retour imprimer © Lettre du pS-Eau 80 de Mar 2016

Togo: A Agbodjinou, Eau potable, hygiène et assainissement pour tous


Un des deux blocs de quatre latrines installées à Agbodjinou, lors de leur inauguration début 2014. [© HSF]

Suite à la demande de la commune d'Agbodjinou, l'Association togolaise de lutte contre le paludisme (ATLP) et Hydraulique sans frontières (HSF) ont mené un projet d'approvisionnement en eau potable comportant l'amélioration des comportements en matière d'hygiène et la construction de latrines. Avec l'aide des villageois, mission réussie.

Classé au 166e rang sur 187 de l'indice de développement humain en 2014 (IDH – PNUD 2014), le Togo est un des pays les plus touchés par la pauvreté. Sortant d'une longue crise sociopolitique, plusieurs chocs exogènes résultant des crises mondiales et des inondations liées aux changements climatiques l'ont particulièrement affecté ces dix dernières années. Selon l'Etat togolais, le taux d'accès des populations rurales se limitait en 2007 à 30  % pour l'eau potable et à 10  % pour l'assainissement de base. Malgré les difficultés d'organisation et l'inachèvement de la décentralisation qui ont entraîné des problèmes de gestion et de suivi, un Code de l'eau ainsi que des programmes souscrivant aux OMD ont vu le jour en 2010. Leur mise en œuvre tarde à se concrétiser.

L'amélioration de la desserte en eau potable des populations rurales et périurbaines implique la réhabilitation des infrastructures existantes, la construction d'équipements et une gestion plus efficace des services d'approvisionnement et des ressources en eau. L'objectif est aussi que le développement économique local passe progressivement par les usagers, qui deviendraient les véritables décideurs et gestionnaires de leurs ouvrages. C'est dans cette logique qu'HSF s'est impliqué dans le projet d'Agbodjinou (1 700 habitants) situé à 70 km à l'est de Lomé, dans la préfecture d'Aného.

Suite à la demande de ses populations, la commune est à l'origine d'une requête auprès de l'Association togolaise de lutte contre le paludisme (ATLP), basée à Lomé. A son tour, celle-ci a sollicité l'association Hydraulique sans frontières (HSF) pour la mise en place d'un réseau d'alimentation en eau potable et d'un équipement sanitaire. Partie-prenante, les villageois ont spontanément proposé d'héberger les bénévoles d'HSF et d'effectuer gracieusement le nettoyage du terrain avant et après les travaux.

En octobre 2012, une convention est signée entre HSF et ATLP. HSF est maître d'œuvre sur l'ensemble du projet. En qualité de partenaire local, ATLP est en charge du volet sensibilisation, de l'organisation du futur comité de gestion et du dépôt de ses statuts au ministère de l'Hydraulique togolais. Le coût du projet, initialement prévu à 45  000 € a finalement atteint un montant moindre (39 000 €), réuni grâce à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, le syndicat intercommunal des eaux de la Dhuy, le syndicat intercommunal de la région grenobloise, le conseil général de l'Isère et la société Grundfos. La maîtrise d'ouvrage est déléguée à la communauté bénéficiaire et les compétences aux comités de développement villageois.

Après étude, le projet a concrètement commencé en octobre 2013, avec la formation et la mise en place d'un comité de gestion de l'eau constitué d'un secrétaire général, d'un trésorier et d'une conseillère. En novembre 2013 démarraient les actions de sensibilisation de la population, avec l'appui d'un représentant de l'hôpital d'Aklakou et le major du dispensaire d'Avévé, les structures les plus proches. Plusieurs réunions ont été organisées dans le village et dix personnes ont été formées durant trois jours aux règles d'hygiène, à la protection des ouvrages et aux dispositions à prendre en cas de choléra. Ajoutons l'organisation régulière de formations aux outils de gestion.

