retour imprimer © Lettre du pS-Eau 78 de Aug 2015

Madagascar: Un pays aux sources difficiles d'accès


Le transport, par les villageois, du sable, du gravier et des canalisations, représente un effort considérable du fait de la distance et des forts dénivelés. [© SEM]

Solidarité Entraide Madagascar (SEM) est une association qui s'est structurée au fil de ses interventions. Présente depuis 1995 dans des villages isolés de la côte est de Madagascar, son équipe a développé une expertise pour mieux répondre aux enjeux de développement et aux besoins des habitants.

Madagascar figure parmi les pays les plus pauvres du monde, avec 92 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. De fait, le taux d'accès aux sources d'approvisionnement à l'eau potable n'atteint pas les 40 % et l'écart entre le milieu urbain et milieu rural est significatif : respectivement 87,7  % contre 29,1  %. Concernant l'accès aux toilettes, seuls 7,1  % de la population malgache a la possibilité d'en utiliser, avec un écart également important entre les milieux urbain (24,7  %) et rural (3,6  %).

Dans la région de Vatovavy-Fitovinany, et plus précisément dans les districts de Mananjary et de Nosy Varika, les villages y sont particulièrement difficiles d'accès du fait du relief accidenté et du mauvais état des pistes, régulièrement détruites par les pluies abondantes et autres catastrophes naturelles. De nombreux villages ne sont accessibles qu'en deux-roues ou à pied. La corvée d'eau, assurée quotidiennement par les femmes et les enfants, est particulièrement pénible. Dans cette région où seuls 8 % de la population accède à de l'eau potable, les villageois s'approvisionnent aux eaux de surface polluées et porteuses de maladies hydriques, l'une des principales causes de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans (taux de mortalité infantile à Madagascar : 56 ‰).
Par la mise en œuvre de ses projets Eau-Hygiène-Assainissement (EHA), SEM vise donc à améliorer les conditions de vie des populations vivant en brousse, aussi bien en termes de santé que de développement.

Autonomie, santé et développement
Les prémices de l'action de SEM commencent dans le village d'Ambodirafia, suite à un cyclone dévastateur en 1990. Gâce à l'aide de Solidarité Entraide Ma-dagascar (SEM), association créée en 1990 par Albert Lammert, sa famille et ses amis, les habitants de ce village disposent aujourd'hui d'une école et d'un accès à l'eau potable. Face à ces évolutions, les villages voisins ont à leur tour rapidement sollicité l'aide de l'association.
SEM n'intervient aujourd'hui qu'à la demande des villages. La mobilisation des habitants est l'une des premières conditions pour entamer un projet. Leur implication dans la construction assure la pérennité des systèmes d'adduction d'eau potable (AEP) et la réduction de comportements à risques.

Dans la région, les sources d'eau potable sont peu nombreuses et trop souvent difficiles d'accès. L'équipe recherche les sources les plus proches du village, et en altitude, une condition favorable au système d'adduction d'eau gravitaire. La taille et l'emplacement d'un bassin-réservoir sont déterminés après mesures sur le terrain. Les choix techniques – nombre de bornes-fontaines, latrines collectives, lieux d'implantation des infrastructures – sont décidés avec les villageois afin de répondre au mieux à leurs besoins. Les zones de captage, qui doivent être protégées et reboisées, sont généralement situées sur des terres appartenant à un propriétaire privé avec lequel un contrat doit être signé. Il est donc très important que tout le village adhère au projet.
Les principales missions des villageois durant le chantier sont le transport du sable et du gravier jusqu'aux lieux de construction. Cette tâche représente un effort considérable compte tenu de la distance, des forts dénivelés et de la difficulté d'accès à des terrains accidentés. Ces matériaux sont transportés à pied, aucun véhicule motorisé ne pouvant y accéder. Les villageois travaillent également à l'enfouissement des tuyaux dans une tranchée profonde de 70 cm, ce qui sollicite une forte main-d'œuvre en fonction de l'éloignement entre la source, le bassin-réservoir et le village.

Jusqu'en 2014, 74 villages ont ainsi bénéficié d‘infrastructures adaptées à leur propre contexte : nombre d'habitants, étendue du village, débit de la source, besoins en eau, etc.
Mais l'action de SEM ne s'arrête pas à la construction : la sensibilisation à l'hygiène est un volet important des projets. En plus d'actions à l'attention de tous les villageois, des sessions de formation sont spécifiquement destinées aux femmes. Certaines sont nommées chefs de borne-fontaine afin de les responsabiliser face aux enjeux de l'assainissement dans leur village et d'assurer une sensibilisation continuelle auprès des habitants. Des animations sont également organisées dans les écoles afin de diffuser les pratiques élémentaires d'hygiène aux enfants. En parallèle, l'association construit des latrines démonstratives qui ont pour but de promouvoir l'assainissement privé avec des moyens techniques simples et accessibles à tous.

