Sénégal: Eau potable et soins de proximité à Thoumoughel

[© AGIR abdc]

Inaugurées en novembre 2014, les installations d'adduction en eau potable et de santé réalisées à Thoumoughel sont le fruit d'un ambitieux projet porté par deux associations yvelinoises : l'Association des ressortissants pour le développement de Thoumoughel (ADT) et l'AGIR(1) abcd – délégation Yvelines). Leur complémentarité opérationnelle et leur ténacité ont fédéré une large mobilisation et assuré le succès de l'opération.

Thoumoughel est situé à 15 km de Goudiry, chef lieu du département de Goudiry, à l'est du pays. Le village est accessible par une piste impraticable à la saison des pluies, dans une zone de savane arborée peuplée principalement d'éleveurs récemment sédentarisés.
Jusqu'alors, la population ne disposait d'aucun équipement public, hormis une école primaire en mauvais état. Les femmes et les jeunes filles assuraient la corvée d'eau aux puits pour les besoins domestiques et le bétail. Les soins les plus élémentaires étaient dispensés au centre de santé de Goudiry à l'issu d'un trajet de plus d'une heure généralement en charrette.
Les complications, notamment durant les accouchements, pouvaient alors avoir des conséquences dramatiques.

L'accès sur place à l'eau potable et à la santé était donc primordial pour ces populations, notamment pour lutter contre les maladies hydriques de la région (paludisme, diarrhées, etc.), traiter les affections et accidents courants, diriger les cas les plus sérieux vers des structures appropriées et organiser l'éducation et la prévention sanitaires.

Le besoin initial exprimé par les villageois, relayé en France par les ressortissants regroupés au sein de l'ADT, portait dès 2006 sur la construction d'une case de santé à Thoumoughel et le creusement d'un puits dédié à cette case.
Association de retraités bénévoles, AGIR abcd a été sollicitée pour conduire une pré-étude et une estimation budgétaire à l'occasion d'une mission effectuée fin 2009. Les autorités administratives et techniques concernées ont d'emblée apporté leur soutien au projet et validé le diagnostic. Le médecin chef du district sanitaire notamment, a appuyé la réalisation de la case de santé et s'est engagé à former les personnels nécessaires à son fonctionnement. De son côté, la communauté rurale de Koussan, dont dépend Thoumoughel, a mis gracieusement à disposition les terrains sur lesquels devaient être construits les infrastructures.

Courant 2010, sous l'impulsion du PAISD⁽²⁾, les besoins ont été définis ainsi :
– réalisation d'un réseau d'adduction en eau potable ;
– construction d'une case de santé améliorée ;
– formation des personnels nécessaires ;
– mise en place d'une association des usagers de l'adduction (Asufor) et d'un comité de santé.

Des besoins spécifiques en raison du bétail
Cette évolution visait l'amélioration du service rendu aux populations, tant sur le plan hydraulique (l'eau est distribuée, elle n'est plus à puiser) que sanitaire (augmentation des prestations fournies par la case et affectation d'un infirmier à la place d'un agent sanitaire communautaire). Par ailleurs, le périmètre du projet était étendu en incluant 3 villages voisins de Thoumoughel (Thoumké, Thiéké et Doléabé), soit environ 2 000 personnes et un cheptel de plusieurs milliers de têtes.
Le conducteur d'AEP, chargé d'assurer l'exploitation des installations hydrauliques, a été formé par la brigade des puits et forages (BPF) de Goudiry et une Asufor mise en place sous l'autorité du préfet.

D'une superficie d'environ 100 m2, la case de santé comprend deux salles de soins, une salle d'accouchement, une pharmacie, un bureau de l'infirmier et des sanitaires. Elle est complétée par un abri pour les accompagnants et un logement pour l'infirmier, ainsi disponible en cas d'urgence. Du matériel médical et un stock initial de médicaments ont également été fournis.
L'infirmier chef a été formé à l'hôpital de Tambacounda (chef lieu de région) et un comité de santé a été mis en place. Le budget d'investissement s'élève à environ 208 500 €, hors frais administratifs, se répartissant ainsi : 6 000 € d'études et de maîtrise d'œuvre, 145 000 € pour l'AEP, 55 000 € pour la santé et 2 500 € de formation et dépenses diverses.
L'ADT « village » assure le pilotage local du projet et l'ADT « France », basée aux Mureaux, la représente en France. Un maître d'œuvre a été sélectionné (bureau d'études Beter) pour réaliser les études et assurer le suivi des travaux.

Les entreprises responsables des travaux ont été choisies sur appel d'offres en fonction de leur spécialités : IKO Prest pour la géophysique, EGMBTV pour le forage, ERTHEG pour l'exhaure, GREEN-CG pour le génie civil et ESM pour l'équipement médical. Les villageois ont participé aux travaux de terrassement et alimenté le chantier en eau pour la préparation du béton et des parpaings.

