retour imprimer © Lettre du pS-Eau 69 de Apr 2012

Pour une politique intégrée de gestion urbaine

Niger: Coopération Zinder/Val-de-Marne

Depuis 2006, la ville de Zinder au Niger et le conseil général du Val-de-Marne sont engagés dans un partenariat en coopération décentralisée. Plusieurs axes d'intervention font l'objet d'une programmation d'actions portant sur l'eau et l'assainissement ainsi que l'appui à la décentralisation par le développement d'une politique de gestion urbaine.

La ville de Zinder, au sud-est du Niger, repose sur un socle granitique épais, affleurant et peu perméable. Le puisage de la nappe aquifère sous ce socle granitique est complexe, ce qui est à l'origine, en 1926, du déplacement de la capitale nigérienne à Niamey.
La ville croît rapidement, de manière désordonnée, voire anarchique, tant dans la gestion de l'espace urbain que dans l'absence de gestion des problématiques d'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Le manque de gestion rationalisée des déchets so­li­des et de protection contre les eaux de ruissellement, notamment en période d'hivernage, ont des conséquences déplo­ra­bles : paludisme, choléra, etc.
Zinder ne dispose d'aucun système collectif d'assainissement et l'assainissement individuel est marginal. Des ONG travaillant à Zinder (Goal, Aide et action, Unicef…) ont installé des latrines en fosses sèches dans certaines écoles et habitations des quartiers Kara-Kara et Garin Malam. Quel­ques puits d'infiltration ont été construits, reprenant les eaux grises issues des usages domestiques, mais ils sont souvent situés en dehors des concessions, sur les voies publi­ques. L'assainissement des déchets liquides est donc un véritable problème à Zinder.

La production d'eau potable quant à elle provient de deux aquifères situés à 25 km de la ville. Deux stations de pompage et deux réservoirs d'une capacité totale de 3 000 m3 alimentent un réseau d'eau potable couvrant l'ensemble du noyau urbain, les zones périphériques étant équipées au fur et à mesure de l'évolution urbaine. L'accès au réseau se fait soit par des branchements privés (encore rares), soit par bornes-fontaines sur la voie publique avec vente de l'eau à la population à un prix fixe sur l'ensemble du territoire, soit par des vendeurs d'eau.

La Société du patrimoine des eaux du Niger (SPEN) est responsable du patrimoine lié à l'eau potable et de son développement et la Société d'exploitation des eaux du Niger (SEEN) est chargée de la production et de la distribution de l'eau potable (redevance, suivi des consommations).

Les collectivités locales face à la décentralisation
Les récentes lois sur la décentralisation et le régime de l'eau (code de l'eau) reconnaissent aux collectivités territoriales des pouvoirs de gestion et de réglementation des ressources naturelles – dont l'eau – ainsi qu'en matière d'élaboration d'outils de développement économique et social et de contrôle de la conformité des réalisations. Les communes participent ainsi à la production et/ou à la distribution d'eau potable, elles assurent la construction, l'aménagement et l'entretien des fontaines et puits publics.

De plus, le nouveau code général des collectivités territoriales, adopté en conseil des ministres en septembre 2010, prévoit que le conseil municipal délibère dans les domaines liés à la politique de développement communal : création et gestion des équi­pements collectifs (écoles primaires et maternelles, centres de formation de l'éducation non formelle, centres de soins de santé primaire, fontaines et puits publics, voiries et pistes rurales, collecteurs de drainage, égouts, hygiène publique et assainissement, traitement des eaux usées et ordures ménagères, eaux pluviales, etc.).

Il instaure également une nouvelle organisation administrative à travers deux ordonnances qui définissent les statuts et compétences des villes et arrondissements. Selon ces deux textes, toute commune de plus de 100 000 habitants est érigée en commune à statut particulier ou ville, soumises aux règles applicables aux communes. C'est le cas de Maradi, Tahoua, Niamey et Zinder, érigées en communes à statut particulier ou villes, divisées désormais en arrondissements (qui remplacent les communes qui les composaient jusqu'ici).
Ainsi, Zinder (jadis communauté urbaine de Zinder) compte aujourd'hui 5 arrondissements (an­ciennes communes 1 à 5), ré­partis en deux types, quatre de type urbains (arrondissements 1 à 4) et un de type rural (arrondissement 5).


