retour imprimer © Lettre du pS-Eau 75 de Sep 2014

Le choléra en RDC: Une approche multi-acteurs pour éradiquer la maladie


[© Fondation Veolia]

Depuis 2008, le ministère congolais de la Santé expérimente une approche intégrée de lutte contre le choléra, élaborée en collaboration avec le GAAC (Global Alliance Against Cholera), un organisme qui regroupe de nombreux experts et institutions internationales. Expérimentée à Uvira avec le soutien actif de la fondation Veolia, cette démarche paraît prometteuse.

L'élimination des épidémies de choléra qui, selon l'Organisation mondiale de la santé, affectent de 3 à 5 millions de personnes chaque année dans le monde, demeure une préoccupation majeure pour de nombreux pays d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique.
Très contagieux, le choléra est une maladie diarrhéique causée par une toxine produite par une bactérie. La maladie provoque une diarrhée parfois accompagnée de vomissements quelques heures après l'ingestion d'aliments ou d'eau contaminés. En l'absence de prise en charge médicale, la déshydratation aigüe induite par la maladie provoque la mort en un temps très court (quelques heures à trois jours) dans plus de la moitié des cas. La prise en charge, qui consiste essentiellement en une réhydratation, diminue considérablement le taux de mortalité mais ne suffit pas à éradiquer cette pathologie.

Un consensus clair existe pourtant au sein des communautés scientifiques et médicales quant aux moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Ce sont principalement l'accès durable à une eau potable, la présence d'un système d'assainissement adapté et l'adoption de bonnes pratiques d'hygiène au sein des communautés à risques.
Face à ce constat, un large panel d'experts et d'institutions nationales, internationales et non gouvernementales s'est mobilisé à travers l'Alliance globale contre le choléra (Global Alliance Against Cholera - GAAC). Celle-ci propose une stratégie pour réduire et éliminer durablement les épidémies de choléra.

Eau potable, hygiène et assainissement : les trois piliers
Cette démarche menée en République démocratique du Congo (RDC) préconise de mobiliser l'expertise d'acteurs complémentaires (ingénieurs sanitaires, politiques, municipalités, exploitants des services urbains, Ong, partenaires financiers) et d'agir selon les étapes suivantes :
• en premier lieu, conduire régulièrement des études épidémiologiques pour disposer d'une connaissance approfondie des dynamiques de propagation de la maladie et identifier les zones « sources » dans lesquelles le choléra est endémique toute l'année, même en dehors des périodes de flambées épidémiques ;
• deuxièmement, évaluer et définir dans les zones « sources » (foyers d'émergence et de propagation) les interventions nécessaires pour l'accès à l'eau potable, l'assainissement et l'éducation à l'hygiène ;
• enfin, à partir des deux étapes précédentes, établir un schéma directeur pour conduire des actions d'élimination durable des causes des épidémies.

En RDC, près de 40 millions de personnes n'ont pas accès à une source d'eau améliorée. Le taux d'accès à l'eau est évalué à 26 %. Les populations vulnérables, particulièrement les femmes et les enfants, sont davantage exposées à des maladies d'origine hydrique. Depuis 2005, le choléra est devenu endémo-épidémique, c'est-à-dire qu'il sévit constamment, même en dehors des pics épidémiques. Entre 2002 et 2008, plus de 150 000 nouveaux cas ont été recensés par l'OMS, soit près de 15 % des cas de choléra dans le monde et environ 20 % des décès liés à cette pathologie.
Face à la récurrence des épidémies, le ministère de la Santé publique a adopté en 2008, en collaboration avec les ministères de l'Energie et de l'Environnement, un plan stratégique d'élimination du choléra pour la période 2008-2012, puis pour la période 2013-2017, en adoptant l'approche intégrée préconisée par le GAAC. Pour sa mise en œuvre, de nombreux acteurs internationaux1 apportent leur soutien méthodologique et financier au ministère de la Santé publique, aux municipalités et à la Regideso.

