retour imprimer © Lettre du pS-Eau 83 de Jun 2017

Mali: Méthodologie et résultats de l'initiative TrackFin


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Un financement efficace du secteur eau, assainissement et hygiène est essentiel pour la fourniture et le fonctionnement durable des services. La connaissance des financements est lacunaire et insuffisante pour une planification et budgétisation pertinente. Afin de résoudre ce problème, l'OMS et l'Unicef ont lancé l'initiative TrackFin.

Le Mali fait face à de nombreux défis pour atteindre les ODD, notamment l'objectif 6 qui vise un accès universel et durable à l'eau et l'assainissement. Si le secteur WASH a enregistré d'importants progrès dans la mise en œuvre du PROSEA1, en particulier pour l'accès à l'eau potable, des insuffisances demeurent pour l'atteinte des objectifs définis dans les politiques et stratégies nationales, au nombre desquelles la problématique du financement du secteur.
Le gouvernement du Mali s'est donc engagé en avril 2014 à allouer davantage de financements dans le cadre de l'initiative SWA (Eau et assainissement pour tous). Le suivi rapproché des financements s'avère ainsi primordial surtout que la visibilité de la situation est très partielle. L'une des principales difficultés réside dans le fait que le secteur implique de nombreux acteurs, ce qui conduit parfois à des duplications d'interventions ou à un manque de financement probant pour certains sous-secteurs et zones géographiques. L'accès universel va donc nécessiter de s'assurer à ce que les financements permettent d'étendre les services à tous.
Un suivi détaillé et performant des financements s'avère donc une condition essentielle. C'est pour cette raison que le Gouvernement du Mali, avec le soutien de l'UNICEF et de l'OMS, a décidé de mettre en œuvre un suivi du financement du secteur WASH.
L'objectif visé par Trackfin est de développer une méthodologie mondialement acceptée qui permette aux pays d'assurer un suivi du financement du secteur sur la base de classifications types et d'établir un ensemble de comptes et d'indicateurs pour répondre à quatre questions fondamentales :
• Quel est le montant total des dépenses ?
• Comment les fonds sont-ils répartis entre les différents services WASH et par types de dépenses ?
• Qui paye pour les services WASH ?
• Quelles sont les principales entités qui canalisent les financements du secteur WASH et quelle est leur part du total des dépenses ?

Cette approche a été appliquée avec succès en 2013/2014 au Brésil, au Ghana et au Maroc. le Mali étant le 4e pays à la conduire.

Organisation du processus et portée de la première phase
L'initiative TrackFin est portée par la CPS-SEEUDE2, en coordination directe avec la Direction nationale de l'hydraulique (DNH) et la Direction nationale de l'assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN).
Pour appuyer le processus, deux comités ont été mis en place : Le comité de pilotage, qui détermine les orientations politiques et stratégiques, et le comité technique, cadre opérationnel qui contribue à la collecte et l'analyse des données. Enfin, l'équipe s'appuie sur les institutions disposant de données financières. L'UNICEF et l'OMS ont apporté un soutien technique et financier qui sera poursuivi lors de la 2e phase.

Étant donné que le secteur est vaste, il a été décidé dans cette première phase de limiter le périmètre de l'étude et de se focaliser sur les sous-secteurs de l'eau potable, de l'assainissement des déchets liquides et des déchets solides et du développement institutionnel, et de couvrir les années budgétaires de 2012 à 2014.

La gestion intégrée des ressources en eau, l'hygiène et le WASH dans les centres de santé et les écoles seront traités dans d'autres phases de TrackFin, processus qui s'inscrit dans la durée.

Quel est le montant total des dépenses du secteur WASH ?
L'analyse des données disponibles montre un total de dépenses allant de 45 milliards de F CFA en 2012 à 82 milliards de F CFA en 2014, avec une croissance continue de 63% depuis 2012. Les dépenses annuelles par habitant sont passées de 2781F CFA en 2012 à 4735F CFA en 2014. A titre de comparaison, ces dépenses étaient de 24 435FCFA au Ghana en 2014.
L'importance de cette progression est cependant à modérer du fait que l'année 2012 a été marquée par une baisse considérable des activités du fait de la situation de crise. Il ressort également que la part des dépenses WASH par rapport au PIB (1,73% en 2014) est bien inférieure au secteur de la santé (7%).

Comment les fonds sont-ils répartis entre les différents services WASH et selon les types de dépenses ?

Le secteur de l'eau bénéficie de la plus grande part du financement du secteur (81% en 2014) et a pu profiter d'une importante croissance au cours de la période (82%). Il est cependant important de prendre en compte qu'une grande partie des données de l'assainissement n'était pas disponibles ou n'ont pu être prises en considération du fait du manque de désagrégation. Les dépenses d'appui institutionnel représentent une part non négligeable (9% en 2014) et ont été doublées sur la période.
Il existe d'importantes disparités entre régions, avec Bamako bénéficiant de la plus grande part des financements (42% en 2014) en grande partie dû à la construction de la station de Kabala, de stations compactes d'eau potable et du dépôt final de déchets solides de Noumoubougou. Les régions du Nord sont les moins bien pourvues. Cependant la répartition entre mulieu urbain et rural pour l'eau potable est relativement équitable. L'assainissement liquide en milieu rural semble par contre bénéficier de plus du double des financements par rapport à l'urbain.

Qui paye pour les services WASH ?

En 2014 les principaux acteurs finançant le secteur sont les usagers à hauteur de 37%. Viennent ensuite, les partenaires techniques et financiers qui représentent 36% à travers les transferts publics internationaux (subventions : 29%) et les financements remboursables (prêts : 7%). Les transferts publics nationaux provenant du Gouvernement s'élèvent à 23% et étaient destinés aux autorités nationales (21%), régionales (1%) et locales (1%). Les ONG ne représentent actuellement que 4%.


