retour imprimer © Lettre du pS-Eau 64 de Dec 2010

Burkina Faso: Approvisionnement en eau des centres ruraux: Vergnet Hydro expérimente l'exploitation de réseaux mutualisés


Réservoir et borne-fontaine à Markoye. (@Vergnet Hydro)

Dans le cadre de la réforme du secteur1, la direction générale des Ressources en Eau du Burkina Faso encourage désormais le recours au secteur privé pour l'exploitation des petits réseaux d'adduction d'eau en zone rurale. Regard sur l'expérience pilote de Vergnet Hydro qui mise sur la mutualisation pour assurer l'équilibre et la pérennité de son exploitation.

Le secteur de la distribution de l'eau en zone rurale au Burkina Faso a connu dans les années 80 et 90 de beaux succès, principalement au niveau de l'appropriation par les usagers de la pompe à motricité humaine. Il souffrait néanmoins d'un point noir majeur : nombre de réseaux d'adduction d'eau, dont la gestion était confiée aux communautés, n'é­taient plus opérationnels après seulement quel­ques années de fonctionnement.
Ce constat amer a conduit les services de l'eau burkinabè à mener une véritable réflexion. Partant du principe que les communautés rurales n'avaient pas la compétence technique pour exploiter dans la durée ces mini-réseaux, les autorités burkinabè ont choisi de professionnaliser le domaine et de s'orienter vers des entreprises spécialisées. Or, l'exploitation de réseaux AEP dans les petits centres comporte un grand risque ; des mesures incitatives devaient être mises en place pour donner des raisons aux entreprises privées de se positionner sur cette offre.

Le principal facteur déclencheur aura été de permettre à l'opérateur privé d'exploiter un réseau AEP qu'il a lui-même construit. L'exploitant hérite ainsi d'une installation qu'il maîtrise et dont il a l'entière responsabilité. Cette approche donne au futur fermier la liberté de choisir, au moment de la construction, les options technologiques susceptibles de réduire les coûts d'exploitation futurs.
L'autre facteur déterminant est la mise en place de la mutualisation. Dans un contexte législatif où le prix de vente maximal de l'eau est pour des raisons d'équité imposé à l'é­chelle nationale, l'allotissement de l'exploitation en plusieurs groupes de réseaux était une condition nécessaire à la prise en charge des sites à haut risque financier. La mutualisation des charges et des recettes permet l'équilibre des comptes et le maintien du service de l'eau pour les installations chroniquement déficitaires.

Un contrat d'affermage mutualisé
Forte de son expérience en matière d'approvisionnement en eau des populations rurales en Afr­i­que et suite à un appel d'offres lancé dans le cadre d'un programme financé par l'Agence française de développement et l'Etat burkinabè, Vergnet Hydro (à travers sa filiale Faso Hydro) s'est vue confier la réhabilitation d'un ancien réseau d'adduction d'eau, la construction de six nouveaux réseaux, et l'exploitation pendant sept ans de ces équipements dans sept communes du nord-est du Burkina : Markoye, Seytenga, Titabé, Mansila, Yalgo, Gasseliki et Gorgadji.
Le périmètre d'affermage couvre au total 44 000 habitants et se situe dans un contexte hydrogéologique et sociologique relativement complexe. Faso Hydro gère aujourd'hui 37 bornes-fontaines, 14 000 mètres linéaires de canalisations et 32 forages équipés d'une pompe à motricité humaine. L'eau est vendue 450 FCFA/m3, soit une valeur quasi équivalente au prix pratiqué dans les zones urbaines après calcul de la moyenne des volumes vendus, des tranches de prix les plus basses aux tranches les plus élevées.

Les recettes et dépenses des sept réseaux sont mutualisées et les communes, qui ont signé le contrat d'affermage avec Faso Hydro, sont donc interdépendantes sur ce secteur: si une des communes rompt le contrat, l'exploitant n'est plus engagé vis-à-vis des autres communes. Cette mutualisation permet avant tout que les réseaux les moins rentables fonctionnent tout de même, et que dans l'ensemble, le compte d'exploitation consolidé tende vers un résultat supérieur ou égal à zéro. Les fonds pour la maintenance, le renouvellement des équipements, et l'investissement sont ainsi, eux aussi, mutualisés. Cette mutualisation, au moment de sa mise en place en mai 2009, a été considérée par l'administration centrale comme le prélude à l'application sur le terrain de l'intercommunalité, dont les décrets de mise en œuvre au Burkina Faso n'é­taient pas promulgués.