Des études préliminaires menées conjointement par des équipes congolaises et françaises ont identifié huit zones sources, urbaines et périurbaines dans l'est du pays : les localités de Bunia, Goma, Bukavu, Uvira, Fizi Baraka, Kalemie, Bukama et Kasenga. Les conditions de vie des populations y sont des plus défavorables : outre des pratiques d'hygiène individuelle et des équipement d'assainissement insuffisants, ces agglomérations ne disposent surtout d'aucun accès sécurisé à l'eau potable. Ces premières études ont donné lieu à des actions pilotes à Kalémie (dans la province du Katanga) et à Uvira (dans la province du Sud Kiwu). Située au bord du lac Tanganyika, à 15 km de Bujumbura (capitale du Burundi voisin), la localité d'Uvira est l'un des huit foyers de persistance de l'agent infectieux en période inter-épidémique. Seuls 31 % des 210 000 habitants ont accès à l'eau potable. Avec une croissance démographique de 4 % l'an, la ville devrait héberger 310 000 habitants en 2020.

Le réseau d'eau de la Regideso dessert environ 30 % de la population d'Uvira via 3 150 branchements particuliers et 49 bornes-fontaines. Cependant, la moitié des habitants desservis ne dispose que de quelques heures de distribution par jour, tandis que l'autre moitié dispose d'un service à peu près continu, en dehors des fréquentes coupures d'électricité qui durent parfois plusieurs jours. Tout comme celle sujette aux fréquentes ruptures d'alimentation, la population non desservie par le réseau recourt à de l'eau de surface du lac Tanganyika et des rivières, contaminée par l'activité humaine.
Selon une enquête réalisée auprès de 500 ménages par la London School of Hygiene and Tropical Medecine (LSHTM), la quasi-totalité des ménages utilisent des latrines, qu'elles soient propres au ménage (46 %), communes à la concession (42 %) ou partagées (10 %). Cependant, les règles d'hygiène de base (comme le lavage des mains) sont peu pratiquées. Les diarrhées et le choléra ne sont pas perçus comme des maladies posant un grave problème sanitaire ; moins de 1  % des habitants citent le choléra comme un problème majeur. La connaissance des moyens de lutte contre les maladies diarrhéiques est limitée et leur mise en pratique nettement insuffisante.

Optimiser le service de l'eau
Depuis plusieurs années, de nombreuses mesures « d'urgence » sont mise en place à Uvira par l'Ong Oxfam GB, en partenariat avec le ministère de la Santé, pour lutter contre le choléra en période de flambée épidémique. Ces mesures consistent en des actions de sensibilisation à l'hygiène et de formation aux pratiques de lutte contre la maladie, en la mise en place de points de chloration d'eau, en distribution de kits de chloration et d'hygiène, etc. Ces mesures, qui limitent l'importance des pics épidémiques, sont cependant insuffisantes pour éradiquer la maladie. Une réponse plus durable doit être apportée.