Afin d'assurer l'autonomie des populations dans la gestion du réseau d'AEP, SEM forme et accompagne, dans chaque village, un comité de l'eau qui a pour mission d'assurer la maintenance des infrastructures et la pérennité de l'alimentation en eau potable. Au cours des formations à la gestion et à la réparation des ouvrages, chaque comité de l'eau perçoit une boîte à outils contenant le matériel indispensable. Deux artisans réparateurs sont désignés pour assurer la maintenance.
Les boîtes à outils ne sont livrées que lorsque les villageois se sont acquittés de leurs premières cotisations. Cette contrainte a pour but de favoriser la participation et de renforcer la responsabilisation locale quant aux coûts d'entretien des infrastructures. Le comité de l'eau collecte et gère les cotisations. Il en fixe librement le montant, de l'ordre de 2 000 ariary (0,60 €) annuels.

L'objectif Zato
Au fur et à mesure des années, les constructions réalisées par l'équipe de SEM sont devenues très nombreuses. Certaines ont beaucoup souffert : les catastrophes naturelles récurrentes, les inondations et l'usure en sont les principales causes. Malgré la responsabilisation et la formation des comités de l'eau, l'entretien des infrastructures souffre de lacunes récurrentes : les villageois manquent souvent de capacités financières et/ou techniques pour les réparer.

Malgré les nombreuses actions réalisées dans sa zone d'intervention depuis 20 ans, SEM reçoit toujours plus de demandes en provenance de nouveaux villages. C'est ainsi que, sous l'impulsion d'une équipe proche du terrain, un nouveau programme est né : le programme « Objectif Zato » (Zato signifiant « cent » en malgache). Il s'agit de fournir l'accès à l'eau et à l'assainissement à 100 villages de la côte est de Madagascar, en l'espace de 3 années (2015-2017). Ce programme témoigne de la professionnalisation de l'association, qui n'élaborait jusqu'ici que des projets annuels et non pluriannuels. SEM se lance de nouveaux défis d'envergure en adaptant son action aux résultats de ses précédents projets.

Ce programme Zato comporte deux volets : d'une part, la construction de 26 nouvelles adductions d'eau potable pour continuer de répondre aux nombreuses demandes des villageois ; et d'autre part, l'inventaire, en vue de leur réhabilitation, des infrastructures existantes et le renforcement des capacités locales pour la structuration des services. L'objectif de ce deuxième volet est d'aboutir à l'émergence d'un service mutualisé et professionnalisé de l'eau potable et de l'assainissement.

Les villages éprouvent des difficultés à entretenir seuls leurs infrastructures. Ils seront donc incités, lors de réunions de concertations entre communes, à trouver des accords de mise en commun de leurs moyens. Idéalement, ils pourraient financer le recrutement d'un agent communal res-ponsable du suivi de 5 à 10 villages, qui effectuerait des tournées régulières pour assurer l'entretien des réseaux, la promotion de l'usage des latrines et poursuivre la sensibilisation aux règles d'hygiène et à la protection des ressources.

Le programme s'inscrit dans les orientations du Code national de l'eau de Madagascar, qui se tourne vers les communes pour qu'elles assument davantage leur responsabilité dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Pour ce faire, des solutions devront être trouvées aux obstacles actuels, principalement le manque de confiance entre acteurs locaux, qui est un frein à la mutualisation de leurs moyens, ainsi que la faible mobilisation des communes, que ce soit par méconnaissance du droit malgache ou simplement par manque de ressources. Ces actions sont entreprises avec le soutien de la direction régionale de l'eau de Vatovavy-Fitovinany.

Ce programme d'envergure est la suite cohérente d'un long parcours. L'équipe de SEM et ses partenaires tels que l'agence de l'eau Rhin-Meuse, la région Alsace, le SIAEP de Ensisheim-Bollwiller et ses environs, le SIAEP Babaru ainsi que le SIEA de Ludon témoignent de leur grande motivation pour aboutir à l'obectif fixé d'ici fin 2017.
Un objectif qui a toutes les chances d'être atteint !


Des étudiants au service de la solidarité
TR-Monde et Solidago sont deux associations d'étudiants en BTP, chimie, ingénierie de l'eau et médecine d'écoles et universités de Paris et Strasbourg impliquées dans l'Objectif Zato. Elles collectent des financements pour de nouvelles adductions d'eau potable et participent aux travaux sur le terrain pendant un mois. Cette expérience bénévole permet aux étudiants de mettre en application leurs connaissances et de vivre une expérience humaine riche en échanges et en découvertes.


Nicolas Dupuy
• En France. : 03 88 26 26 26
Email:
contact@semada.org
Site internet: www.semada.org

Jenny Dorfelder
A Madagascar
Email: contact.mada@semada.org
Site internet: www.semada.org

AE Rhin-Meuse - Moulins les Metz - France
Région Grand Est - Strasbourg - France
SEM - Schiltigheim - France
SIAEP Ensisheim Bollwiller - Merxheim - France
 

Le chef traditionnel d'Ambodrivandrika. [© SEM]

Réunion avec le nouveau comité de l'eau, l'équipe de SEM, les chefs du quartier et le responsable de la commune de Shavato. [© SEM]
 

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