Les simulations lancées par Vergnet Hydro en amont montraient toutes que l'équilibre financier serait difficile à atteindre. Il était donc impératif de maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeurs pour tendre vers une exploitation dans la durée :
– sur le plan technique, la re­cherche de solutions minimisant les dépenses énergétiques était impérative: les groupes électrogè­nes ont été équipés d'un démarreur électronique permettant de baisser la puissance du groupe au démarrage de la pompe ;
– sur le plan fiscal, il fallait retenir un montage qui réponde à un juste équilibre entre économie formelle et économie informelle. Faso Hydro a choisi de contracter avec un seul prestataire: le chef d'exploitation qui gère son personnel d'exploitation;
– sur le plan social, l'eau étant un bien public, Faso Hydro se devait d'associer la commune aux principales décisions et d'informer les usagers des règles d'exploitation. Un règlement d'usage consultable à la mairie permet à tout habitant de connaître le fonctionnement du réseau AEP;
– sur le plan de la politique de gestion, rendre les comptes transparents, en interne et en externe, par le biais de documents de suivi est gage de crédibilité et de confiance. Des rapports semestriels sont remis à la commune ainsi qu'à la DGRE (direction générale des Ressources en Eau) ;
– sur le plan financier, les membres de l'équipe chargée de l'exploitation sont responsabilisés par une rémunération en fonction de la production et du recouvrement des ressources générées par la vente de l'eau ;
– sur le plan de la sécurisation, la recette quotidienne est déposée chaque jour dans les agences locales de crédit rural. Des solutions techniques ont été retenues pour limiter le vol de matériel ;
– sur le plan du suivi quotidien, les chefs de centres, fontainiers et responsables PMH1 ont tous reçu une formation pratique alliant théorie et tests sur le terrain. Faso Hydro a également investi dans une flotte de téléphones facilitant les échanges journaliers entre le chef d'exploitation et le chef de centre. Ce contact permet de répondre très rapidement à un incident technique et de diminuer ainsi les temps de rupture du service.

Faso Hydro dispose de chiffres précis sur la consommation spécifique d'eau payante grâce aux relevés quotidiens des compteurs. Ces chiffres confirment que l'achat de l'eau est destiné à un usage essentiellement domestique, voire limité à la cuisine et à la boisson : ils s'établissent à une moyenne de 4,6 litres d'eau par jour et par habitant.

Regrouper plusieurs centres : un gage avéré de pérennité
Cependant, cette consommation est très contrastée puisque des pics de consommation (plus de 35 litres d'eau par jour et par habitant à Markoye en saison sèche par exemple) et un fort coefficient de saisonnalité sont observés sur la majorité des sites.
Après plus d'un an, l'exploitation montre que si le service de la distribution de l'eau est continu, les bénéficiaires sont de plus en plus nombreux à s'approvisionner aux bornes-fontaines. On observe ainsi que, malgré une saison des pluies longues, offrant une multitude de sources alternatives, la tendance est à la hausse. Le recours à des opérateurs professionnels, de con­fiance, réactifs et qui s'investissent dans la gestion des réseaux, apparaît comme une première base à la pérennisation de l'exploitation. Ce­pendant, faire intervenir des sociétés privées n'exonère pas les maîtres d'ouvrages de s'assurer du sérieux et de la solidité de ces mêmes sociétés.

Les communes doivent démontrer leur capacité à gérer.
Sur le périmètre d'affermage de Faso Hydro, une bonne maîtrise des coûts, un contrôle permanent de l'exploitation tant sur le plan financier que technique (suivi de la consommation en gas-oil du groupe électrogène) mais également hydrogéologique (les variations de la nappe sont enregistrées, des analyses d'eau sont réalisées en cas d'incidents) conduisent à un équilibre financier fragile mais réel.
Sur ce programme, la mutualisation des dépenses et des recettes joue pleinement son rôle et permet d'obtenir un compte global positif alors que certains centres présentent structurellement des résultats négatifs. Le regroupement de plusieurs centres paraît bien indispensable à l'exploitation de longue durée de certains réseaux déficitaires sur le plan financier.

Ces relatifs bons résultats ne doivent pas cacher les difficultés rencontrées. La conception hasardeuse de certains réseaux s'est traduite par l'abandon de plusieurs bornes-fontaines. Pour pallier un mauvais maillage des points de distribution, Faso Hydro a dû trouver des partenaires (Union européenne et AFD) pour rééquilibrer la distribution, voire l'accroître. La localisation des bornes-fontaines doit être liée à la densité de l'habitat.
Faso Hydro a également proposé à l'administration territoriale d'équiper les canalisations de branchements privés pour les habitants qui le souhaitent. Bénéficier d'un robinet de puisage à l'intérieur de la concession est un marqueur fort de développement local. Et la demande existe belle et bien. Mais peu de familles peuvent s'offrir un branchement particulier. Les conditions d'accès et le coût du matériel renchérissent le prix du branchement qui devient prohibitif aux yeux de la plupart des bénéficiaires potentiels. Il s'avère indispensable de mettre au point un mécanisme financier pour faciliter l'accès des populations à ce ni­veau de service.

Faso Hydro démontre par cette expérience qu'il est possible d'assurer un service continu de la distribution en eau dans des réseaux AEP aux conditions difficiles. Professionnalisation, implication du fermier au stade de la conception, de la construction, mutualisation, contrôles renforcés, développement des services bancaires de proximité, sont des facteurs indissociables à la pérennité du service de l'eau dans les communes rurales du Sahel.
Offrir un service de qualité, continu, sans accroc, c'est aussi initier un cercle vertueux et favoriser l'adhésion des populations à cet équipement.

Dans un tel contexte et afin de ne pas casser ce dynamisme am­biant, il est aussi indispensable et urgent de s'interroger sur les moyens, notamment financiers et institutionnels, à mettre en œuvre pour entretenir la satisfaction des usagers et surtout répondre rapidement à l'augmentation des besoins. La continuité d'un service essentiel à la population est en effet la base d'un développement efficace.


Christophe Léger
VERGNET HYDRO
T. +33 2 38 22 76 30

Email:
c.leger@vergnet.fr

Mickael Dupuis
FASO HYDRO
Email: m.dupuis@vergnet.fr
Site internet: www.vergnet.fr

Faso Hydro - Ouagadougou - Burkina Faso
Odial solutions - Ingré - France
 

Regroupement à une borne-fontaine de Gorgadji. (@Vergnet Hydro)
 

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