retour imprimer © Lettre du pS-Eau 79 de Dec 2015

Mali: Région de Kayes, Une mobilisation intercommunale renforcée par la diaspora


[© ACDS]

En France, l'ACDS (Association des communes du Diombougou et Séro-Diamanou) fédère six associations des ressortissants de ces communes. Au Mali, le comité de pilotage des communes du Diombougou (CPCD) est un organisme de coopération intercommunale qui réunit les six mêmes communes. Depuis 2009, l'ACDS et le CPCD unissent leurs efforts pour assurer aux habitants de chacun des villages de ce territoire un accès à l'eau potable et à des conditions d'hygiène satisfaisantes. Une bénéfique initiative de mutualisation.

L'ACDS est née en 2007 en France à l'initiative des membres de six associations communales du Diombougou, en vue de mieux répondre aux besoins des populations de leur région d'origine, en fédérant leurs moyens selon un principe de solidarité pour des projets d'envergure. Elle s'appuie sur les outils de démocratie locale que sont les communes rurales créées par l'Etat en 1999 par regroupement des villages, et l'intercommunalité pilote du Diombougou, créée un an plus tard.

Après un premier projet intercommunal de construction de deux barrages de rétention des eaux de surface en faveur du maraîchage, les associations de l'ACDS se sont mobilisées sur un enjeu prioritaire : éradiquer l'absence de points d'accès à une eau de qualité pour les villageois. Cette mobilisation s'inscrit dans la politique hydraulique malienne qui désigne comme norme un point d'accès à l'eau potable pour 400 habitants et le principe de la responsabilité des communes vis-à-vis de la gestion des ressources et des équipements.

La priorité de l'ACDS et du CPCD vise à répondre à la persistance de situations où les villageois ne disposent que de puits anciens insalubres et asséchés une partie de l'année. Ainsi, en 2009 et 2010, l'ACDS a d'abord listé, par le biais des associations communales membres sur place, une vingtaine de villages prioritaires nécessitant la réalisation de forages équipés de pompes à motricité humaine. Le projet fixé en 2010 comprend 18 forages, deux puits à grand diamètre, 6 blocs de latrines et aires de lavage et un important programme de formation et d'appui aux structures communales chargées de l'eau et de l'assainissement (2009-2011). Son coût global prévisionnel est alors évalué à 387 000 €.

S'adapter aux réalités
Soutenue dès le départ par le pS-Eau, la recherche de financements a abouti au soutien financier de plusieurs partenaires (Alianza por el agua,Fondation Abbé Pierre, Fondation Adoma, Coallia), sans réunir toutefois l'intégralité du budget. Est alors apparue cette évidence : la nécessité de démontrer la crédibilité du dispositif de maîtrise d'ouvrage basé sur la mobilisation et les compétences réunies par l'ACDS en France et le CPCD au Mali.

L'urgence de nombreuses situations villageoises imposait par ailleurs de démarrer le projet sans attendre de réunir l'ensemble du budget prévisionnel. En 2011, le projet a donc été découpé en tranches opérationnelles limitées chacune à environ 50 000 €, plus facilement pris en charge par les financeurs publics sollicités. Cette stratégie s'est avérée payante. Elle s'est matérialisée par la confiance du Fonds Eau du Grand Lyon(1) en 2011, puis du conseil régional d'Ile-de-France en 2012, de la mairie de Paris en 2013, de l'Agence des microprojets et du PRAOSIM en 2015.

Parallèlement et progressivement, le projet a donc été mis en œuvre :
- première tranche de 6 forages et actions d'accompagnement social en 2012,
- deuxième tranche de 8 forages et plan d'actions en faveur de l'hygiène et de l'assainissement en 2013,
- troisième tranche en 2014-15 comprenant 6 puits modernes à grand diamètre réalisés, un autre prévu ainsi que deux derniers forages déjà financés en cours de préparation.

Au fur et à mesure des réalisations, le projet a évolué, du fait en particulier de difficultés techniques rencontrées et des demandes des financeurs attentifs au bilan des phases successives. Sur deux villages prioritaires, la campagne de forages a échoué, par manque d'eau même à grande profondeur. Avec l'accord du financeur, le creusement de puits modernes à grand diamètre tenté début 2015 a pleinement réussi.

Grâce aux gains acquis par des dépenses inférieures aux budgets prévisionnels inscrits aux conventions de financement ont permis, il a même été possible, avec l'accord des financeurs, de compléter les programmes soutenus respectivement par le Grand Lyon, le conseil régional d'Ile-de-France et la mairie de Paris. Cette souplesse a facilité le renforcement du projet en faveur de l'hygiène et de l'assainissement, notamment avec des formations à l'élaboration de plans d'actions par village et des chantiers école pour la réalisation de puisards dans les concessions familiales. Elle a permis de démultiplier les ouvrages, notamment les puits à grand diamètre.

Une démarche mobilisatrice
Du fait de leur rigueur dans le bon emploi des fonds, l'ACDS et le CPCD dénombrent aujourd'hui 21 points d'accès à l'eau potable, réalisés dans les villages répartis sur les 6 communes. Une action systématique de formation et de renforcement des moyens de gestion villageoise des ouvrages, et un plan d'action intercommunal en faveur de l'hygiène et de l'assainissement ont été conduits. Le budget global actualisé représente 284 K€, financés à 17 % par les cotisations des membres de l'ACDS.

