retour imprimer © Lettre du pS-Eau 70 de Oct 2012

Interview d'Alain Dutemps, de l'agence de l'eau Adour-Garonne: S'adapter plutôt que se résigner

Alain Dutemps, conseiller Relations internationales et coopération décentralisée auprès du directeur général, explique comment l'agence de l'eau Adour-Garonne agit au cas par cas pour soutenir le mieux possible ses partenaires intervenant au Mali, tout en veillant à ne pas risquer leur sécurité.

• Votre agence est très présente dans la bande sahélienne, notamment au Mali. La situation politique actuelle de ce pays remet-elle en cause votre soutien aux projets de solidarité ?
Il faut tout d'abord rappeler que nous n'intervenons jamais seuls, mais toujours avec une collectivité du bassin Adour-Garonne et le plus souvent avec une ONG partenaire. Nous discutons donc ensemble de l'opportunité d'intervenir ou non.

La réponse à votre question est cependant difficile car nous sommes partagés entre, d'une part, la volonté de ne pas abandonner des partenaires parfois anciens au moment où, précisément, compte tenu de la situation qu'ils connaissent actuellement, notre présence à leurs côtés constitue un véritable réconfort, et d'autre part, le devoir de ne pas faire courir de risques à ceux qui, sur le terrain, accompagnent les projets. Ainsi, notre position se veut pragmatique et s'adapte au cas par cas.

• Et sur quels critères vous basez-vous pour prendre votre décision ?
Tout d'abord, il faut distinguer les partenariats déjà en cours, souvent depuis plusieurs années, pour lesquels nous disposons de partenaires au Sud expérimentés, en qui nous avons toute confiance. Dans ce cas, la position à adopter est sans doute de poursuivre le projet, même si, pendant quelques temps, le suivi devra être allégé. Ce peut être d'ailleurs l'opportunité de mettre nos partenaires du Sud en situation de se prendre en charge pleinement, seulement un peu plus rapidement que prévu. La situation est évidemment différente pour les projets nouveaux ou en gestation, pour lesquels des liens forts n'ont pas encore été tissés. Dans ce cas sans doute est-il plus sage de reporter de quelques mois le lancement du projet, en sachant toutefois qu'il ne s'agit que d'un report momentané.

Ensuite, il y a le critère géographique. Nous avons par exemple un projet au sud de Bamako, à Siby, que nous portons depuis près de six ans avec une collectivité locale française, Ramonville Saint-Agne, et une ONG toulousaine, l'ACAD. A ce jour, rien ne nous conduit à remettre en cause ce projet que nous suivons normalement. A l'inverse, au nord de Gao, en plein cœur du pays touareg, nous soutenons le remarquable projet d'hôpital des nomades, spécialement conçu pour accueillir leurs familles et leurs troupeaux. La poursuite du partenariat va à l'évidence être plus problématique du fait du contexte sécuritaire dans cette zone où nous ne pouvons pas nous rendre et que certains de nos partenaires maliens ont dû quitter. Ainsi, sans doute va-t-il falloir mettre ce projet en sommeil ou tout au moins le limiter à l'entretien courant des équipements en s'appuyant sur les acteurs locaux restés sur place. Mais là encore, il importe de ne pas couper les liens avec nos partenaires et de ne pas leur donner l'impression que nous les abandonnons.

• Un message clé, pour conclure ?
Face à une situation exceptionnelle comme celle-ci, il n'y a pas de réponse unique. Et l'exercice est délicat: comment ne pas abandonner des populations déjà fortement touchées par la situation actuelle, soit directement comme au Nord du Mali, soit indirectement, plus au sud, où la quasi disparition des activités touristiques entraîne un effondrement économique et prive les populations de ressources financières ? Comment aussi, être pleinement responsable et ne pas mettre en danger la sécurité de nos partenaires, du Nord comme du Sud, en les invitant à poursuivre des actions sur le terrain ? Chaque cas mérite réflexion, entre l'ensemble des partenaires, en s'appuyant bien évidemment sur les recommandations des services diplomatiques locaux, les mieux à même de nous informer sur la réalité et l'évolution de la situation sur le terrain.


Alain Dutemps
Agence de l’eau Adour-Garonne
Email:
alain.dutemps@eau-adour-garonne.fr
Site internet: www.eau-adour-garonne.fr

AE Adour-Garonne - Toulouse - France
 
 

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