retour imprimer © Lettre du pS-Eau 65 de Apr 2011

Bénin: Maîtrise d'ouvrage communale à Toffo et Zé: Mutualiser les provisions budgétaires pour le renouvellement des équipements

Depuis 2006, l'Ong Initiative Développement (ID) renforce la maîtrise d'ouvrage des communes de Toffo et Zè, dans le département de l'Atlantique au Bénin, avec l'aide d'un financement Facilité eau de l'UE. Ce projet a été conçu en partenariat avec le Sedif1, France volontariat, la ville de Paris, ainsi que la ville de Bessancourt, jumelée avec la commune de Zè.

Au Bénin, la décentralisation a débuté en 2006 avec l'élection des premiè­res équipes municipales. L'eau et l'assainissement ont été parmi les premières compétences transférées aux communes, très peu expérimentées et qui ne maîtrisaient ni les principes de la maîtrise d'ouvrage, ni les textes règlementaires régissant le secteur.
Après avoir ciblé le secteur de l'accès à l'eau lors de l'élaboration de leurs plans de développement communaux, ces jeunes communes ont donc sollicité ID. L'appui fourni par l'Ong aux communes a ainsi porté sur l'amélioration de la desserte en eau des populations et sur l'organisation d'une gestion durable des installations d'AEP. Ce faisant, dans un contexte de réorganisation et de professionnalisation de la gestion des réseaux AEP béninois par la direction générale de l'Eau, ID a également facilité l'ajustement de ce projet communal aux directives nationales.

Le premier volet a consisté pour ID à aider la Mairie à constituer un inventaire du patrimoine hydraulique dont elle a la charge afin de lister les investissements prioritaires. Hormis la réhabilitation des AEP villageoises existantes, le projet a augmenté le nombre de points d'eau à la disposition des usagers, soit par l'extension des réseaux existants, soit par la construction de nouveaux équipements à partir des forages existants.
Ainsi, plus de 200 nouveaux points d'eau, principalement des bornes-fontaines (une borne-fontaine comptant pour 2 équi­valents points d'eau) profitent désormais à plus de 50 000 personnes. De plus, suite à une campagne d'analyse de l'eau, ID a proposé d'équiper 6 ré­seaux avec des doseurs volumétriques de chlore. Ces pompes doseuses, qui fonctionnent sans énergie électrique, constituent une expérience pilote au Bénin, où les réseaux ruraux ne sont généralement pas chlorés.
Toutes ces réalisations ont été le support d'un premier travail de renforcement de la maîtrise d'ouvrage communale. Les différents chantiers ont été préparés, contrôlés et réalisés par des entreprises et bureaux d'étude béninois, dans le respect du code des marchés publics.

Vers de nouveaux modèles de gestion communale
Il a donc fallu former la cellule de passation des marchés, pour aboutir à des sélections impartiales, et former les services techniques des deux municipalités à la constitution des dossiers d'appels d'offres et à la contractualisation avec les sociétés retenues.
Au démarrage du projet, les communes ne disposaient pas de services techniques. ID a donc participé au recrutement de techniciens et doté les mairies de moyens en prenant dégressivement en charge le salaire de ces agents. Depuis 2010, les coûts des services techniques sont totalement assumés par les communes.

Le renforcement de la maîtrise d'ouvrage des mairies s'est aussi traduit par la création de Cellules Communales de l'Eau (CCE), ca­dre de concertation rassemblant des élus, un représentant du service départemental de l'eau, le chef du service technique, ainsi que les ONG intervenant dans le secteur eau et assainissement sur les deux communes. La CCE a pour fonction de débattre de tous les problèmes relatifs à l'eau et à l'assainissement afin d'aboutir à des décisions exécutives. La CCE de Toffo a ainsi décidé de l'ouverture d'un compte unique pour le versement des redevances extension et renouvellement des réseaux AEP.

Le maître d'ouvrage des réseaux ayant pour responsabilité d'organiser la gestion de son service public, le projet a commencé par définir les modèles de gestion (affermage, délégation à une association...) autorisés sur le territoire communal. Les systèmes AEP étaient jusque là gérés par des associations d'usagers de l'eau (AUE), de façon souvent peu transparentes ; l'évolution vers de nouveaux modèles de gestion a nécessité un important travail de communication auprès des usagers.
Pour la plupart des systèmes d'alimentation en eau, les mairies ont retenu le modèle d'affermage. ID les a alors aidées à constituer des lots, à élaborer les appels d'offres et les clauses des contrats. En janvier 2011, 80 % des gestionnaires des réseaux AEP sont sous contrat avec la Mairie.

Certains appels d'offres demeurent cependant infructueux pour l'instant, et tous les réseaux ne sont pas encore sous contrat. Il reste donc une marge de progression car le volume total produit par exemple sur la commune de Zé est de l'ordre de 76 000 m3 par an, soit un potentiel de redevance de 5 800 000 FCFA pour la redevance de renouvellement et de 6 000 000 FCFA pour la redevance au budget communal. Si l'on considère que le coût salarial du chef du service technique est de 1 700 000 CFA/an, la redevance au budget communal couvre largement sa prise en charge ainsi que le coût d'un suivi technique et financier externe des réseaux.
Les redevances de renouvellement permettraient chaque année l'achat d'un nouveau groupe électrogène ou de deux pompes im­mer­gées. Comme le réseau électrique national s'étend progressivement, les besoins en renouvellement de groupe seront par ailleurs de moins en moins importants.

