retour imprimer © Lettre du pS-Eau 73 de Dec 2013

Le monitoring des petites adductions d'eau: Retour d'expériences dans trois pays sahéliens


Au Mali, l’épargne cumulée grâce à un système de suivi rigoureux s’élève en 2012 à 1milliard de Fcfa pour la région de Kayes.[©S. Münzer]

Plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ont instauré des mécanismes de suivi des petits réseaux d'eau potable. Parmi eux, le Mali, la Mauritanie et le Tchad ont chacun adopté une approche spécifique.

Au Mali, une forte professionnalisation du secteur
Au Mali, la stratégie nationale impose une délégation de la gestion du service de l'eau à un exploitant (association des usagers ou opérateur privé) et un suivi technique et financier est assuré par un opérateur homologué. A l'échelle nationale, cette disposition concerne quelque 700 adductions d'eau accompagnées par les opérateurs Assistance aux adductions d'eau potable (2AEP), évoluant dans la région de Kayes à l'ouest du pays, et le Groupe de conseil et de suivi des AEP (GCS-AEP) qui intervient dans le reste du pays.

Dans la région de Kayes, l'opérateur 2AEP s'est installé en 2004 sur un périmètre de 14 adductions d'eau, réalisées ou réhabilitées par l'Etat. Le rythme d'adhésion de nouveaux centres a marqué une nette et constante progression. Fin 2012, 2AEP accompagnait 69 % des adductions de la région estimées à 180 réseaux. En 2012, l'épargne cumulée par ces réseaux sur la région s'élève à 1 milliard de Fcfa.

Des réflexions sont en cours pour la création d'une fédération des exploitants d'AEP et le développement de mécanismes d'entraide pour le financement local du secteur. Les rapports de suivi technique et financier sont exploités par les communes comme une base consensuelle de calcul de la taxe communale sur l'eau (seules les AEP bénéficiant d'un suivi technique et financier mobilisent ces taxes).

Dans les communes qui ont plusieurs réseaux, la présentation des rapports de suivi technique et financier est un exercice de large information sur l'état du service dans la collectivité et une instance de forte émulation entre les exploitants.

En vue de renforcer la professionnalisation du secteur et d'accompagner la densification des réseaux, l'opérateur 2AEP a développé une application destinée à amorcer l'informatisation de la gestion des AEP. Dénommée GINFO_AEP (gestion informatisée des adductions d'eau potable), ce programme est déjà opérationnel dans 25 centres de la région. Des échanges sont en cours avec la direction nationale de l'Hydraulique pour son élargissement à d'autres localités de la région et de tout le pays.

En Mauritanie, promotion du secteur privé local
La révision du cadre réglementaire qui est intervenue en Mauritanie en 2005 a consacré de profonds changements dans le secteur de l'eau potable. Outre le désengagement des administrations publiques des fonctions d'exécution, cette révision a contribué à promouvoir le secteur privé local au travers des délégations de service public (DSP). Organisme indépendant, l'Autorité de régulation (AR) est chargée de mettre en œuvre les procédures de délégation et d'évaluer les performances des opérateurs.

Face à l'accroissement du nombre de centres gérés par des entreprises délégataires, l'Autorité s'est dotée d'un système de gestion de l'information. Ce système informatique, dénommé Observatoire des délégations, est constitué de deux outils complémentaires :
1) le LAG, un logiciel d'aide aux délégataires leur permettant d'assurer la gestion commerciale, technique et financière des services, et
2) le SIDE, un logiciel de suivi des délégataires permettant à l'Autorité de régulation de centraliser les informations relatives aux DSP.
Conçu comme un outil d'aide à la décision, l'Observatoire s'adresse à la fois à l'Autorité de régulation, aux maîtres d'ouvrage et aux délégataires. Il a vocation à faciliter la préparation des rapports de l'AR et à renforcer les capacités des maîtres d'ouvrage à piloter leurs services, tout en améliorant l'information des usagers. A terme, l'Observatoire permettra d'évaluer, sur une base plus objective et reconnue par l'ensemble des acteurs concernés, la qualité technique, économique et sociale des services.

En s'appuyant sur ces outils, l'AR établit chaque année un rapport des délégations dans lequel sont présentés le bilan global de l'année et les performances enregistrées par les entreprises délégataires. Les résultats de ces analyses donnent lieu à des réunions entre les maîtres d'ouvrage, leur délégataire et les associations d'usagers de l'eau (AUE). Le dernier rapport élaboré par l'AR (avec l'appui du Gret) montre que les 13 délégations effectives sont dans l'ensemble bien gérées. Cela signifie le respect des règles de gestion, à savoir la fourniture des services en continu, le respect de la tarification, le recouvrement des factures des abonnés et des fontainiers, l'entretien courant des équipements et la réparation des pannes, l'inscription des dotations aux provisions et amortissements, etc.
La situation financière des délégations est cependant mitigée. Le petit équilibre est atteint et des renouvellements d'équipements fonctionnels ont lieu. Les délégataires s'efforcent de maîtriser tant bien que mal les charges d'énergie, ceci malgré l'augmentation continue du coût du carburant et le maintien des tarifs d'eau aux niveaux définis à la signature des contrats. Les taux de marge brute repartent légèrement à la hausse en 2012. Mais les résultats nets sont négatifs et des mesures restent à prendre, allant dans le sens d'une plus grande responsabilisation des délégataires.

Au Tchad, succès d'une première expérience
En 2010, Initiative Développement (ID), Sèves (Ong française) et Agir (Ong tchadienne) lancent une action de renforcement du service public de l'eau dans les régions Sud du Tchad. Au-delà de travaux d'infrastructures (extensions de réseaux notamment), le projet vise la mise en place d'un dispositif de suivi technique et financier en mesure de garantir la pérennité des services par mini-réseau.

Ce dispositif a engendré une importante plus-value : accroissement significatif de l'épargne sécurisée pour le renouvellement des équipements, hausse de la consommation et du nombre d'abonnés, qualité de la maintenance et amélioration du rendement des réseaux. L'initiative tchadienne présente également la singularité d'être parvenue à mobiliser des financements d'opérateurs locaux pour la réhabilitation de certains réseaux. 

Contacts:
• Au Mali
Boubacar Macina, 2AEP : bmacina@2aep.com
Kassé Sacko, 2AEP : kassesacko@gmail.com
• En Mauritanie
Chah Ahmedou, ARE : chah_ahmedou@yahoo.fr
Frédéric Naulet, Gret : naulet@gret.org
• Au Tchad
Nicolas Moreau, Initiative Développement : n.moreau@id-ong.org
Bernard Le Pivain, Sèves : bernard.le.pivain@gmail.com
Anne-Charlotte, Beaugrand, Sèves : acbeaugrand@asso-seves.org

AGED2AEP - Kayes - Mali
ARE - Nouakchott - Mauritanie
GRET - Nouakchott - Mauritanie
ID - Moundou - Tchad
SEVES - Paris - France
 

En Mauritanie, une plus grande responsabilisation des délégataires reste nécessaire.[©S. Münzer]
 

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