retour imprimer © Lettre du pS-Eau 67 de Oct 2011

Professionnaliser la gestion d'une adduction d'eau gravitaire

Madagascar: L'accès à l'eau à Anjozorobe


Réparties sur l’ensemble du centre ville, 32 bornes-fontaines sont accessibles aux 6 500 habitants de la commune, à moins de 200 m de leur habitat.

A la demande de la municipalité malgache, l'association Amitié Madagascar Ile-de-France (AMIF) accompagne les autorités et les populations de la commune d'Anjozorobe dans la réalisation d'un programme de réhabilitation-extension du système d'approvisionnement en eau. Retour sur les étapes de cette opération marquée par un objectif : pérenniser l'accès à l'eau pour tous.

La commune rurale d'Anjozorobe compte un peu plus de 21 000 habitants qui vivent pour la plupart de la riziculture.
Située sur les hauts plateaux de Madagascar, à 90 km au nord d'Antananarivo, Anjozorobe est bien desservie par la RN3, dans une zone à la pluviométrie suffisamment importante, mais la commune connaît des conditions sanitaires préoccupantes.

Réalisée en 1990, une première adduction d'eau potable consistait en un réseau gravitaire desservant le centre ville, et en quelques petits captages annexes alimentant les fokontany (villages) périphériques. Cependant en 2007, faute d'entretien, ces infrastructures étaient en mauvais état. Cette année-là, le taux d'accès à l'eau potable en 2007 était ainsi estimé par le maire à 20 % de la population communale, et le taux d'accès à l'assainissement quasi nul.
Préoccupé par cette situation, le maire de l'époque a sollicité l'appui de l'association Amitié Madagascar Ile-de-France. Avec l'appui de correspondants expérimentés dans le domaine de l'eau, l'AMIF a réalisé une étude qui a révélé que le réseau gravitaire existant, bien que très dégradé, pouvait être remis en état, et que les sources qui l'alimentent suffisaient à la population, estimée à un horizon de 10 ans.

En 2008, débute une première phase de travaux, à laquelle le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) apporte son concours financier. Ces travaux consistent en la réhabilitation du captage, du système de traitement et du réseau d'amenée, ainsi qu'en la protection de la ressource captée. Le barrage de captage, la station de filtration et 13 km de canalisations sont ainsi réhabilités. Le volume du bassin de retenue d'eau est accru par extension et surcreusement. Pour préserver la qualité de la ressource en eau, des épineux sont plantés autour du bassin de captage afin de le mettre à l'abri du bétail. La commune décide en outre d'installer, à proximité du barrage, un gardien chargé de réguler le débit à la sortie de la station de filtration, de veiller au bon entretien de l'espace et de supprimer les espèces nocives sur le bassin versant.
En complément, les fonds propres de l'association, obtenus par la mobilisation de ses membres, permettent la réhabilitation ou la construction de 32 bornes-fontaines. Réparties sur l'ensemble du territoire du centre ville, elles sont accessibles aux 6 500 habitants à moins de 200 m de leur habitat.

Cette réhabilitation du réseau de distribution est achevée en 2009, avec le remplacement d'un réservoir de 9 m3 par un château d'eau de 50 m3. La construction de cette infrastructure importante pour une commune telle qu'Anjozorobe est effectuée par l'entreprise Ny Havana, qui a déjà assuré avec succès la réhabilitation de l'adduction d'eau. A la satisfaction de la population, depuis octobre 2009 les bornes-fontaines sont alimentées très régulièrement.

La complémentarité commune/comité de l'eau
Parallèlement à la réhabilitation des infrastructures, l'AMIF et la commune d'Anjozorobe ont oeuvré à la mise en place d'une organisation de la gestion de l'eau potable, conforme au Code de l'eau malgache et capable d'assurer durablement l'entretien des ouvrages. En phase avec le processus de décentralisation de l'Etat malgache, la commune joue un rôle majeur dans la définition de l'organisation du service et dans le suivi de la gestion, déléguée à un comité de l'eau, mis en place par une délibération communale. Le président du comité de l'eau est nommé par le maire, qui choisit en l'occurrence la personne qui connaît le mieux les installations existantes et les ressources en eau de toute la commune, d'une surface de 512 km2. Une trésorière et un secrétaire secondent le président. Un des points innovants de cette organisation a été la volonté de professionnaliser ce comité de l'eau via le recrutement de deux salariés : un gardien, déjà évoqué, chargé du suivi de la production d'eau potable et un technicien, chargé du suivi et de l'entretien des ouvrages.

Au niveau financier, le principe d'une indépendance du budget du comité de gestion de l'eau par rapport au budget communal est affirmé. Une nouvelle délibération communale détermine le prix de l'eau : 4 000 ariary (environ 1,4 €) par an et par foyer, 40 000 à 100 000 ariary (entre 15 et 40 €) pour les administrations et services. Ces tarifs n'ont pas été déterminés par rapport au coût de l'eau, non encore évalué, mais par rapport aux capacités financières estimées de la population.
Un premier budget prévisionnel fondé sur ces recettes permettrait d'assumer les coûts de maintenance, l'achat de produits de chloration ainsi que le salaire du gardien et du technicien.