Gérer un réseau d'AEP : une compétence qui s'acquiert
La loi béninoise contraint les mairies à l'unicité de compte, c'est-à-dire qu'en théorie, il faudrait que les redevances renouvellement soient également versées au budget communal. Le budget de la Mairie étant géré par le receveur-percepteur de la Mairie, se pose la question de la mobilisation de l'épargne de renouvellement en cas d'urgence. Face à cette contrainte, la mairie de Toffo a choisi d'ouvrir un compte spécifique dans une caisse d'épargne (CLCAM), alors que la mairie de Zè verse les redevances de renouvellement au budget communal et doit ainsi prévoir, chaque année, que l'épargne dédiée à la maintenance des équipements puisse être mobilisée en cas de besoin sur le budget prévisionnel annuel. Dans les deux cas, les redevances de renouvellement sont mutualisées sur un compte commun et ne sont pas fléchées sur un réseau spécifique.
Après les premiers mois d'exploitation des installations par des fermiers, la mairie de Zè est satisfaite du modèle d'affermage. La régularité du service s'est améliorée et cette activité alimente son budget communal. L'avis de la mairie de Toffo est plus mitigé car elle rencontre des difficultés pour faire appliquer les clauses des contrats d'affermage.

L'absence de suivi des indicateurs de fonctionnement des installations témoigne ainsi d'une part du manque de connaissance du métier d'exploitation et de gestion d'un réseau AEP. D'autre part, le transfert de gestion de l'AUE au fermier s'effectue généralement en douceur car les usagers et les structures d'intermédiation sociale y ont été préparés en amont par la Mairie. Ce transfert a également été facilité par la reprise du personnel (chef de centre chargé du pompage et fontainiers). Pour l'instant les fermiers semblent plutôt satisfaits du personnel, mis à part quelques fontainiers qui ne reversent pas la totalité des recettes perçues au point d'eau. Seules deux AUE (sur 20 réseaux affermés) posent problème. La Mairie a porté cette difficulté au niveau de la préfecture pour chercher une solution.

Certes, la maîtrise d'ouvrage communale a réalisé des avancées considérables ces dernières années dans le secteur de l'eau, mais la professionnalisation du service public n'en est qu'à ses balbutiements. Pour l'instant, les gestionnaires et les services techniques des mairies se focalisent sur le suivi des recettes et des redevances (taux de recouvrement de l'ordre de 95 % à Zè), mais très peu d'indicateurs techniques sont suivis, bien que les contrats d'affermage prévoient la remise de rapports techniques sur la base de modèles fournis.

Les fermiers découvrent leur métier d'exploitant de réseaux, et les services techniques découvrent leur responsabilité de gestionnaire de service public et de patrimoine. Par conséquent, les deux municipalités et ID prévoient d'engager une deuxième phase du projet qui se concentrera sur la professionnalisation des acteurs (mise en place d'un suivi technique et financier de l'exploitation, ajustement des contrats, suivi du patrimoine, suivi de la ressource...). Une expérience à suivre, qui, dès à présent, peut être répliquée dans d'autres communes du Bénin.


La redevance au budget communal et la redevance de renouvellement
Les gestionnaires des réseaux doivent verser 2 redevances :
– la redevance renouvellement et extension, destinée à renouveler les équipements de production et à construire de nouvelles bornes-fontaines ou
une extension de réseaux ;
– la redevance au budget communal, pour permettre à la Mairie de jouer son rôle de maître d'ouvrage.
La redevance renouvellement est fixée par la Mairie, sur la base des besoins de chaque AEP. Quant à la redevance au budget communal, le montant est proposé par le soumissionnaire, dans sa réponse à l'appel d'offres, sur la base de son compte d'exploitation prévisionnel.
La redevance renouvellement varie de 40 à 130 FCFA/m3 produits, selon les contrats ; et la plupart des contrats sont à 85 FCFA/m3 produits. La redevance au budget communal varie de 10 à 126 FCFA/m3 produits, avec une majorité des contrats à 60 FCFA/m3 produits.
Exemple de recettes
En 2010, les redevances perçues par la mairie de Zè s'élèvent à :
– redevances renouvellement = 2 924 420 Fcfa
– redevance budget communal = 3 041 666 Fcfa


Michel Kpoyin, Nicolas Moreau
• Michel Kpoyin, ID (Allada) :
m.kpoyin@id-ong.org

• Nicolas Moreau, ID (Poitiers)
n.moreau@id-ong.org
Site internet:
www.id-ong.org

Saturnin Ago Sohou
maire de Toffo
- T. 229 97 86 64 85
Email: saturninago@yahoo.fr

Joseph Dangbenon
maire de Zé
Email: Mairieze@gmail.com

GRAIND - Allada - Bénin
ID - Poitiers - France
Mairie de Toffo - Toffo - Bénin
Mairie de Zé - Zé - Bénin
Ville de Bessancourt - Bessancourt - France
 

Une deuxième phase du projet s'attachera à la professionnalisation des acteurs : suivi technique et financier de l’exploitation, ajustement des contrats, suivi du patrimoine et de la ressource, etc.
 

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