La concertation entre tous les acteurs

Un enjeu de démocratie locale pour les villes africaines

Les collectivités locales africaines témoignent chaque jour de leur engagement face à leurs nouvelles responsabilités en matière d'amélioration des services d'eau et d'assainissement. Mais leurs capacités doivent encore être renforcées pour leur permettre de mobiliser des financements, de s'entourer des compétences requises, d'accéder à une information adaptée et de construire une vision stratégique du développement des services d'eau et d'assainissement sur leur territoire. Le processus d'élaboration d'une stratégie municipale concertée vise à les aider à relever ce défi.

L'eau et l'assainissement sont des services publics locaux autour desquels peuvent se construire une capacité communale et de bonnes pratiques en matière de gouvernance. La prise en main par les collectivités de leur rôle dans la mise à disposition de ce service public est donc également un enjeu important sur le plan de la démocratie locale.

L'atteinte des objectifs que s'est fixée la communauté internationale pour accroître le taux de couverture des services d'eau et d'assainissement pour tous suppose ainsi que les collectivités locales associent l'ensemble des partenaires concernés: non seulement les organisations de la société civile, mais aussi les opérateurs privés locaux, pour mettre en œuvre des actions adaptées.

La démarche suggérée pour répondre à ces défis est l'élaboration de stratégies municipales con­certées, démarche qui a été expérimentée sur 15 villes en Afri­que de l'Ouest (Abomey au Bénin, Koudougou au Burkina Faso, Rosso en Mauritanie, Tahoua au Niger, Ziguinchor et Louga au Sénégal), en Afrique centrale (Dschang et Ebolowa au Cameroun, Dolisie en République du Congo et Bandundu en République démocratique du Con­go) et en Afrique de l'Est (Debre Birhan en Ethiopie, Nyeri au Kenya, Masaka en Ouganda et Moshi en Tanzanie).

Le terme SMC se réfère à :
– une stratégie: un document d'orientation qui présente une vision répondant à une demande et à des capacités financières et de gestion ;
– municipale: qui concerne l'ensemble du territoire communal ;
– concertée: issue de l'écoute de tous les acteurs et de leur implication à toutes les étapes du processus afin de s'assurer la mobilisation de chacun dans la mise en œuvre de la stratégie ;
– d'intervention: débouchant sur des actions immédiatement réalisables permettant une amélioration visible et rapide des pratiques et des perspectives à moyen et long termes.

De la nécessité d'un facilitateur
L'élaboration d'une stratégie municipale concertée est un processus qui doit être porté et stimulé localement par le maire et son équipe municipale. L'engagement du conseil municipal est nécessaire pour améliorer l'ancrage du processus dans la dynamique de planification locale ; les élus bénéficient ainsi d'une opportunité forte pour débattre des services d'eau et d'assainissement avec l'ensemble des acteurs et pour se construire une véritable légitimité sur le sujet.
Afin de pouvoir mener à bien ce processus, il convient d'être accom­pagné par un facilitateur externe, dont la compétence et l'expertise sont reconnues et dont la légitimité provient du niveau national, ce qui le place en dehors du jeu local. Sa neutralité lui permet de faciliter des échanges parfois houleux et surtout d'être en mesure de porter un regard neuf et objectif sur les jeux d'acteurs en place.

Ce facilitateur doit disposer de compétences fortes en matière de médiation et d'animation, ainsi que d'une bonne expertise dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, afin de pouvoir approfondir, avec chaque catégorie d'acteurs, les enjeux techniques et les solutions les plus appropriées. Ce rôle peut donc se résumer en deux mots : médiation et expertise.
La posture attendue du facilitateur est d'être à l'écoute des acteurs locaux durant la phase de diagnostic. Ensuite, durant la phase de concertation pour l'élaboration de la stratégie, il doit, tout en restant à l'écoute de chacun, faire preuve d'imagination, être force de proposition et apporter son expertise.

Les trois étapes du processus
Le processus d'élaboration d'une SMC se déroule en trois grandes étapes.
• Première étape: la réalisation d'un diagnostic concerté et détaillé, comprenant un volet socio-économique et un volet technique. Ce diagnostic vise à disposer d'une vision claire de la situation des infrastructures d'eau et d'assainissement à l'échelle municipale. Il prend en compte l'ensemble des pratiques des populations dans ces domaines, en portant l'accent sur les initiatives déjà déployées pour trouver des solutions locales adaptées, mais aussi sur les difficultés spécifiques aux différents quartiers ou aux différentes couches de la population. L'analyse des acteurs de l'offre et de la demande, et surtout l'écoute de leur perception du service et de leurs attentes est essentielle.

• Deuxième étape: partage des éléments de diagnostic et débat entre toutes les parties prenantes. La phase de diagnostic a permis d'identifier la diversité des acteurs intervenant dans la fourniture des services et des utilisateurs (la population).
Dans la plupart des villes, il n'existe pas de système unique pour l'eau et l'assainissement, mais une pluralité de systèmes, et donc d'intervenants. C'est pourquoi il est important pour la collectivité locale d'associer tous les partenaires concernés, les organisations de la société civile et les populations rassemblées au sein d'organisations de quartier mais aussi les opérateurs privés locaux, pour définir et mettre en œuvre des actions adaptées aux besoins et aux capacités des populations. A l'issue de l'étape de diagnostic, il est essentiel que ce dernier soit présenté et mis en débat publiquement, puis qu'il soit collectivement validé. Ce diagnostic partagé est la base sur laquelle chaque acteur se retrouve, qui lui permet d'identifier les défis à relever.

• Troisième phase : définition de la stratégie d'intervention. Celle-ci exprime une vision claire et partagée par tous les acteurs en présence, de la situation d'approvisionnement en eau potable et en service d'assainissement sur le territoire municipal et les objectifs d'amélioration souhaités par tous. Elle précise les contributions attendues des uns et des autres pour la mise en œuvre de ces améliorations. Pour être opérationnelle, la stratégie inclut un plan d'action localisé, réaliste et programmé dans le temps. Ce plan d'actions, collectivement con­çu et validé, vise à faciliter la complémentarité des efforts locaux et extérieurs, notamment sur le plan financier.

Un cadre souple pour l'innovation
Une stratégie municipale eau et assainissement n'est pas un cadre figé et trop détaillé qui empêcherait l'innovation et l'initiative. Au contraire, fruit du consensus dégagé par la concertation entre les différents acteurs, il s'agit d'un cadre d'orientation et de clarification qui permet à l'initiative et à l'innovation de s'épanouir avec des garanties suffisantes de pérennité. Initiative et innovation sont en effet deux facteurs déterminants pour répondre à l'évolution des modes de consommation et des niveaux de services de l'eau et de l'assainissement. Une stratégie est un outil qui permet d'anticiper le futur.

L'exercice de concertation: Un processus collectif d'apprentissage et d'appropriation

©Lettre du pS-Eau 71 de Dec 2012