retour imprimer © Lettre du pS-Eau 63 de Oct 2010

Améliorer les conditions de vie et de santé des Dalits au Tamil Nadu

Inde: Formation et sensibilisation à l'hygiène


Les sept premiers villages ciblés sont aujourd'hui approvisionnés en eau potable et ont de l'eau en continu tous les jours, stockée dans des réservoirs entretenus par les membres du comité de gestion de l'eau.(©Kynarou)

L'association Kynarou s'est engagée depuis plusieurs années au coté des communautés Intouchables pour favoriser leur accès durable à l'eau potable et à l'hygiène dans la région du Tamil Nadu. Sept villages aujourd'hui équipés sont autonomes quant à la gestion de leurs réseaux d'approvisionnement en eau.
Une fois terminée la seconde phase du projet, qui concerne huit autres villages, ce seront bientôt 25 000 personnes qui bénéficieront des nouvelles commodités apportées grâce à Kynarou et ses partenaires.

Majoritairement rural, le Tamil Nadu est un Etat du sud de l'Inde où le système des castes est bien ancré. Les Dalits (Intouchables) représentent environ 20 % de la population de la région, soit 11 millions de personnes. La croissance démographique et le développement économique exercent une forte pression sur la ressource en eau. Actuellement, environ 550 à 650 millions de mètres cubes d'eau sont prélevés chaque année dans le milieu naturel ; 90 % servent à l'irrigation. Dans les campagnes, l'accès à l'eau de consommation est rationné de manière générale, et l'est doublement pour les quartiers des Intouchables.

Dans de nombreux villages, ce sont soixante pour cent de la population Dalit qui n'ont pas accès à une eau de qualité, en quantité suffisante et dans des conditions d'hygiène satisfaisantes. Pendant longtemps, l'eau, élément central des rites hindous, a été interdite aux populations Intouchables, accusées de la souiller et de la rendre impure. Aujourd'hui encore, dans la plupart des villages les Intouchables n'ont pas le droit d'utiliser une conduite d'eau en même temps que les populations des autres castes.

La problématique de la qualité de l'eau est tout aussi prégnante : l'infiltration des pesticides agricoles dans le sol et les nappes phréatiques, l'accumulation des déchets dans les cours d'eau rendent l'eau impropre à la consommation et favorisent le développement des maladies hydriques. Là encore, les populations défavorisées sont d'autant plus exposées qu'elles manquent d'éducation et n'ont pas été sensibilisées à la menace que représentent le manque d'hygiène et une eau polluée.

L'absence d'une gouvernance efficace est aussi en cause. Dans cet Etat, le Tamil Nadu Water supply and Drainage Board (TWAD Board) est en charge de la distribution de l'eau potable et de la réalisation des infrastructures (puits, châteaux d'eau, adduction, bornes-fontaines, pompes à main, drains d'évacuation…). Cependant, les projets sont souvent réalisés à bas coût et, faute de maintenance, beaucoup d'ouvrages finissent par devenir obsolètes ou hors service.

Renforcer la gouvernance locale
Un principe de responsabilité partagée paralyse régulièrement l'avancement des réparations : c'est le Panchayat, système de gouvernement local, qui est responsable de la demande d'intervention en matière de maintenance, mais c'est le TWAD Board qui la finance. Et le Panchayat a souvent des difficultés à avancer les fonds.
Concernant l'assainissement, les problèmes sont similaires : le gouvernement du Tamil Nadu a mis en place un programme global qui consiste à accorder une petite subvention à chaque foyer pour la construction de toilettes individuelles. Cependant, aucune mesure n'est mise en œuvre pour accompagner la population dans la réalisation de ces ouvrages. Ainsi, de nombreux petits locaux en briques sont construits en guise de toilette, avec un toit en tôle mais sans trou ni fosse. Les impacts du programme et l'utilité des investissements sont donc mitigés.

Pour contribuer à améliorer les conditions de vie de ces populations, l'association Kynarou, composée d'une équipe en France et d'une équipe locale basée à Pondichéry, travaille depuis 2004 pour l'accès à l'eau, à l'assainissement et à la santé dans les Etats du Tamil Nadu et de Pondichéry, au sud-est de l'Inde.
Le projet Kynarou Santé, démarré en janvier 2008 pour une durée de trois ans, vise ainsi à réduire les inégalités dans 15 villages de la région et à régler les dysfonctionnements institutionnels dont sont victimes les populations défavorisées.

Aménager des ré­seaux d'alimentation en eau po­ta­ble et mettre en place des structures sanitaires communautaires dans les quinze villages devraient améliorer la vie quotidienne d'environ 25 000 personnes. Outre la réalisation d'infrastructures et afin de faire évoluer durablement les pratiques, ce programme repose surtout sur un important volet de sensibilisation, d'éducation à l'hygiène, de formation, et de renforcement des capacités de gestion des populations.

