retour imprimer © Lettre du pS-Eau 82 de Dec 2016

Niger: Eau facteur de paix


[© Sylvie Chappaz]

À travers un programme intégré de lutte contre la pauvreté, l'association Les Puits du Désert accompagne la consolidation de la paix par l'accès à l'eau et participe à la réduction de la vulnérabilité par l'agriculture adaptée.

Dans la vallée de Tidène, région d'Agadez, comme dans beaucoup de zones du Niger, la population est particulièrement vulnérable aux aléas climatiques (inondations, avancée du désert, invasion de criquets, etc.). De par sa position géographique, cet espace est aussi à la croisée de conflits internes et sous régionaux récurrents. La région a ainsi été l'un des principaux foyers de rébellions Touaregs (2008/2010). Si les accords de paix ont apporté un certain calme, la réduction de la pauvreté se fait attendre. La faiblesse de l'activité économique a laissé inactifs les combattants ayant déposé les armes, rejoints récemment par les exilés qui s'étaient engagés dans l'armée libyenne. Beaucoup ne subsistent que grâce aux liens de solidarité traditionnelle. Pour éviter la reprise des armes et le risque de radicalisation de la jeunesse par la pauvreté « Les Puits du Désert », qui intervient au Niger depuis 14 ans a mis en place un programme de « sécurité et développement » pour les populations nomades et sédentaires défavorisées.

L'intervention ciblée sur la commune de Tchirozérine dont la première phase (2013–2017) est en cours d'achèvement, avait pour but d'améliorer l'accès à l'eau, de réduire les maladies hydriques, renforcer la scolarisation, assurer la réinsertion socioéconomique des ex-combattants par l'encadrement d'activités maraichères.

À cet effet, dans 5 villages isolés, 5 puits villageois et 20 puits maraîchers ont été construits et supervisés par la Direction régionale de l'hydraulique.
Des mesures d'accompagnement destinées à la gestion pérenne des équipements ont été mises en place. Chaque puits villageois est doté d'un comité de gestion qui recueille les cotisations (entre 5€ et 10€ par an/famille) pour assurer la maintenance et les réparations des installations. Les membres de ce comité sont élus par la population et ont reçu une formation appropriée (règles d'accès équitable, surveillance et entretien, modalités d'alerte en cas de problème majeur, hygiène). Ils sont, en cas de besoin, épaulés par la Direction régionale de l'hydraulique, qui vérifie tous les 3 mois la qualité de l'eau.

Des formations en maraichage et arboriculture pour les ex-combattants attributaires des parcelles ont également été assurées. Enfin, des formations de formateurs relais à l'hygiène et à l'assainissement pour les enfants et les femmes de la zone ont été conduites par les agents de santé, et réalisées par groupement de villages. Ainsi, plusieurs sessions ont été proposées et leur contenu adapté en fonction du public ciblé (femmes, chef de village, instituteurs).

Des contraintes inattendues

L'apparition de l'or dans la région d'Agadez a eu un impact négatif sur le programme. Certains bénéficiaires ayant abandonné les jardins au profit de la quête de l'or. Les séances de formation ont du être reconduites pour de nouveaux jardiniers qui ont bien compris que la culture permet plus sûrement de nourrir sa famille et d'obtenir des revenus que l'hypothétique fièvre de l'or. Autre contrainte, de nature agronomique. Certaines variétés d'arbres, affectées par des maladies, n'ont pas tenu. Ces plants ont été remplacés par des variétés d'agrumes plus adaptées des oasis de la région.

Au final, c'est près de 12 000 personnes qui, à moins de 5 km de leur campement, ont accès à une eau potable de qualité ; plus de 500 personnes bénéficient directement des produits issus des jardins irrigués; plus de 60 personnes ont été formées à l'arboriculture, à l'agriculture et vivent de ce nouveau métier avec des revenus multipliés par 10 ; une nouvelle coopérative de la vallée commercialise désormais les produits maraichers sur divers marchés de la sous région ; c'est enfin une alimentation diversifiée avec des fruits et légumes variés. Sur le plan sanitaire, la diminution des maladies hydriques est constatée.

Enfin, l'impact en termes de sécurité de la zone semble aujourd'hui réel. Depuis 2013, aucun acte de banditisme n'a été relevé.
Fort de cette réussite, une 2e phase du projet (2016–2019) a démarré dans 5 nouveaux villages de la commune et une extension à une autre vallée de la sous région est d'ores et déjà en préparation. Des associations touaregs du Nord Mali souhaiteraient à leur tour dupliquer cette initiative pour pacifier et calmer de cette région toujours sous tension.


Partenaires techniques :
l'Ong nigérienne Tidène assure la mise en œuvre en lien avec les populations, la commune de Tchirozérine et la Direction régionale de l'hydraulique d'Agadez. L'association des ex-combattants de l'Aïr qui est l'interface entre les ex-combattants, bénéficiaires des jardins maraîchers et l'ONG Tidène et qui veille au respect des engagements de consolidation de la paix ; l'Amenokal (chef de groupement des touareg Ifoghas); les Mamans du soleil (volet santé).

Et financiers :

Projet financé par l'Agence française de développement (AFD), le fonds Suez initiatives, l'Agence de l'eau Adour Garonne, la Communauté urbaine de Bordeaux, Areva, et les pompes KSB.


Vanessa N'Diaye
Les Puits du Désert - Le Grand Bornand
Email:
ndiaye_vanessa@yahoo.fr
Site internet: www.lespuitsdudesert.org

Commune de Tchirozerine - Tchirozerine - Niger
Les puits du désert - Le Grand Bornand - France
 
 

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