Présente depuis son origine en 1987 sur la commune de Sô Ava, localité majoritairement lacustre, l'association Arcade développe avec les autorités locales, la commune d'Orvault et Nantes Métropole un programme d'équipement et d'appui à l'entretien de latrines adaptées à l'environnement inondable du lac Nokoué.
Située au nord de Cotonou dans la basse vallée de l'Ouémé, la commune de Sô Ava comprend sur son territoire une partie du lac Nokoué. Elle est traversée par la rivière Sô et la terre ferme occupe 39,24 km2 contre 141,7 km2 pour les plans d'eau. Dans cette zone subtropicale, elle est soumise à la saison des pluies qui augmente périodiquement son caractère lacustre et justifie qu'une grande partie des constructions sont sur pilotis. En augmentation rapide, la population est aujourd'hui estimée à plus de 107 000 habitants, qui vivent dans des conditions d'hygiène précaires.
Devant les problématiques d'accès à l'eau potable et à l'assainissement, la construction de latrines publiques a été une préoccupation d'Arcade dès 2001. Une première opération-pilote a porté sur la réalisation de deux premières latrines adaptées au contexte lacustre, avec surélévation des édifices et fosses étanches. Appréciées par la population et à la demande des enseignants et des parents d'élèves, ces premières réalisations ont été suivies en 2007 par deux autres constructions de latrines de 4 cabines au sein d'établissements scolaires.
Devant l'ampleur des besoins et les nombreuses demandes de la population, Arcade association, implantée à Orvault, est intervenue auprès des autorités de cette ville pour créer des liens avec la commune de Sô Ava. Un protocole d'amitié a été signé en novembre 2006 entre les deux villes, et en 2007 un projet a été soumis avec succès au financement de la communauté urbaine de Nantes. Les liens Nord/Sud se sont renforcés entre les deux communes et depuis 2009, un pacte de coopération décentralisé a été signé.
Depuis trois ans, la ville d'Orvault et Nantes Métropole accompagnent un programme de réalisation de cinq blocs de latrines publiques par an, dont la ville de Sô Ava est le maître d'ouvrage. Arcade est chargée du suivi du projet auprès des partenaires et du versement des fonds au fur et à mesure de son avancée. Des missions régulières de suivi permettent un meilleur travail en commun. Des conventions signées entre tous les partenaires du projet ont abouti à la construction de quinze latrines depuis trois ans, ce qui porte à 19 le nombre de constructions réalisées avec l'appui d'Arcade.
Surélévation des constructions et traitement distinct des excrétas
En 2007, avant le lancement du projet d'implantation de latrines publiques à grande échelle, Arcade a voulu vérifier la validité des premières réalisations pour procéder si nécessaire à certaines adaptations. Une mission d'expertise a ainsi été conduite par un ingénieur de Nantes Métropole, qui a souhaité modifier la conception initiale pour 8 futures cabines, majoritairement prévus pour des écoles. Ces propositions ont permis un certain nombre d'avancées.
Les urines et les matières fécales sont traitées séparément. Les urines sont dirigées vers des bidons ou des puisards, selon la nature du sol, et les matières vont dans l'une des deux fosses étanches. Les fosses sont mises en service l'une après l'autre. Les matières récoltées, après hygiénisation, sont utilisées comme engrais agricole. L'orientation des édifices a été définie en fonction des vents dominants avec tuyaux d'aération. La ventilation facilite le séchage des boues et évite les odeurs dans les cabines. L'utilisation de matériaux résistant à l'humidité a été préconisé (par exemple des fosses enduites de sicalite, du bois pour les portes, des grilles d'aération en plastique, etc.), pour éviter des pollutions supplémentaires dans les eaux du lac. D'autres améliorations techniques ou organisationnelles ont été ajoutées par la suite pour la deuxième tranche de construction.