Le bilan financier en fin d'année fait apparaître un taux de recouvrement de 63 % par rapport au budget prévisionnel. Il a permis d'assurer les dépenses incompressibles. Toutefois, le fonds d'investissement et les indemnités à verser aux bénévoles du comité n'ont pu être financés. L'année 2010, malgré une augmentation sensible du prix de l'eau (4 800 AR, soit environ 1,7 €), verra le taux de recouvrement diminuer à 58 % du fait d'une sécheresse exceptionnelle qui a sévi sur l'ensemble du pays, privant pendant plusieurs semaines la population d'une alimentation satisfaisante.

L'assainissement, un besoin exprimé par les populations
En 2010-2011, la coopération entre Anjozorobe et l'AMIF s'est penchée sur les problématiques de l'accès à l'eau potable dans les fokontany périphériques et de l'assainissement. Trois fokontany voient ainsi la réhabilitation ou la construction de systèmes d'adduction d'eau indépendants. Mais des rencontres avec la population de chacun des fokontany font apparaître un besoin réel d'installations sanitaires : douches et lavoirs collectifs, latrines familiales.

Un autre objectif du projet est donc d'améliorer les conditions d'hygiène par la construction de sanitaires publics et une campagne de sensibilisation. Celle-ci s'est inspiré des trois messages clés prônés par la plateforme Diorano-WASH (1), à savoir le lavage des mains au savon, l'utilisation effective des latrines hygiéniques et la préservation de la potabilité de l'eau, du puisage à la consommation. Une équipe constituée de membres d'AMIF, du comité de gestion de l'eau et de représentants de la commune a mené la campagne de sensibilisation dans chacun des fokontany. Des outils de communication (affiches, panneaux, vidéos) réalisés localement ou émanant de Diorano-WASH ont porté sur les changements de comportement et ont abouti à une implication de la population qui s'est engagée à réhabiliter les latrines existantes ou à en construire de nouvelles.

Vers une délégation à un opérateur privé
Sur la base d'un diagnostic visant à évaluer les besoins d'amélioration des installations existantes et de construction, un concours a été lancé pour sélectionner les cinq latrines répondant le mieux aux normes de construction. Les douches et les lavoirs, dont la localisation a été déterminée par la population, sont actuellement en voie de finition.
Cette extension du projet, d'un coût de 135 000 €, a été financée par des subventions de la communauté urbaine de Bordeaux, du conseil général de l'Essonne et de l'agence de l'eau Adour-Garonne. La part de fonds propres apportés par l'AMIF va croissant grâce à un développement de ses actions en France.
De son côté, la Fondation Orange a apporté une contribution qui a permis la réalisation de toilettes et de lave-mains dans les six écoles primaires des fokontany concernés. De ce fait la desserte en eau de chaque école et la disponibilité de lave-mains et toilettes dédiées aux garçons et aux filles permettent une meilleure sensibilisation à l'hygiène et au bon usage des installations par les jeunes, meilleurs acteurs des changements de comportement.

La gestion du service de l'eau et des installations d'assainissement qui se développe et se complexifie par l'extension géographique et la multiplication des infrastructures, appelle à une réflexion. La participation du maire d'Anjozorobe à une rencontre organisée dans le cadre du réseau Ran'Eau par le pS-Eau et le CITE en juillet à Paris, les partages d'expérience avec les autres acteurs de terrain, les rencontres avec les responsables des collectivités territoriales, ont contribué à faire avancer la réflexion de la commune sur une évolution du service de l'eau et de l'assainissement.

Les points suivants ont été avancés :
– le service de l'eau doit se soucier de la satisfaction des usagers et permettre une implication active de la population dans la détermination des projets et dans sa participation à la réalisation des infrastructures, gage de leur bonne utilisation ;
– l'exploitant doit être réactif dans la maintenance des installations, ce qui nécessite la formation de personnes ;
– la commune doit être rigoureuse dans l'évaluation du coût de l'eau, dans la fixation des tarifs et veiller au recouvrement des coûts.

Elle doit être transparente dans ses décisions et le partage des responsabilités. La gestion déléguée à un comité d'eau, bien qu'employant des salariés, semble aujourd'hui montrer ses limites, avec la complexité des infrastructures qui nécessite une professionnalisation de la gestion.
De plus, le Code de l'eau malgache accepte que la gestion de l'eau soit assurée à titre provisoire par un comité de gestion constitué en association, mais il préconise de manière générale la délégation à une société privée. Les responsables de la commune envisagent donc de faire évoluer le mode de gestion dans ce sens. L'élaboration d'un cahier des charges et du contrat de gestion est actuellement à l'étude. Ce nouveau contrat de délégation devra permettre de bien situer les responsabilités de chaque partie prenante (maître d'ouvrage, gestionnaire et représentation des usagers), en impliquant davantage la population.

L'engagement des trois parties à respecter ses droits et ses devoirs apparaît comme un gage de réussite.



1 Diorano-WASH: Une structure qui encourage au développement des pratiques d'hygiène à Madagascar.


Suzanne Speidel
AMIF
Email:
suzanne.speidel@wanadoo.fr
Site internet: amif.asso-web.com

AMIF - Epinay-sur-Orge - France
CR Anjozorobe - Anjozorobe - Madagascar
Ny Havana - Antananarivo - Madagascar
 

Nouveau réservoir en béton de 50 m3

Point innovant de l'organisation: un technicien salarié du comité de l'eau est chargé de l'entretien des ouvrages.
 

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