir des bacs acier prédécoupés à la bonne dimension en usine. Ces dispositions simplifieront le travail des villageois pour un coût sensiblement équivalent. Une deuxième phase (2018–2019) généralisant l'accès à l'eau à l'ensemble du village est maintenant programmée. Elle comportera 3 forages équipés d'une PMH, 2 puits réhabilités équipés de 2 PMH, 1 puits nouveau équipé de 2 PMH, 260 latrines et douches familiales, 2 blocs de 3 latrines VIP à double fosse pour le centre de santé et un programme d'accompagnement équivalent à celui de la première phase.
Lors d'une réunion tenue fin février 2017 avec la Mairie de Bama, il a été en outre décidé que cette deuxième phase serait mise à profit pour développer les capacités des entreprises de la commune et pour former un jeune que la commune s'engagerait à recruter comme technicien municipal. Le montant de cette deuxième phase est estimé à 220 000 euros. Rendez-vous septembre 2018 pour le démarrage des travaux prévu en période de saison sèche où les villageois sont peu occupés par les travaux des champs.


Jean-Yves Dubié
Solidarité Eau Sud
Email:
dubie.jean-yves@orange.fr
Site internet: www.solidarite-eau-sud.fr

Mairie de Bama - Bama - Burkina Faso
SES - Aix en Provence - France
 

Latrine familiale construite par les villageois [© SES]

Un des puits aménagé et équipé de 2 pompes [© SES]

Un des blocs de 3 latrines de l'école [© SES]
 

©Lettre du pS-Eau 84 de Oct 2017

   © pS-Eau 2024