retour imprimer © Lettre du pS-Eau 77 de Apr 2015

Burkina Faso: Zorgh'eau : pour la bonne gouvernance de l'eau


[© Eau Vive]

A la demande du maire de Zorgho, trois communes françaises jumelées participent, depuis 2010, à la mise en place du service communal d'eau et d'assainissement de la ville burkinabè et de ses 33 villages associés. Les municipalités ont mutualisé leurs moyens et mobilisé des fonds auprès des partenaires de leur territoire, permettant ainsi de mener un programme d'envergure.

A Zorgho, au Burkina Faso, la commune et ses 33 villages associés couvrent un territoire très étendu avec des zones rurales et urbaines qui impliquent deux modes différents de gestion de l'eau et de l'assainissement (E&A). Le projet Zorth'eau vise à renforcer la commune dans son rôle de maître d'ouvrage, notamment pour la mise en place et l'accompagnement de structures communales de pilotage : la CCE (Commission communale de l'eau) et le STEA (service technique eau et assainissement).

Au regard des résultats d'une première expérience pilote, le gouvernement a généralisé par décret les commissions de l'eau, qui sont devenues des CCEAU (Comité communal eau et assainissement). Ce comité est un cadre de concertation entre le conseil municipal, les acteurs de l'eau (services techniques déconcentrés, opérateurs de gestion) et les usagers. Il permet à la commune d'exercer ses compétences dans le secteur.

Dans le cadre d'un précédent programme (PASEP(1)), la ville de Zorgho avait mis en place le CCEAU uniquement en zone urbaine. Le projet Zorgh'Eau l'a étendu au milieu rural.
La première mission du CCEAU a été de recruter un technicien communal E&A. Cet exercice a conduit les membres du comité, et plus largement les élus, à s'interroger sur leur mission, à définir les attributions du technicien, son profil et les modalités de sélection avant de procéder à son recrutement.

Le service technique au cœur du dispositif
Le technicien est le bras opérationnel du CCEAU pour :
– quantifier les besoins ;
– animer la concertation entre acteurs et usagers ;
– soumettre des propositions d'actions ;
– mettre en œuvre et suivre les décisions prises par le conseil municipal.

Le CCEAU et le service technique se sont basés sur le plan de développement communal pour l'eau et l'assainissement (PCD AEPA), outil d'aide à la décision pour déterminer les besoins et planifier les activités à mener. Faute de moyens suffisants, il a fallu définir des priorités et négocier avec les villageois en vue d'un consensus sur la répartition des équipements à réaliser.
Les populations ont été impliquées au cœur des passations de marchés, de même que dans le pilotage de l'ensemble du processus. Le service technique a bénéficié d'un accompagnement de proximité, ajusté en fonction de ses besoins.
Le technicien a été impliqué dans la conception d'outils de suivi (fiche de planification annuelle des activités et du budget, tableau d'avancement du projet, fiche de suivi des opérateurs de gestion et des ouvrages) qui lui permettent de mieux cerner, d'organiser et de piloter ses activités. Doté d'un GPS, il peut localiser précisément les ouvrages sur la commune, suivre leur fonctionnalité et les besoins de renouvellement(2).

Sur la base des données fournies par le service technique, le CCEAU se réunit fois par trimestre. Il doit statuer sur les difficultés rencontrées, trouver des solutions, formuler des propositions au conseil municipal et acter les décisions.
Eau Vive a accompagné le comité dans sa fonction également de suivi-évaluation. Ainsi, le CCEA a dû examiner à plusieurs reprises les critères d'attribution des latrines privées, pour s'assurer que les plus pauvres en sont bien bénéficiaires et que chacun apporte sa juste contrepartie…

Le recouvrement des coûts, une préoccupation
La durabilité du service communal de l'eau dépend essentiellement des moyens disponibles pour assurer son fonctionnement. La commune, associée au service du contrôle financier régional, a inscrit le salaire du technicien et les coûts de fonctionnement du service dans le budget communal.
Jusqu'ici, le projet a assumé le fonctionnement du CCEAU, mais son autonomie financière doit être confirmée pour perdurer. Des négociations ont été entamées avec l'Onea (l'Office national de l'eau), qui exploite le réseau AEP de la ville, pour que 5 % de son chiffre d'affaires réalisé sur Zorgho soit reversé à la commune pour financer le fonctionnement du CCEAU.