À quoi sont destinées les dépenses ?
Il a été souvent difficile d'identifier la destination des dépenses et de désagréger les données reçues par catégories de coûts. Une part importante de données n'a ainsi pu être affectée (42% en 2014). Les dépenses connues ont été désagrégées en dépenses d'investissement et autres dépenses. La part des investissements sur la période est passée de 9,5 milliards en 2012 à 37,9 milliards en 2014, représentant 46% du total des dépenses en 2014 et étant majoritairement destinée au secteur de l'eau. La première phase de l'initiative TrackFin a permis de mettre en évidence un certain nombre d'enseignements :
• Renforcer le suivi financier du secteur. S'il a été possible d'obtenir un grand nombre de données financières au cours de cette première phase, un travail reste à conduire pour combler certains gaps, en particulier pour l'assainissement. Il s'avère nécessaire de renforcer le suivi financier du secteur et de désagréger davantage les données à travers des échanges avec les acteurs concernés et le développement de modalités de centralisation des données.
• Accroître les financements du secteur. Les financements pour le secteur se sont fortement accrus sur la période. Cependant, les investissements restent en deçà des objectifs visés dans le cadre des OMD et les dépenses totales annuelles du secteur WASH par habitant demeurent assez faibles par rapport à d'autres pays. Il est à noter que les usagers des services s'avèrent être les principaux contributeurs du secteur.
• Réduire les disparités entre sous-secteurs et zones géographiques. Le sous-secteur de l'eau potable est mieux doté que les sous-secteurs de l'assainissement. De plus, de grandes disparités existent au niveau géographique : leur réduction doit passer par un renforcement de l'ensemble des financements plutôt qu'une redistribution des ressources actuelles qui demeurent trop faibles.
• Poursuivre et renforcer la programmation et ajuster les financements en conséquence dans le cadre du PROSEA 2 et de l'intégration des ODD. Étant donné que les ODD sont encore plus ambitieux que les OMD, il sera nécessaire de mobiliser davantage de financement dans les prochaines années, et d'en assurer une équitable répartition régionale. Le suivi du PROSEA 2 passera également par un suivi financier rapproché à travers TrackFin.
• Accroître les transferts publics nationaux. Malgré des progrès importants dans les contributions de l'Etat au cours de la période, les financements accordés à l'eau et l'assainissement demeurent assez loin des engagements internationaux de l'Etat.
• Mobiliser de nouveaux financements de la part des partenaires. L'atteinte des ODD ne sera possible qu'à travers un renforcement des partenariats avec des PTF, ONG, associations de ressortissants et la coopération décentralisée pour appuyer le développement du secteur.

La seconde phase de l'initiative TrackFin, va consister à approfondir la collecte de données, à combler dans la mesure du possible les gaps d'information identifiés au cours de la phase initiale, à concevoir des modalités d'estimations lorsque les données n'existent pas et mettre à jour les résultats de l'analyse sur la base des nouvelles données récoltées. Les étapes et actions à conduire vont s'articuler autour des principaux points suivants :
• Compléter la collecte et affiner les données pour les années comptables 2012 à 2015, à travers une coordination renforcée avec les acteurs concernés, et collecter les données pour 2015. L'analyse portera ainsi sur la période 2012 à 2015.
• Étendre le périmètre du suivi et prendre en compte les financements et les dépenses dans les sous-secteurs de l'hygiène, de la gestion intégrée des ressources en eau et du WASH dans les centres de santé et les établissements scolaires.
• Plusieurs activités et études seront conduites pour renforcer la collecte des données, notamment avec et auprès des institutions n'ayant pas participé à la première phase.

1 Programme Sectoriel Eau et Assainissement
2 Cellule de Planification et de Statistique – Secteur Eau, Environnement, Urbanisme et Domaine de l'Etat.

Comparaison des dépenses de l'État dans le secteur par rapport aux engagements SWA
Lors des engagements pris en 2014 à la réunion de haut niveau sur l'initiative Assainissement et eau pour tous (SWA), le ministère de l'Économie et des Finances du Mali s'est engagé à allouer, à partir de 2015, au moins 5% du budget national à l'Assainissement et à l'Eau.
Cependant, la part des dépenses pour l'eau et l'assainissement dans le budget national n'était que de 1,14% en 2013 et de 1,22% en 2014, ce qui reste assez éloigné des engagements prévus pour 2015.

Comparaison des dépenses d'investissement dans l'eau potable par rapport aux prévisions 2005-2015
La DNH a adopté en 2004 un Plan national d'accès à l'eau potable (PNAEP) qui prévoyait la réalisation et la réhabilitation de points d'eau. Ce plan estimait les besoins d'investissement à environ 400 milliards de FCFA sur la période 2005 – 2015, soit une moyenne de 40 milliards par an.
Les résultats de cette première phase font apparaître des investissements pour le secteur de l'eau de 8,6 milliards en 2012, de 20,1 milliards en 2013 et de 35,5 milliards en 2014. Ainsi le déficit cumulé pour les trois années s'élève à 55,8 milliards, ce qui représente 46,5% des besoins pour trois années de programmation du PNAEP. Cette situation déficitaire s'est clairement traduite ces dernières années par une stagnation du taux d'accès.


Didier Allély
Consultant Eau, Assainissement, Hygiène et Santé
Email:
deallely@bluewin.ch

- Genève - Suisse
DNACPN - Bamako - Mali
DNH - Bamako - Mali
 

Évolution des dépenses WASH au cours de la période en Millions FCFA
 

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