retour imprimer © Lettre du pS-Eau 64 de Dec 2010

Un engagement de l'association l'Eau-Tarit

Mongolie: Lutter contre la contamination de l'eau par les métaux lourds


Prélèvements pour analyses physico-chimiques de l'eau. (@ Association L'eau-tarit)

En Mongolie, l'industrie minière pollue dangereusement les ressources en eau. Assurer la pérennité de l'approvisionnement en eau potable devient un véritable défi. Pour prévenir et endiguer ce phénomène, l'association l'Eau-tarit a mis en place un programme de formation et de recherche-action.

La Mongolie, pays frontalier de la Chine et de la Russie, compte près de trois millions d'habitants. Elle dispose d'un potentiel minier très vaste. Facilitée par une nouvelle législation, depuis une dizaine d'années son exploitation connaît un accroissement rapide. Dans le même temps, de nombreuses catastrophes climatiques ont décimé les troupeaux et obligé de nombreux éleveurs à s'orienter vers d'autres moyens de subsistance.

L'exploitation aurifère emploie environ 16 000 personnes dans le secteur formel et près de 100 000 travailleurs du secteur informel artisanal. La production est estimée à une quinzaine de tonnes d'or par an, représentant 175 millions de dollars, soit 11 % du PIB. Le secteur minier, qui précède le tourisme et le commerce de la laine cachemire, représente donc un levier économique indéniable pour ce pays.
Cette activité est cependant le plus souvent réalisée au détriment des aspects environnementaux, sanitaires et sociaux: contamination de l'environnement et intoxication des populations par des métaux lourds tels que le mercure, le plomb, le cadmium et l'arsenic, déforestation, tarissement des ressources en eau, etc.

Dans ce cadre, et en réponse à une demande locale, l'association L'eau-tarit, basée en Seine-Saint-Denis, a élaboré un projet intitulé «Vers un environnement non contaminé par les métaux lourds en Mongolie». Portant majoritairement sur les activités minières, ce projet vise une amélioration des conditions de vie de la population et un renforcement de la protection de l'environnement, tout en s'inscrivant dans le contexte actuel du pays. Pour atteindre ses objectifs, l'association développe une stratégie diversifiée :
– des actions correctives ou préventives, dans des zones définies comme prioritaires au regard des enjeux environnementaux ;
– la formation d'une équipe locale apte à assurer de manière autonome la durabilité de la démarche initiée, l'amélioration continue et pérenne de la situation, et l'efficacité du projet ;
– et des actions réfléchies à l'échelle nationale, qui répondent à un besoin local clairement explicité.

Un important partenariat institutionnel
Pour mener à bien ce projet, divers partenariats ont été établis, tant en France qu'en Mongolie. En France, le projet est soutenu principalement par des institutions pu­bli­ques : l'agence de l'eau Seine-Normandie ; le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative via le programme Envie d'Agir - Défi jeunes ; le conseil général de Seine-Saint-Denis et son dispositif Via le Monde ; la ville d'Aulna­y-sous-Bois. Associés à ces institutions se trouvent également le dispositif de dotations des solidarités Nord-Sud de la Guilde, l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Limoges (Ensil), l'association des anciens élèves de l'Ensil (AAEE), le Laboratoire d'étude et de recherche en environnement et santé (Leres), le laboratoire de Rouen et le laboratoire départemental de l'eau de Haute-Garonne.

En Mongolie, le projet est mené en étroite collaboration avec deux partenaires locaux complémentaires :
– The United Movement of Mongolian Rivers and Lakes (UMMRL), association de citoyens mongols spécialisée dans la protection de l'environnement et des ressources hydriques ;
– le ministère de l'Environnement mongol, via la Water Autorithy, qui correspond au département Eau du gouvernement mongol.

Deux missions d'expertise ont déjà été effectuées: une première de cinq mois, de mai à octobre 2009, suivie d'une seconde, en mars 2010.
La première mission a eu pour objet de déterminer les zones d'action prioritaire, c'est-à-dire les zones les plus gravement touchées par la pollution aux métaux lourds de l'eau et des sols, ainsi que par les intoxications de la population, principalement au mercure.
Pour ce faire, une étude environnementale (grâce à des analyses de la teneur en métaux lourds dans des échantillons d'eau, de sols et de bryophytes), couplée à une étude sanitaire (des entretiens avec le corps médical local), ont été menées sur une vaste superficie du territoire national.