Une étude a été réalisée auprès des associations des usagers de l'eau des 33 villages que compte la commune et de 50 professionnels de l'eau (services techniques déconcentrés de l'Etat, organisations de la société civile, projets et ONG) pour comprendre les contraintes financières des usagers et envisager des solutions aux paiements irréguliers du service d'eau.

Cette étude a relevé des différences de tarification et de mode de paiement selon les villages, ainsi que les principaux points de blocage. Après analyse, le CCEAU a évalué à 5,33 € le montant minimal de la cotisation annuelle au service d'eau potable en milieu rural, base à partir de laquelle le conseil municipal peut désormais établir sa tarification. L'application de cette tarification a suscité le mécontentement des populations rurales qui ont dénoncé une inégalité entre familles polygames et familles monogames. La tarification communale prévoie en effet le payement du service par ménage, quel que soit le nombre de ses membres. Les concertations engagées par le CCEAU ont débouché finalement sur un mode de paiement dépendant du statut matrimonial : un ménage polygame payera dorénavant plus qu'un ménage monogame. Cette recommandation, approuvée par le conseil municipal, est appliquée dans la plupart des villages.

Un autre système existe également, qui s'appuie sur la recette prévisionnelle annuelle attendue pour une pompe, répartie entre tous : enfants, adultes et gros bétail. Approuvées par la commune, les deux formes de payement du service d'eau potable sont en cours d'application.
Les membres du CCEAU et le service technique ont effectué de nombreuses visites dans les villages, afin d'expliquer l'organisation de ce type de système, l'intérêt de la démarche, la nécessité de payer l'eau…

En parallèle le projet a fourni un appui rapproché auprès de 33 associations d'usagers de l'eau (AUE), afin de renouveler leurs membres, de les former et de les accompagner dans leur mission. Elles ont signé des conventions avec la commune, qui stipulent leur rôle et le mode de reversement du prix de l'eau.
Des maintenanciers ont été recrutés et formés. Des contrats, signés avec la commune, fixent le cadre de leur intervention : ils doivent intervenir rapidement en cas de pannes des pompes et organiser des tournées semestrielles d'entretien préventif des forages communautaires. Ces tournées sont prises en charge par la mairie sur le budget approvisionné par les redevances que les AUE reversent par an et par forage communautaire.

Au terme du projet, le taux de recouvrement du service est passé de 0,2 à 35 %, ce qui est encourageant mais implique le besoin constant de remobiliser les populations pour parvenir à un meilleur taux. C'est le prix à payer pour un service de l'eau fonctionnel et pérenne.

Une latrine pour chaque famille
Le projet a couvert près de 60 % des besoins d'accès à l'eau des populations concernées et 55 % des besoins de latrines familiales. Plus de 400 latrines familiales, de type Sanplat, ont été réalisées dans l'ensemble des villages. Ces modèles de latrines, homologués par le ministère de l'Hydraulique et de l'Assainissement, sont techniquement simples et peu coûteux ; 70 maçons ont été formés à leur fabrication, afin de couvrir l'ensemble des villages.
Un effort conséquent a été mené pour mobiliser, dans chaque village, des relais de sensibilisation qui travaillent en lien étroit avec les animateurs du service technique et le CCEAU : 66 relais de sensibilisation ont ainsi été recrutés et formés. Ils encouragent les villageois à se doter de latrines et effectuent au sein des concessions des campagnes de sensibilisation. Les relais sensibilisation et les maçons constituent une équipe de proximité chargée de faire la promotion de l'hygiène et de l'assainissement de base dans le village.