Du bilan tiré aujourd'hui de cette démarche ressort principalement la satisfaction d'avoir transformé la vie quotidienne de ces 21 villages, en démontrant l'efficacité du partenariat construit entre l'ACDS et le CPCD. Le succès de ce partenariat tient pour une part à la conjugaison d'atouts. Ceux de l'ACDS : détermination, mobilisation militante et financière des associations communales de la diaspora, capacité à réunir des soutiens externes en France. Et ceux du CPCD : pertinence de l'outil de coopération intercommunal au Mali. Une bonne répartition des rôles entre les partenaires, et un partage des responsabilités et décisions à tous les stades ont également concouru au succès de ce partenariat qui a avancé « avec ses deux jambes ».

Au Mali le CPCD assure, pour le compte des communes, la maîtrise d'ouvrage groupée des travaux et des actions de formation. En France, l'ACDS se charge de la mobilisation et de la gestion des financements (cotisations, aides privées et publiques), des relations avec les partenaires, de la communication. Grâce à un contact permanent et des déplacements périodiques des responsables de l'ACDS au Mali et de ceux du CPCD en France, l'information sur l'avancement des actions, les difficultés rencontrées, les décisions à prendre ont fait l'objet d'échanges constants quant à la conception du projet, son organisation en tranches opérationnelles, l'écriture des cahiers des charges, le choix des prestataires entreprises et maîtrises d'œuvre technique et sociale, l'évaluation des travaux, les décisions de règlement.

Le comité de pilotage du projet, constitué par le président du CPCD (maire de l'une des communes), le vice-président de l'ACDS, les représentants de l'administration et des entreprises, a résolu efficacement différentes difficultés de mise en œuvre, notamment au début du projet. La réussite tient également à l'appui des experts que les deux partenaires ont mobilisés, au secrétaire exécutif du CPCD, aux prestataires maîtres d'œuvre au Mali, au pS-Eau en France et aux conseillers bénévoles de l'ACDS en charge notamment de la constitution des demandes de financements et des rapports aux bailleurs de fonds.

Outre le renforcement du maillage des points modernes d'accès à l'eau potable, le plan d'actions en faveur de l'hygiène et l'assainissement a également connu un certain succès avec, comme trace la plus visible, la réalisation de blocs de latrines publiques au centre des six villages chefs lieux communaux. Les communes se sont d'autant plus approprié ces équipements que le choix de leur implantation et de leur mode de gestion a résulté de nombreux débats et consultations, conduisant aujourd'hui à des demandes de démultiplication.

Chaque village s'est doté d'un plan d'action et un comité « hygiène et assainissement » veille au nettoyage régulier des espaces publics et à la gestion des déchets. Les chantiers-école de construction de puisards pour les eaux usées des concessions familiales connaissent également un certain succès, avec cette limite à leur extension, due à l'empierrement dans les villages éloignés.

Anticiper de nouveaux enjeux

Des questions demeurent. La jeunesse et la faiblesse de moyens des communes rurales, responsables de la gestion de l'eau et de l'assainissement selon la loi malienne, compliquent l'exercice des missions de coordination, de contrôle, d'appui technique aux comités d'usagers villageois pour la bonne gestion et l'entretien des installations. Le programme de formation des structures communales, inscrit dans le projet du CPCD/ACDS, nécessite d'être prolongé dans la durée, dans un contexte de croissance des villages et des besoins, et de dispersion des initiatives.

C'est là, un autre élément de bilan. Cinq ans après le recensement des besoins à l'origine du projet, la réalité évolue en permanence. D'un côté l'usure des premières réalisations et la croissance démographique produisent de nouvelles situations critiques. D'un autre côté surgissent d'autres initiatives ponctuelles : puits, forages, développement de réseaux d'adduction. La question de l'accès à l'eau potable et de l'assainissement s'ouvre à de nouveaux enjeux comme celui du développement des installations, et plus que jamais celui de la coordination des initiatives et du renforcement des compétences en matière de gestion.

Au moment où l'achèvement du programme lancé en 2009 approche, où la tenue prochaine des élections municipales, plusieurs fois reportées en raison de la situation du pays, est maintenant fixée en 2016, l'ACDS réfléchit aux priorités pour de nouveaux engagements et à son positionnement, avec la diaspora aux côtés des structures communales du Diombougou.


(1): Financement paritaire de la métropole lyonnaise et de Veolia Lyon.


Yves Burgeat et Sadio Diakité
ACDS Association des communes du Diombougou et Séro Diamanou
Email:
acds07@gmail.com

Barka Fofana
• Comité de pilotage des communes du Diombougou
Email: barkafofana@yahoo.fr

ACDS - Paris - France
CPCD - Diombougou - Mali
 

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A l'accroissement conséquent du nombre de points modernes d’accès à l’eau potable, s'ajoute un plan d’actions également important en faveur de l’hygiène et de l’assainissement [© ACDS]
 

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