Le chantier a débuté fin 2010 pour une réception provisoire des installations fin 2011 mais des besoins complémentaires sont apparus : un abreuvoir au moins pour chaque village et le renforcement de la clôture de la case de santé. Des reprises ont également été nécessaires sur la partie exhaure de l'AEP pour exploiter au mieux la capacité exceptionnelle du forage, corriger quelques défauts initiaux et permettre un remplissage plus rapide du château d'eau, conditions de pérennité des installations et d'économies d'exploitation.
Ces travaux complémentaires ont été financés sur les ressources disponibles sans dépassement de budget. Parallèlement, des candidats au poste d'infirmier et de conducteur AEP avaient été désignés et formés par les autorités compétentes. Ils ont participé à la mise en route des installations dès fin 2011.

A la satisfaction unanime des bénéficiaires, les installations sont pleinement opérationnelles depuis fin 2013 et la réception définitive est intervenue en janvier 2014. Les installations disposent désormais d'une eau abondante de qualité disponible en permanence, et la case de santé est utilisée par 3 500 personnes, bien au-delà du périmètre des 4 villages concernés à l'origine par le projet. Le défi : confirmer la pérennisation de ces services.
L'Asufor et le comité de santé gèrent le service et le fonctionnement des installations. Ils sont constitués de villageois volontaires aidés par les autorités hydrauliques et médicales locales. Un compte d'exploitation a fixé le prix du m3 d'eau à 400 Fcfa. Les fontainiers relèvent les quantités distribuées à chaque famille qui paie sa consommation comme le font les particuliers qui disposent d'un branchement privatif avec compteur. Les recettes couvrent les frais de consommables, de personnel, d'entretien courant et alimentent une réserve financière destinée au renouvellement des équipements importants sur la base des règles d'amortissement en vigueur pour ce type de matériel.

Chaque visite à la case de santé et la délivrance de médicaments sont soumis à redevance. Les fonds ainsi collectés sont destinés à l'entretien des locaux, au renouvellement du matériel et des médicaments. La brigade des puits et forages de Goudiry fournit l'expertise et le soutien techniques en matière de maintenance des équipements. En attendant sa prise en charge par le ministère de la Santé, les migrants assument le salaire de l'infirmer. Le médecin chef du district médical de Goudiry assure la supervision technique et administrative de la case de santé.

Une collaboration entre acteurs institutionnels et diaspora
Nombreux sont les partenaires institutionnels sénégalais impliqués dans le projet : le préfet de Goudiry et le sous-préfet de Bouyngel, le président de la communauté rurale de Koussan, le directeur de l'agence régionale de développement de Bakel, le médecin chef de Goudiry et le chef de la brigade des puits et forages de Goudiry. L'équipe du PAISD a assuré l'assistance et le conseil aux villageois dans leur rôle de maître d'ouvrage (choix des prestataires, suivi du projet...).
De son côté, AGIR-abcd Yvelines, opérateur d'appui de l'ADT migrants, a fourni une assistance méthodologique, technique, administrative et budgétaire à chaque phase de l'action : réalisation du dossier de projet, recherche des financements, suivi budgétaire, compte-rendu aux bailleurs de l'utilisation des fonds qu'ils ont accordés, liaison avec les autorités. Elle a par ailleurs organisé et conduit, toujours en liaison avec l'ADT, les actions d'information et de promotion visant à valoriser le rôle des partenaires qui ont participé au financement du projet.

Le financement a été assuré par les cotisations des membres de l'ADT (environ 20 %). Le complément a été apporté au Sénégal par le PAISD, et en France par le conseil régional d'Ile-de-France, le conseil départemental des Yvelines, la mairie des Mureaux et par Coallia, avec qui l'ADT a signé des conventions.

Conçu dans le respect du contexte politique et institutionnel local, en cohérence avec les schémas directeurs applicables à la région, le projet a capitalisé sur la complémentarité des deux volets qui le composent (eau et santé), en apportant une réponse adaptée aux besoins directs des populations mais aussi en démultipliant les effets positifs de l'accès à l'eau potable sur la santé, l'éducation et l'activité économique.
Parallèlement, l'ADT et les villageois se sont initiés, aux côtés de leurs partenaires, à la conduite de projet. Ils ont ainsi acquis une nouvelle expérience et une autonomie plus grande utiles pour des projets futurs.

Cette aventure n'a été possible que grâce à la détermination et à l'engagement fi-nancier des migrants ainsi qu'à une mobilisation sans faille de tous les partenaires. AGIR abcd Yvelines et l'ADT poursuivent leur collaboration autour d'un nouveau projet de réhabilitation/extension de l'école élémentaire de Thoumoughel ainsi que la construction de sanitaires. AGIR abcd accompagne par ailleurs deux autres associations issues de la diaspora sénégalaise pour un nouveau projet eau et santé à Lélécone.
Affaire à suivre, assurément.

©Lettre du pS-Eau 77 de Apr 2015