Conforter les acquis sur le long terme
Le projet Zorgh'Eau s'est achevé fin 2013 sur un bilan positif. Le service technique est aujourd'hui un acteur incontournable dans le dispositif de gestion du service de l'eau et de l'assainissement dans la commune. Il est régulièrement sollicité par la direction régionale de l'hydraulique, les partenaires techniques et financiers. Il a conduit l'inventaire des ouvrages d'approvisionnement en eau potable existant sur l'espace communal permettant de développer une base de données eau et assainissement et d'entamer la mise à jour du programme de développement communal (PCD AEPA).
En tant que membre du CCEau, le STEA assure le secrétariat et le rapportage des sessions du comité. Le CCEAU est quant à lui fortement impliqué dans la gestion des services à travers la concertation, le débat et les préconisations au conseil municipal.

Mais bien que le CCEAU et les circuits de décisions soient fonctionnels, conforter les acquis des acteurs demeure nécessaire. C'est donc essentiellement pour renforcer la gestion du service que le projet Zorgh'eau II a été initié en 2014. Cette seconde phase du projet s'emploie désormais à aider l'ensemble des acteurs à passer d'une logique de mise en œuvre à une logique de gestion et de suivi de service public de l'eau.

Au-delà des élus et des membres du CCEAU, il est fondamental que les populations zorgholaises comprennent les enjeux de la bonne gouvernance pour l'eau et l'assainissement et jouent leur rôle, notamment en termes de paiement du service et de gestion de points d'eau. L'accompagnement de proximité des AUE et des populations permettra d'améliorer et de renforcer le niveau de recouvrement des cotisations.

Le projet travaillera également à valoriser le métier de maintenancier, à travers la mise en place d'un suivi de proximité de des prestataires et la création d'un prix qui récompenserait le plus efficace de la commune. De nouveaux maintenanciers seront également formés pour améliorer la couverture de la commune en spécialistes de proximité, capables de résoudre rapidement les pannes.
Ainsi, dans ce projet centré sur la pérennité du service communal, grâce à une forte implication, les partenaires ont su trouver leur place et jouer leur partition : appui de proximité, mobilisation de financements, échanges d'expériences, expertises, etc. La complémentarité de leur intervention contribuent à la réussite du projet.


1. Projet d'amélioration du service de l'eau potable (Eau Vive, Ciedel, Onea)
2. Une base de données est en cours d'étude pour mieux gérer les informations
Le projet Zorgh'eau
• Zorgh'eau est le fruit d'un partenariat entre 4 communes et 3 associations :
Zorgho (Burkina Faso), Coueron (44), Verrière le Buisson et l'association Zinado 2000 (91),
Bousbecque et l'association Lafi Bémé (59), Eau Vive.
• Son objectif est double : mettre en place un service communal et des infrastructures pour l'eau et l'assainissement à Zorgho ; favoriser une coopération décentralisée multipartite.
Budget : 630 000 euros.
Partenaires : MAEDI, conseil régional Pays de la Loire, Nantes Métropole, AESN, AELB, AEAP.


Laurence Teissier
Eau Vive (France)
Email:
laurence.teissier@eau-vive.org

Didier Kienou
Eau Vive (Ouagadougou)
Email: dkienou@eau-vive.org

Commune de Bousbecque - Bousbecque - France
Eau Vive - Ouagadougou - Burkina Faso
Eau Vive France - La Celle-Saint-Cloud - France
Lafi bémè - Bousbecque - France
Mairie de Couëron - Coueron - France
Mairie de Zorgho - Zorgho - Burkina Faso
Ville de Verrières le Buisson - Verrières le Buisson - France
Zinado 2000 - Verrières le Buisson - France
 
 

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