Ainsi, conformément au Plan national d'élimination du choléra pour la période 2013-2017, le projet pilote d'Uvira est déployé depuis 2012 par la Régideso, en partenariat avec la fondation Veolia. Ce projet d'ampleur fait suite aux premières mesures d'urgence mises en place entre 2010 et 2012, lesquelles comportaient la protection et l'aménagement du captage, le remplacement de la pompe de refoulement pour augmenter les volumes distribués, l'amélioration du traitement (remplacement des agitateurs pour la floculation) et l'amélioration du réseau avec la pose de vannes. Il s'agit déssormais d'éliminer le choléra en améliorant durablement les conditions socio-sanitaires des populations. L'objectif est d'ouvrir l'accès à un service d'eau potable en continu à 155 000 personnes dans les aires de santés touchées par les épidémies, grâce au développement des infrastructures de production et distribution d'eau potable. Sont ainsi prévus :
– d'importants travaux : augmentation de la capacité de production de l'usine d'eau, extension du réseau de distribution et de la capacité de stockage, autonomisation de l'approvisionnement en énergie de la Régideso par la construction d'une microcentrale hydroélectrique ;
– le renforcement des capacités opérationnelles du centre d'exploitation de la Regideso d'Uvira en matière de pilotage et de suivi des travaux ainsi qu'en capacité de gestion afin de favoriser son autonomie et le réinvestissement local des bénéfices du projet ;
– la création d'associations d'usagers des bornes-fontaines légalement enregistrées (constituées principalement de femmes) de façon à améliorer le taux de recouvrement des coûts du service et les relations entre usagers, fontainiers et la Regideso ;
– la sensibilisation (conduite par l'Ong Oxfam GB) de 210 000 personnes aux bonnes pratiques d'hygiène et à l'origine des maladies ;
– une étude d'impact épidémiologique (menée par la London School of Hygiene and Tropical Medecine) permettant sur trois ans d'évaluer scientifiquement les impacts réels du projet.

Le coût total du projet, estimé à 10 millions d'euros, est assuré notamment par des contributions financières de l'AFD et de l'Union européenne. La Fondation Veolia intervient quant à elle à hauteur de 1 million d'euros sous forme d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, à la maîtrise d'œuvre et au renforcement de capacités de la Régideso.
Par son ampleur et son approche, le projet d'Uvira est inédit à l'échelle de la RDC. Il apporte une réponse durable au problème du choléra par la combinaison de plusieurs éléments : les études épidémiologiques et celles d'accès à l'eau et à l'hygiène des populations, pour cibler précisément les actions à entreprendre en matière de desserte en eau potable et de sensibilisation à l'hygiène.
La construction d'infrastructures s'avère moins chère à financer que la succession d'interventions d'urgences (telles que la chloration au point de puisage, la prise en charge des cas de choléra), même si celles-ci demeurent pertinentes à court et moyen terme.

Ce projet participe également d'une approche intégrée innovante, à la fois en termes de partenariat (fondation d'entreprise, Ong internationale, Ong locale, gouvernements locaux, bailleurs de fonds et universités), de couplage eau-santé, notamment en matière de santé maternelle et infantile, et enfin de transition d'un mode d'intervention « curative » en urgence vers un mode qui s'attaque aux causes du mal développement.

Si l'éradication du choléra dans le monde reste un objectif de longue haleine, la stratégie mise en œuvre en RDC ouvre des perspectives encourageantes. L'extension de l'approche aux autres « sources » de la maladie permettrait un impact à plus grande échelle,voire la disparition du choléra en RDC.
L'approche mériterait également d'être reprise dans d'autres régions touchées dans le monde et devrait encourager les financeurs de programmes de santé, de gestion de l'eau potable, d'assainissement et d'hygiène à mieux coordonner leurs efforts.


Le site internet de Global Alliance Against Cholera
Le nouveau site internet de la Global Alliance Against Cholera (Alliance internationale de lutte contre le choléra) a été lancé fin janvier 2014. La fondation Veolia, qui en assure le secrétariat, a piloté cette refonte. Disponible en anglais et en français, le site propose l'accès à un nombre important d'informations sur le choléra.
www.choleraalliance.org


Sandhya Bonnet
secrétariat de l’Alliance internationale contre le choléra
• 33 (0)1 55 23 42 92
Email:
sandhya.bonnet@veolia.com
Site internet: http://www.choleraalliance.org

Clément Petit
Fondation Veolia
• 33 (0)1 46 69 38 75
Email: clement.petit@veolia.com
Site internet: http://www.fondation.veolia.com/

Fondation Veolia - Aubervilliers - France
GAAC - Nanterre - France
 

[© Fondation Veolia]

[© Fondation Veolia]
 

©Lettre du pS-Eau 75 de Sep 2014

   © pS-Eau 2024