Un dispositif d'étroite collaboration entre les deux partenaires
La signature d'un protocole d'accord entre le conseil général du Val-de-Marne, la ville de Zinder et les cinq communes qui la composaient alors remonte à mars 2006. Plusieurs missions de terrain des services du Val-de-Marne avaient permis, en concertation avec les autorités locales, d'identifier cinq axes prioritaires :
– améliorer la situation de l'environnement en abordant notamment les problématiques de l'hydraulique, de l'assainissement ainsi que de la collecte et du traitement des déchets ;
– travailler sur les questions sanitaires, en particulier sur l'amélioration de l'hygiène avec un lien fort aux actions de sensibilisation et de prévention, notamment en direction des enfants ;
– développer des perspectives d'échanges sur le long terme en matière d'éducation ;
– promouvoir les échanges culturels pour améliorer la connaissance mutuelle des populations de Zinder et du Val-de-Marne ;
– appuyer les collectivités partenaires dans les processus de décentralisation en cours et, grâce aux échanges d'expériences sur ces processus, favoriser le renforcement de leur autonomie administrative, technique et financière.

Initié en 2007, le projet « Eau, assainissement, environnement, sur le territoire de Zinder » répond aux axes de travail définis en 2006 ; il est le premier projet conduit sur cette thématique par le conseil général du Val-de-Marne au titre de la coopération avec Zinder. Il a été conçu et réalisé grâce à un partenariat entre le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP), l'agence de l'eau Seine-Normandie (AESN), le ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE), Zinder et le conseil général du Val-de-Marne. Sa particularité :
– un partenariat direct entre collectivités, sans recours à un opérateur local ;
– un pilotage de l'opération par le service des relations internationales du Val-de-Marne et une mobilisation de l'expertise de ses services techniques pour chaque do­maine d'intervention.

La forte implication des services techniques du département du Val-de-Marne est à souligner, notamment celles de la direction des services de l'Environnement et de l'Assainissement (DSEA) et de la direction de l'Aménagement et du Développement des Territoires (DADT). L'ensemble des aspects techniques du programme est appréhendé par l'expertise technique de ces services, en lien étroit avec les services de la ville de Zinder (services du développement communautaire, de l'hygiène/assainissement, de la voirie et du génie rural).

La coordination des projets est assurée par un binôme composé d'un chargé de projet dépendant du service des Relations internationales (SRI) du Val-de-Marne et du responsable de l'Aménagement et du Développement communautaire de Zinder. Une assistance technique régulière est de cette façon apportée tout au long de l'exécution du projet.

Les services de la Ville, réunis au sein d'un comité de suivi et de contrôle des actions menées composé des quatre responsables du développement communautaire, de l'hygiène/assainissement, de la voirie et du génie rural, assurent le pilotage local du projet.
La sélection des opérateurs, basée strictement sur les règles de procédure des marchés publics, et la réception des travaux se font en étroite collaboration entre la ville de Zinder et le conseil général du Val-de-Marne. La population, con­sul­tée sur les actions à mener, contribue aux travaux, à la mise en place de comités de gestion, aux campagnes de sensibilisation et de formation.

Vers un cadre de concertation communale
Essentiel et sous-jacent à tous les autres (cf. page 4), un sixième domaine d'action repose sur un constat. Face aux questions liées à l'environnement (aménagement du territoire, hygiène, assainissement…), les services techniques en charge de ces domaines manquent de moyens logistiques et humains. La situation est d'autant plus problématique que le transfert massif de compétences lié au processus de décentralisation vers les collectivités locales s'opère dans un délai très court. En parallèle à l'exécution des travaux, le renforcement des capacités des services techniques de la ville était donc un axe majeur du programme, tout au long du processus.
Une stratégie de suivi-évaluation originale a dans ce but été mise en œuvre. Celle-ci repose sur deux domaines d'intervention (la partie administrative et la partie technique) avec pour objectif de favoriser l'acquisition de nouvelles compétences des collectivités, tout en prenant en compte la dimension contextuelle, temporelle et humaine des projets.

