retour imprimer © Lettre du pS-Eau 72 de Aug 2013

Le projet Ecol'Eau, une approche intégrée pour plus d'impacts sur la santé

Au Burkina Faso: Eau, assainissement et hygiène en milieu scolaire

Depuis 2008, Action contre la faim intervient à l'est du Burkina Faso, en matière de dépistage, prévention et traitement de la malnutrition. L'organisation s'attaque également aux facteurs aggravants, comme les maladies hydriques, notamment liées à une mauvaise hygiène et à la consommation d'eau insalubre. Pour rompre cette chaîne de contamination, ACF s'attache à promouvoir et à faciliter de bonnes pratiques d'hygiène, en particulier en milieu scolaire, moteur du changement de pratiques pour la communauté.

Le projet « Ecol'eau » est ins­piré de l'approche Wash in Schools (WINs), portée par Unicef­­­(1). Les atouts d'un projet WINs sont multiples dans un milieu scolaire où se propagent facilement les maladies infectieuses. Sa stratégie est d'assurer un accès à l'eau potable fiable et pérenne, pouvant subvenir à tous les besoins de l'école, en particulier le lavage des mains et la boisson. L'école doit disposer en nombre suffisant de toilettes accessibles, sures, propres et séparées pour les garçons, les filles et les enseignants. L'éducation en matière d'hygiène doit faire partie du programme éducatif afin d'inculquer aux élèves les bonnes connaissances et pratiques d'hygiène et encourager leur transmission auprès de leurs familles.

La première phase du projet a été mise en œuvre dans treize écoles de la province de la Tapoa, zone d'intervention privilégiée d'ACF au regard de son taux important de malnutrition aigüe, sur une durée de deux ans, de janvier 2010 à décembre 2011. Cette première phase a concerné 2 618 enfants scolarisés âgés de 6 à 16 ans (bénéficiaires directs) et 60 000 habitants des 13 villages d'intervention (bénéficiaires indirects). Le projet a bénéficié d'un budget de 406 375 € financé de manière conjointe par ACF, la fondation Ensemble, l'agence de l'eau Rhin Meuse, et les entreprises Brita et Citroën.

Une approche inclusive d'appropriation
Suite à la sélection des écoles, les résultats du diagnostic et du projet ont été présentées dans les huit communes de la province, en présence des inspecteurs, des autorités communales, des équipes pédagogiques et des représentants des parents d'élèves. Les accords obtenus entre ces différents acteurs lors des rencontres ont donné lieu à la signature de conventions de collaboration avec les écoles, ACF et les communes, tout en restant en cohérence avec le PN-AEPA(2). La direction régionale de l'Agriculture et de l'Hydraulique (DRAH), pour le volet des infrastructures, et la direction provinciale de l'Education (DPEBA), pour les autres activités, ont ainsi été des partenaires institutionnels actifs. La maîtrise d'ouvrage étant déléguée à ACF, les communes n'y participent pas directement. Les partenaires locaux sont organisés au sein d'associations de parents d'élèves (APE) et d'associations de mères éducatrices (AME). Ces deux associations sont membres des Comités de gestion de points d'eau (CGPE) et des Clubs de santé scolaire (CSS), au même titre que les élèves et les personnels éducatifs. Dans les six écoles où le projet a développé des jardins maraîchers, des Groupements Villageois Maraîchers ont été associés au projet.

L'objectif du projet visait, en partenariat avec les acteurs locaux, à améliorer l'accès à l'eau et à l'assainissement ainsi que les pratiques d'hygiène des élèves de la province de la Tapoa. Il s'agissait aussi, indirectement, de renforcer le statut nutritionnel des enfants, à autonomiser les écoles et à transférer les pratiques d'hygiène des enfants vers leurs familles, pour un bénéfice plus largement communautaire.

Pour atteindre ces objectifs, le projet s'est articulé en trois do­mai­nes d'activités :
• La réalisation de forages et l'appui aux comités de gestion de points d'eau (CGPE). Dans toutes les écoles ciblées, des points d'eau sont maintenant fonctionnels. Des CGPE mixtes (élèves, parents, personnels éducatifs) ont été mis en place, formés et sensibilisés. Désormais, les contributions collectées par ces comités sont reversées (comme recommandé par le PN-AEPA) sur leurs comptes en banque. Aujourd'hui, chaque CGPE dispose d'au moins 60 000 FCFA de trésorerie.
• Latrines en milieu scolaire. Le projet a choisi de privilégier, conformément aux options technologiques retenues dans le cadre du PN-AEPA, des blocs de latrines type VIP et EcoSan. Au total, 17 blocs de 3 postes de latrines équipés de lave-mains, et 4 blocs EcoSan, ont été installés. L'amélioration des installations sanitaires a été accompagnée par la formation de groupements maraîchers villageois (GMV) à l'utilisation des excréta hygiénisés pour améliorer la production de jardins scolaires et le contenu nutritionnel des repas servis à la cantine. Au total, six jardins écoliers ont été créés (2 alimentés via la filière EcoSan et 4 alimentés via la filière fumure organique simple), et autant de GMV et de CSS formés pour les activités de maraîchages.
Dans les jardins EcoSan, les urines sont utilisées comme fertilisants après un mois d'hygiénisation et les excrétas comme amendement après 6 mois d'hygiénisation. Une parcelle test, aménagée dans ces jardins pour permettre la comparaison de la production obtenue en EcoSan avec celles utilisant les fertilisants chimiques utilisés dans la zone, a permis de démontrer la valeur ajoutée du système, avec des rendements moyens de 1 à 1,5 fois supérieurs.
• Renforcement des connaissances et des pratiques d'hygiène dans les écoles. Des sessions de formation au profit des enseignants sur l'hygiène corporelle, les maladies liées à l'eau, les sources d'eau potable et le lavage des mains ont été organisées. Un guide méthodologique de l'enseignant pour la promotion de l'hygiène dans les écoles, ainsi qu'une boite à outils pédagogiques et un kit de promotion de l'hygiène, ont été transmis aux enseignants pour leur permettre de mieux former les élèves.
Les clubs de santé scolaire ont participé au programme d'éducation. En effet si le club de santé scolaire coordonne les activités de nettoyage des latrines, la propreté des classes et de la cour et l'entretien des points d'eau, il a également en charge la promotion des bonnes pratiques d'hygiène et d'assainissement à l'école lors de sessions de sensibilisation dans la communauté. L'ensemble des écoles couvertes par le projet ont participé à un concours « Ecole propre », organisé à la fin du projet.