La procédure d'appel d'offres a été lancée pour chaque latrine, avec consultation d'Arcade à chaque étape de mise en œuvre des procédures et du suivi des travaux. L'installation de lavabos a été intégrée au bâtiment pour le lavage des mains. Des bidons en plastique remplis d'eau alimentent les deux lavabos et permettent de nettoyer les toilettes. La mise en place de formation à l'hygiène dans les écoles a été initiée avec animations théâtrales et documents pédagogiques créés à cet effet.
En 2010, dernière année du programme, le centre Songhaï, pôle d'expertise en innovation écologique basé à Porto Novo, a été consulté pour vérifier à nouveau la pertinence du programme et identifier d'éventuelles évolutions. Cette nouvelle expertise s'est déroulée durant la saison des pluies qui, cette année, était exceptionnellement forte, dépassant parfois de plus de 3 à 4 m d'eau le niveau habituel de crue. L'expertise a révélé des aspects : les latrines Arcade sont les seules sur la commune de Sô Ava à ne pas avoir été inondées. Elles sont aujourd'hui labelisées Ecosan par les partenaires, dont le Crepa (Centre régional pour l'eau potable et l'assainissement à faible coût).
Intégration des villageois au sein de nouveaux comités de gestion
Le conseil communal met actuellement en œuvre le 2e Plan de développement communal (PDC 2010– 2014), élaboré avec le soutien d'Oxfam Québec. Le 14 janvier 2011, le conseil communal de Sô Ava a invité tous les acteurs de développement présents sur le lac, à participer à une table ronde: les sages et les notables, les organisations de la société civile, les organisations non gouvernementales intervenant dans la commune de Sô Ava, les partenaires techniques et financiers. La table ronde avait pour but d'informer les partenaires techniques et financiers du contenu du nouveau PDC et de solliciter leur concours pour sa mise en œuvre.
Les participants à la table ronde ont formulé des recommandations et listé les priorités pour l'eau et l'assainissement.
Pour l'assainissement plusieurs axes ont été retenus :
– mise en place d'un dispositif de suivi/évaluation des ouvrages hydrauliques ;
-– promotion des toilettes Ecosan et de l'agriculture biologiques;
– création d'un comité de gestion des latrines dans la commune;
– sensibilisation des populations à la propreté, pour elle-même et pour favoriser la promotion du tourisme (dans la commune de Sô Ava, l'arrondissement de Ganvié est classé au patrimoine de l'Unesco).
La nécessité a été soulignée de renforcer le rôle de coordination de la commune auprès des ONG intervenant à Sô Ava, afin d'assurer, en concertation avec les autorités locales, une meilleure synergie de leurs actions.
Un maillage du territoire plus efficace au profit de l'ensemble de la population devra être établi pour respecter les besoins recensés dans les 42 villages de la commune, dont seul un tiers des besoins est actuellement couvert.
Des représentants des habitants de Sô Ava participent désormais au Cadre communal élargi de concertation (CCEC), composé des représentants de 7 ONG, de 7 secrétaires d'arrondissement et de 7 femmes pour garantir la gestion pérenne des équipements. De plus, les comités de gestion de l'eau sont en cours d'installation sur la commune. Il faudra donc confier la gestion à un comité mixte composé de villageois, de responsables de villages et des autorités communales.
La commune continue à assurer un suivi hebdomadaire de ses installations par le passage d'un agent communal.
Un nouveau partenaire, le centre Songhaï, apporte aujourd'hui de nouvelles propositions: il s'engage notamment à former des jeunes à la production de compost agricole. Cette valorisation des boues de latrines permettrait de créer un système de production agro-écologique.
Par ailleurs, les réalisations de latrines scolaires ont généré de nouvelles demandes. Les villageois veulent aussi disposer de latrines à proximité de leurs maisons.
Alors qu'une nouvelle phase d'intervention est en cours de préparation, la devise en langue fon de Arcade, «Minablo do kpo, Nous ferons ensemble», demeure plus vraie que jamais ! |