retour imprimer © Lettre du pS-Eau 67 de Oct 2011

Assurer la pérennité des services d'eau et d'assainissement

Mali: Gestion intercommunale dans le Gourma Rharous


Quatre artisans ont été formés à la mécanique et dotés de caisses à outils.

Au nord du Mali, l'accès à l'eau et à l'assainissement demeure un enjeu vital.
En 2008, le Syndicat intercommunal de la bande du fleuve (SICOBAF), qui regroupe quatre municipalités de la région, sollicite SOS SAHEL pour initier un programme multipartenarial axé notamment sur un meilleur accès à l'eau et à l'assainissement des populations.

Le SICOBAF a été créé en 2007 par les élus de quatre municipalités du cercle du Gourma-Rharous (Banikane, Hamzokama, Rharous et Séréré), au nord de Tombouctou, pour créer une synergie et gérer des projets communs visant l'amélioration durable des conditions de vie des populations.
Ce nouveau programme fait suite à un premier projet d'amélioration de la santé des populations par l'accès à l'eau potable mené sur la période 2001-2008 et cofinancé par la Ville de Paris, la Principauté de Monaco, l'Agence de l'eau Seine Normandie, Veolia, la Communauté urbaine de Lyon et SOS SAHEL.

L'objectif du projet, qui sera mené sur quatre ans, est l'amélioration durable des conditions de vie socio-économiques des populations de Gourma-Rharous par un meilleur accès à l'eau potable, à l'assainissement, à la nutrition des enfants de 0 à 5 ans et à l'amélioration de la sécurité alimentaire. Le SICOBAF est le maître d'ouvrage de ce projet, avec le soutien de SOS SAHEL, du Conseil Général des Hauts-de-Seine, de la Principauté de Monaco, de l'Agence
de l'eau Seine Normandie et de son partenaire associatif Kinder In Not.

Afin d'affiner la stratégie d'intervention, une étude réalisée en septembre 2008 par une équipe d'experts et de deux ingénieurs de SOS SAHEL, identifiait les priorités en termes d'accès à l'eau et à l'aide nutritionnelle et fixait un plan d'actions sur quatre ans. Selon les normes nationales, les besoins sont calculés sur la base d'un point d'eau pour 400 habitants, et de 20 litres par personne et par jour. Or, dans cette zone, on constate qu'un habitant sur trois n'a toujours pas accès à l'eau potable : 36 points d'eau seraient encore nécessaires pour couvrir les déficits dans cette région de 15 000 habitants.
La réussite de ce programme passe notamment par la formation des élus et des gestionnaires sur les bases stratégiques, techniques et méthodologiques nécessaires. Il se traduit aussi par la
formation des groupes bénéficiaires sur un ensemble de compétences et d'outils aidant à l'autonomie dans la gestion, le fonctionnement, la maintenance et le suivi des ouvrages.

Eau et assainissement, deux faces du problème de santé publique
En termes d'infrastructures, le programme a consisté en la construction de nouveaux puits et forages et la réhabilitation des ouvrages vétustes. Le contrôle et la supervision des travaux ont été assurés par un bureau d'études de Tombouctou, tandis que la supervision technique a été réalisée par la Direction régionale de l'Hydraulique de Tombouctou et la coordination technique par SOS SAHEL.

Les habitants se sont très vite approprié les ouvrages en constituant 17 comités de points d'eau et d'assainissement (CPE), dont les membres ont été formés à la gestion et à l'entretien des
ouvrages hydrauliques – notamment des pompes manuelles. Ces comités sont responsables de la gestion des points d'eau et de la sensibilisation des populations sur la démarche du projet, notamment sur le rôle primordial des CPE pour la pérennisation des ouvrages.
Afin de garantir la durabilité de ces infrastructures, un suivi rigoureux de la qualité a été entrepris. Chaque point d'eau a été soumis à des analyses physico-chimiques et bactériologiques par une équipe de deux ingénieurs sanitaires de la Direction régionale de la Santé de Tombouctou. Ces analyses bactériologiques ont permis d'identifier le type de traitement à appliquer à chaque point d'eau, notamment les procédures de javellisation et de chloration, suivant les normes de l'OMS. En plus des actions des CPE, les services de santé de la zone doivent effectuer un suivi annuel pour vérifier eux aussi le maintien de la potabilité de l'eau et procéder à des désinfections en cas de nécessité.

Les problématiques liées à l'eau ne concernent pas seulement les
villages ruraux mais aussi la ville même de Rharous, où le déficit d'eau actuel est de l'ordre de 75 m3/j. L'insuffisance de points d'eau conduit les populations locales à boire l'eau du fleuve Niger, impro-pre à la consommation. Il en résulte le développement de maladies : bilharziose, cholera, dracunculose, etc., qui posent le problème de l'assainissement.
La plupart des lieux publics et des ménages ne disposent pas de latrines, ce qui entraîne une pollution de l'eau du fleuve par les excreta. La moyenne observée est de une latrine pour 88 habitants alors que la norme serait de 1 latrine pour 10 habitants.

En accord avec les communes du SICOBAF, des latrines familiales et à usage public dans les écoles et centres de santé ont été construites. Les sites de construction des latrines publiques ont été choisis par le SICOBAF selon les priorités du Programme de développement social, économique et culturel des communes (PDSEC). A ce jour, grâce à la sensibilisation, aux formations et à la réalisation des latrines à usage public, 400 écoliers et 100 patients par semaine du centre de Rharous sont prémunis contre le “péril fécal“.