Chaque projet est élaboré en commun, depuis l'identification du besoin à la définition des actions à mener, sur la base des axes prioritaires inscrits au plan de développement communal. Une fois identifiés, les actions sont planifiées avant leur mise en œuvre, en tenant compte de trois niveaux : politique (validation des élus de chaque collectivité), technique (choix des aménagements) et administratif (élaboration des dossiers d'appel d'offres).
Cette méthode permet une évaluation continue du partenariat en intégrant à la fois les besoins exprimés par les élus, les forces et les compétences de chaque collectivité, les capacités de gestion des projets et la volonté des hommes à travailler ensemble.
Ce dispositif associe également les partenaires, le SIAAP et l'AESN (qui ont participé à plusieurs missions à Zinder), en instaurant une présence régulière sur le terrain des partenaires français (tous les quatre mois en moyenne).

Pour compléter ce dispositif, un important effort a été entrepris en dotation de matériels (bureautique, logiciel de cartographie, matériel de terrain) et en formation. Les quatre responsables du développement communautaire, de l'hygiène/as­sai­­nissement, de la voirie et du gé­nie rural ont bénéficié de formations techniques adaptées, renforcées par un appui technique du conseil général du Val-de-Marne en faveur des agents de la ville et l'accueil de ces derniers en Val-de-Marne pour des sessions d'é­chan­ges de compétences(1).

En terme de gouvernance locale, ce type de coopération a largement contribué à améliorer les compétences des techniciens et élus de Zinder. Ceux-ci sont désormais convaincus de l'intérêt de recourir à une approche intégrée associant la population et à une vision prospective des projets. La maîtrise des outils de planification, comme les plans de développement communaux ou les principes d'une stratégie de concertation, sont désormais acquis.
Cela a également permis d'asseoir la légitimité de la ville en ce qui concerne la fourniture de service de base comme l'accès à l'eau potable. Cette reconnaissance se constate notamment à travers les multiples interpellations dont les élus locaux font aujourd'hui l'objet. Dans ce domaine, un projet de stratégie de concertation entre les acteurs de la société civile, les autorités locales, les ONG est à l'étude. Il vise la modélisation d'un cadre de concertation pour la réalisation de plans de développement communaux sur le territoire de la ville de Zinder. Cette proposition s'inscrit dans le contexte de réorganisation administrative territoriale des collectivités locales nigériennes. La fusion des anciennes communes implique une coordination accrue du développement et renforce le rôle de la ville de Zinder qui, dotée d'un tel schéma, sera mieux à même de relever le défi du développement local mais aussi de la citoyenneté et de l'implication des habitants dans les affaires publiques.
Dans les domaine de l'eau, de l'environnement et de l'assainissement, une programmation des actions est d'ores et déjà envisagée pour la période 2011/2016.


(1) Plusieurs formations, qui se sont déroulées au service Etudes pré-opérationnelles (Sepro) de la direction des services de l'Environnement et de l'Assainissement (DSEA), ont porté sur l'utilisation du logiciel Géo­media Pro, en cartographie.


Basile Pierre
conseil général du Val-de-Marne
Email:
basile.pierre@cg94.fr

Mahamane Garba
ville de Zinder, responsable de l’aménagement du territoire
Email: garba.mahamane@yahoo.fr

CD 94 - Créteil - France
Ville de Zinder - Zinder - Niger
 

L’étude de la gravitation des eaux pluviales est indispensable avant tout travaux d’aménagement: Situation avant travaux

Caniveau restauré.
 

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