Trois zones identifiées comme particulièrement touchées
Suite à cette première étude, trois zones gravement atteintes ont été repérées :
– le village de Khongor, victime d'une grave contamination au mercure et au cyanure en avril 2007, suite à un accident industriel ;
– la vallée de l'Orkhon (inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco mais menacée par de nombreuses mines situées dans les montagnes) et la vallée d'Uyanga (im­portante zone d'exploitation aurifère illégale) ;
– la province de l'Omnogobi, ou Gobi du Sud, importante zone d'exploitation minière également.
A ces trois zones principales s'ajoute une zone annexe, Oulan-Bator, la capitale mongole, menacée par une contamination au chro­me issu des rejets polluants des tanneries.

Lors de la seconde mission, une étude plus précise a été menée au village de Khongor, en tant que zone pilote.
L'étude environnementale, réalisée ici de manière beaucoup plus approfondie, avait pour objectif d'identifier précisément la pollution: sa répartition géographi­que, sa mobilité (comment les éléments polluants se déplacent pour attein­dre les nappes phréatiques et les cours d'eau situés en aval) et la biodisponibilité (le risque du passage desdits éléments dans la chaîne alimentaire).
L'étude sanitaire a également por­té sur des questionnaires de santé adressés aux habitants du village et sur l'analyse de la teneur en mercure des prélèvements capillai­res sur les villageois. Cette seconde étude était indispensable pour mener par la suite des actions correctives et préventives, appropriées et pertinentes.
Une nouvelle mission, prévue au printemps 2011, est actuellement en cours de préparation. Elle vise les deux autres zones ciblées, les vallées de l'Orkhon et d'Uyanga, ainsi que la province de l'Omnogobi, où seront menées les mêmes études approfondies.

Former une équipe locale autonome pour des actions préventives et correctives
Cette troisième mission a également pour objectif de former une équipe locale autonome. Sélectionnés au sein de l'association mongole partenaire (UMMRL), les dix membres de l'équipe bénéficieront d'une formation continue sur le terrain, pour acquérir des compétences pratiques (notamment par le biais des études en cours), couplée à des formations spécifiques et théoriques. A l'issu de cette mission, ils seront en capacité d'évaluer une situation environnementale et sanitaire liée à la présence d'exploitations mi­nières.
Dans les trois zones ciblées, des actions pourront alors être mises en place de manière pertinente :
– des actions correctives : traitement des eaux, dépollution des sols, réhabilitation des sites, prise en charge des personnes victimes d'intoxication... ;
– et/ou préventives : aide à la mise en place de procédés alternatifs par les exploitants miniers qui en font la demande, sensibilisation des travailleurs, etc.

En parallèle à la réalisation de ces actions d'urgence, la formation de l'équipe locale sera prolongée pour que, à terme, elle puisse entreprendre des améliorations dans d'autres zones (notamment celles où il y a dès à présent une demande importante de la part d'ONG et d'institutions, mongoles et internationales).
Cette équi­pe aura également pour rôle d'informer et de sensibiliser la population, action dans la­quelle elle sera bien plus légitime qu'une équipe française.
Enfin, tout en soutenant et accompagnant cette équipe, des actions d'ampleur nationale pourraient plus tard voir le jour (des demandes ont déjà été formulées), ceci en étroite collaboration avec les partenaires locaux mais également avec d'autres ONG :
– amélioration de la gestion de l'eau, c'est-à-dire : changement et/ou renforcement du contrôle de l'application des lois, mise en place d'agences de gestion de l'eau par bassin hydrographique, travail sur une évolution des normes… ;
– mise en place d'une filière aurifère équitable, qui faciliterait l'é­mergence de nouveaux procédés d'extraction (procédés alternatifs, pas ou moins polluants que les procédés initiaux) ;
– création d'un laboratoire indépendant.


Marie-Alix Comerre
association L’eau-tarit
Email:
leautarit@gmail.com
Site internet: www.leautarit.com

L'eau tarit - Aulnay sous Bois - France
 

Prélèvements pour analyses physico-chimiques de l'eau (@ Association L'eau-tarit)

Prélèvements capillaires des villageois pour analyser leur teneur en mercure.(@ Association L'eau-tarit)
 

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