Des impacts avérés mais insuffisants dans certains domaines
L'évaluation interne à mi-parcours (mars 2011) puis une évaluation externe ont fait ressortir des éléments de bilans encourageants. L'acquisition des connaissances des élèves entre le début et la fin du cycle d'apprentissage a ainsi pu être mesurée.

L'impact communautaire à l'é­chelle des localités du projet a également été étudié au moyen d'enquêtes statistiques « Connaissance Attitude et Pratique » con­duites en amont et aval du projet. La comparaison des deux enquêtes établit :
– une augmentation significative de la part de la population des villages concernés à s'approvisionner auprès d'une source d'eau potable (de 43 à 69 %, soit + 26 points) ;
– une meilleure gestion des ouvrages hydrauliques (lors de la CAP1, aucun comité de gestion des forages n'était fonctionnel, lors de la CAP2, 69 % des comités l'étaient), couplée à la liaison de l'activité au PN-AEPA.

En revanche, si la connaissance de l'importance de la gestion des excrétas est en amélioration, à ce stade, l'impact sur le changement des pratiques hygiéniques des communautés, notamment le lavage de mains, n'est pas avéré. Environ la moitié de la population continue de se laver les mains avant de manger, mais moins de 5 % de la population déclare le faire après défécation. Ceci confirme, si besoin était, le temps nécessaire pour influencer durablement des changements de pratiques communautaires, un temps qui plaide en faveur d'une phase 2.

Dans sa démarche d'intervention, le projet a repris les éléments du PN-AEPA, tout en améliorant certains aspects : le CSS est un apport intéressant car il permet l'implication directe des élèves dans les activités de promotion de l'hygiène aux côtés de l'enseignant et aussi des parents d'élèves. Il en est de même des jardins maraîchers, où enfants et adultes apprennent côte à côte dans les domaines de l'hygiène, la santé, la nutrition et la production d'aliments. Un des succès de ce projet est d'avoir ouvert les portes de l'école à tous les membres de la communauté, ce qui apparaît comme une grande avancée, en particulier pour les femmes.

Le projet bénéficie d'une synergie avec la « mobilisation des acteurs locaux en eau, assainissement et hygiène pour la réalisation des Objectifs du Millénaire » (Facilité Eau ACF), financé par l'Union européenne et l'AFD et qui vise l'application de la réforme du système de gestion promu par le PN-AEPA dans la zone d'intervention.
Au cours de la mission d'évaluation, les élèves et les parents d'élèves ont exprimé leur satisfaction pour les infrastructures réalisées et pour les séances de promotion de l'hygiène. Ils ont mis l'accent sur l'amélioration du cadre de vie, de la sécurité des élèves et de la santé de tous (élèves et familles).

Lors de visites de terrain de 8 des 13 écoles, la mission a constaté les bonnes conditions d'hygiène et d'entretien des installations, même dans les écoles avec des effectifs en surnombre. Les enquêtes montrent également une diminution des maladies diarrhéiques au niveau des ménages. Ces résultats montrent qu'une intervention combinée des trois volets Eau Assainissement et Hygiène permet d'obtenir un impact significatif dans un temps relativement court. Ces résultats ouvrent une perspective de réplication du modèle et son extension à une plus large échelle.

A ce titre, depuis janvier 2013, ACF met en œuvre une seconde phase (de 3 ans minimum) avec le soutien des agences de l'eau Rhin-Meuse et Seine-Normandie, de la région Ile-de-France et de Brest Métropole Océane. L'implication des communes est effective dès le démarrage. De même avec la DPEBA, avec laquelle la révision du matériel d'animation est engagée. La promotion de l'hygiène au niveau des ménages est désormais davantage structurée, avec la préparation d'un calendrier d'activités, des responsabilités précises, un suivi et une analyse produite par le CSS.
Le projet entend développer, avec la direction provinciale de l'Education, un indicateur d'état des latrines, de maintenance des forages et de pratiques d'hygiène par école.


(1): www.unicef.org/wash/schools
(2). Programme national d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement.


Jean Lapègue
ACF France

Claire Gaillardou
ACF Burkina Faso

Alice Pillet
Email:
apillet@actioncontrelafaim.org

ACF - Montreuil - France
ACF - Ouagadougou - Burkina Faso
 

[©Action contre la faim]
 

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