La réalisation de l'AEP, une étape clé
Des études menées entre 2008 et 2009 ont abouti parallèlement à l'élaboration d'un dossier de faisabilité technique, sociale et économique d'une adduction d'eau potable (AEP) pour la ville de
Rharous. Sous l'égide de la mairie, un comité de suivi et de contrôle de la gestion de l'AEP a déjà été constitué et formé. Un business-plan établit que l'AEP de Rharous peut tout à fait être viable si les investissements de plus de 10 ans sont soutenus par l'Etat et les partenaires et que des dispositions adéquates en matière de gestion sont effectivement observées. Cette infrastructure permettra à plus de 4 800 personnes d'avoir accès à une eau de qualité à proximité de leur habitat. SOS SAHEL et les services techniques accompagneront le gestionnaire et le SICOBAF. Il est plus que nécessaire d'encourager une appropriation de la maîtrise d'ouvrage locale sur une base
économique viable et une organisation efficace.

Dans les villages, Les populations participent financièrement au chantier puis versent des redevances (forfaitaires ou au volume prélevé) au niveau de chaque forage. Un fonds a été constitué grâce à la contribution des bénéficiaires Cette épargne permettra l'extension du réseau d'eau potable en fonction des besoins des populations.

Informer, former : le levier du changement
Pour démarrer le processus de collecte de la contribution des
bénéficiaires, l'équipe du projet, en collaboration avec les autorités communales, a procédé à un recensement des consommateurs potentiels de l'eau.
Des ateliers de sensibilisation et d'information ainsi qu'un débat radiophonique sur la radio locale Gourma FM, la voix des femmes ont été organisés.

Une association d'artisans réparateurs a été créée à Rharous pour tout le cercle de Gourma Rharous. Quatre artisans ont été identifiés par chacun des maires et formés à la mécanique des pompes et à la maintenance des ouvrages. Ils ont été équipés d'une caisse à outils et d'un kit de pièces de rechange pour venir à bout des pannes graves, qui dépasseraient la compétence des comités de gestion. Après chaque intervention, l'artisan réparateur rend compte de la nature de la panne aux CPE et formule des recommandations pour une meilleure utilisation des infrastructures. Le rôle de ces artisans dans la vie quotidienne des communes est vital ; en intervenant dès que la panne est déclarée, les réparateurs épargnent aux populations locales plusieurs mois d'attente sans eau potable.

Les formations ont été le principal levier du transfert de compétences et d'appropriation des infrastructures par les populations et les élus locaux. Les membres des CPE ont bénéficié de formations en gestion des ouvrages et en hygiène de l'eau et assainissement. Huit membres parmi les élus locaux, dont les maires des quatre communes, ont bénéficié d'un apprentissage et d'un renforcement en maîtrise d'ouvrage locale et gestion des points d'eau.
Aujourd'hui les élus sont capables d'utiliser les outils de gestion et de former les CPE, ce qui renforce leur rôle et leur responsabilité et leur permet de prendre en main la gestion des parcs de points d'eau. (Cette dernière phase de consolidation intégrant ce processus de passation et d'appropriation du projet par les populations locales se voit cependant momentanément suspendue suite au désistement de l'un des partenaires financiers.)
La réponse à la problématique de l'eau est primordiale et son aboutissement est indissociable des actions assurant la sécurité alimentaire. En termes de nutrition, des
formations de relais nutritionnistes ont été créées intégrant un programme de sensibilisation, de dépistage et de diagnostic. La récupération d'enfants malnutris et la mise à disposition de kits alimentaires ont conduit à une chute considérable du nombre d'enfants atteints et à un taux de guérison des enfants pris en charge de 99 %.

Mise en place d'un périmètre irrigué
Pour consolider ces actions de lutte contre la malnutrition, l'appui à la production agricole était indispensable.
Suite à la réalisation d'études techniques et financières et après avoir sélectionné les futurs exploitants, un périmètre irrigué a été mis en place ainsi qu'une coopérative agricole et un comité dont les membres ont aussi été formés aux techniques de gestion et d'organisation.

Au total, de 2001 à 2009, les populations locales des communes riveraines du fleuve Niger (Rharous, Banikane, Séréré, Hamzakoma) dans le cercle de Gourma Rharous au Mali, ont réussi à construire, avec le soutien de SOS SAHEL,
46 puits à grand diamètre de 80 cm,
7 forages équipés de pompes à motricité humaine,
164 latrines familiales
et 7 latrines publiques dans les écoles.

En 2011, l'adduction d'eau potable est en phase de finition pour la ville de Rharous. Aujourd'hui, 89 % des points d'eau réalisés sont fonctionnels. La pérennisation des ouvrages repose sur l'implication de tous les acteurs locaux et le dynamisme des comités de gestion.


Augmenter les capacités opérationnelles des groupes-cibles
« L'objectif de ce programme est l'amélioration durable des conditions de vie socio-économique des populations pauvres dans la partie nord du Mali. L'amélioration porte sur les priorités des populations, à savoir l'augmentation significative des productions agro-sylvo-pastorales, l'accès à l'eau potable, à l'éducation, à la santé et l'augmentation des capacités techniques et opérationnelles des groupes-cible.
L'atteinte de cet objectif passe notamment par la formation des élus et des gestionnaires sur les bases stratégiques, techniques et méthodologiques nécessaires. Il se traduit aussi par la formation des groupes bénéficiaires sur un ensemble de compétences et d'outils aidant à l'autonomie dans la gestion, le fonctionnement, la maintenance et le suivi des ouvrages.»
Mahamane CISSE,
Coordinateur projets zone Rharous
SOS SAHEL


Mariem Ben Abid
Email:
mariem.benabid@sossahel.org
Site internet: www.sossahel.org

SICOBAF - Rharous - Mali
SOS Sahel - Asnières - France
Sos Sahel - Bamako - Mali
 
 

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