Un village modèle

La réalisation du forage, avec tubage, essais de pompage, pose de la pompe et construction de la margelle, a duré de décembre 2013 à février 2014. Deux blocs de 4 latrines sèches ont été également construits. Leur implantation a été décidée par les villageois en fonction de la répartition des habitations. Compte tenu de leur dispersion, un raccordement au forage n'a pas été possible. Chaque bloc comporte 2 fosses étanches et aérées, remplies au sixième environ. Attribuée par le comité de gestion à raison de 5 familles par cabine, chaque cabine est cadenassée. La vidange des latrines est programmée par le comité de gestion, qui contrôle leur entretien par les usagers. Une mission de suivi a constaté leur bon état. L'installation du cubitainer de 50 l, prévu pour le lavage des mains à proximité de chaque bloc, sera bientôt intallé.

Le prix de l'eau a été décidé en concertation avec la population et le comité de gestion de l'eau. La cotisation mensuelle, fixée à 300 CFA, est adaptée aux moyens des ménages les moins aisés, qui composent la majorité de la population. Très actif, le comité de gestion se réunit deux fois par mois. La conseillère, qui a un rôle de sensibilisation auprès des femmes, transmet les contestations et les suggestions.

Pour Agbodjinou et quelques villages alentours, les impacts de ces actions se mesurent à plusieurs aspects : la qualité de vie des villageois, la santé et la gestion communautaire. La santé en premier lieu. Le système de santé au Togo est faible. Le manque de structures de soins en milieu rural et l'absence de sécurité sociale pour les non-salariés entraîne de grosses disparités entre les ménages les plus riches et les plus pauvres. Compte tenu du prix de la consultation et des médicaments, les plus démunis s'abstiennent le plus souvent de consulter un médecin et recourent à la médecine traditionnelle ou religieuse.

Depuis la fin des travaux, des relevés réalisés par le responsable du dispensaire d'Avévé (une commune proche d'Agbodjinou) atteste de la disparition des consultations liées aux maladies hydriques.

Les femmes en sont les premières bénéficiaires. Au lieu de consacrer quotidiennement deux heures à s'approvisionner en eau, elles n'y passent plus que 5 à 10 minutes. Ce gain de temps leur permet de se consacrer davantage aux travaux agricoles et domestiques. Le résultat le plus symptomatique est la fabrication d'huile de palme. Elles produisent aujourd'hui 120 bols par jour contre 10 bols avant les travaux. Des activités artisanales sont également développées qui procurent des revenus complémentaires grâce à la vente sur les marchés alentours.

Les enfants ne participent plus à la corvée d'eau du matin, ne souffrent plus de maux de ventre, diarrhées et autres symptômes liés aux maladies hydriques. Moins fatigués, ils sont plus assidus à leurs travaux scolaires. Les hommes constatent de leur côté la disparition de leurs dermatites liées à l'eau du fleuve Mono dans laquelle ils se lavaient. Du fait de son faible coût, désormais ils utilisent l'eau pour l'irrigation des cultures.

Enfin, un réel changement de l'organisation communautaire s'est produite depuis la fin des travaux. La formation du comité de gestion de l'eau a susciter des discussions et le projet d'eau potable a permis aux villageois de constater qu'ils pouvaient s'organiser pour mener à bien d'autres projets, d'électrification et de pisciculture par exemple.

Agbodjinou est devenu un village témoin dans la zone en termes d'organisation villageoise, ce qui entraîne de nombreuses sollicitations de villages voisins. Tel est le contact de l'équipe HSF à Agbodjinou, 18 mois après la fin des travaux.

Avévé, où se trouve le dispensaire le plus proche d'Agbodjinou, ne dispose pas encore d'équipement d'accès à l'eau potable. Ses 3100 habitants seront prochainement accompagnés par HSF pour que les maladies hydriques disparaissent également des statistiques de ce village.


Françoise Mascaro
Email:
francoise.mascaro@hydrauliquesansfrontieres.org

ATLP - Lomé - Togo
Commune de Agbodjinou - Agbodjinou - Togo
HSF - Chambéry - France
 

L'approvisionnement en eau potable, une amélioration considérable des conditions de vie des villageois. [© HSF]
 

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