Une relation de partenariat avec les autorités et les ONG locales
La logique d'intervention s'est ainsi construite progressivement, et en collaboration directe avec les villageois, les autorités locales des villages (Panchayat), les Self Help Groups (groupes de microcrédit) existants et les ONG indiennes intervenant dans le district, afin d'assurer l'appropriation par tous des changements engagés.
Avant le lancement du projet, la mise en place de relations étroites avec le Panchayat est indispensable, même si elles ne sont pas toujours faciles, en fonction de la position sociale, de l'appartenance à telle ou telle caste du président, et de l'autorité qu'il peut en conséquence exercer sur la communauté. Dès la première visite d'un village, une réunion est organisée avec tous les responsables du village, pour évaluer la demande et les impliquer dans la conception du projet, afin de créer toutes les conditions favorables à la pérennité des ouvrages.

D'autre part, pour l'aider à déterminer les meilleures solutions techniques et l'assister dans la réalisation des études techniques et de faisabilité, l'association s'est entourée de partenaires spécialisés : Hydrauliques sans frontières en France et les ONG Action for food production et Center for sustainable development en Inde.
Au niveau de la sensibilisation, Kynarou travaille en partenariat avec l'ONG indienne Chinnamanur weakers development (CWD). Sur ce volet du programme la collaboration, en amont, avec les ONG locales est décisive puisqu'il s'agit de former les formateurs. Les sessions de formations destinées au personnel des ONG locales visent, sur la base d'outils adaptés au contexte, à leur fournir toutes les connaissances et compétences né­cessaires pour qu'ils puissent transmettre à leur tour les bons messages à la population et mieux les informer sur le projet. Elles leur apportent aussi des compétences en gestion de projet, en organisation, en communication, ce qui facilite ensuite la formation des comités de gestion de l'eau au sein des villages.

Le travail de sensibilisation et de formation auprès de la population est ensuite mené en plusieurs étapes. Dans un premier temps, CWD conduit une enquête pour établir quelles sont les connaissan­ces et les comportements des po­pulations en matière d'hygiène et d'usage de l'eau (cet aspect de l'enquête montre en général de grosses lacunes), ainsi qu'une évaluation rurale participative pour connaître la condition socio-économique générale de la communauté cible et les besoins prioritaires du village. Les sessions d'information et de formation se déroulent ensuite sur le long terme, en jouant sur la répétition des messages importants, l'aspect participatif et interactif des séances, et la diversification des supports et des méthodes en fonction du public : séances de discussions pour les groupes d'adolescents et de femmes, séances de démonstration, jeux et expériences pour les plus jeunes, mais aussi spec­tacles et pièces de théâtre de rue pour l'ensemble de la communauté. Les supports vidéos sont quant à eux plus difficiles à utiliser du fait des contraintes logistiques (ordinateur, rétroprojecteur, électricité…).pièces de théâtre de rue pour l'ensemble de la communauté. Les supports vidéos sont quant à eux plus difficiles à utiliser du fait des contraintes logistiques (ordinateur, rétroprojecteur, électricité…).

Progresser par étapes et évaluations successives
La méthode a d'abord été mise en œuvre dans deux villages pilotes. Elle s'est avérée pertinente puisque les systèmes y sont fonctionnels depuis maintenant un an et demi :
– à Mathigiri, situé sur la commune de Hosur, près de Bangalore, deux réseaux d'alimentation en eau potable et des sanitaires communautaires (douches et toilettes) ont été construits pour 4 000 personnes. L'un des réseaux est destiné à l'école publique du village, l'autre à la salle communautaire utilisée pour les évènements divers des habitants de la commune. Le comité de gestion de l'eau ainsi que le personnel de l'école suivent de près l'évolution des infrastructures mises en place, et l'eau approvisionnée dans ce village est de bonne qualité, distribuée en quantité suffisante ;
– à Vilvanatham, dans le district de Villupuram, un réseau d'alimentation en eau potable dessert 1500 personnes et un groupe de microcrédit a été créé. Ce village est aujourd'hui indépendant quant à sa gestion de l'eau. Les habitants disent voir leurs conditions de vie améliorées par les nouvelles infrastructures.

Suite à la réussite de ces deux projets pilotes, l'expérience a été étendue dans cinq villages alentours, en faisant toujours appel à des entreprises locales.
Le travail effectué jusqu'à maintenant permet d'établir un premier bilan avant de lancer la prochaine phase sur huit villages supplémentaires. Les bornes-fontaines réparées ou nouvellement créées sont entretenues par les femmes du village, et il y a moins de perte d'eau causée par les fuites. Les groupes villageois sont désormais autonomes et leurs compétences ont été renforcées grâce aux formations dispensées par l'éducateur. En cas de problème technique, les mem­bres des différents groupes formés sont à même de l'analyser et de décider de la meilleure solution à adopter pour y remédier.

Assurer la prérennité des actions
La sensibilisation des villageois à la gestion de l'eau et aux pratiques d'hygiène élémentaire a eu un fort impact. Les systèmes d'évacuation des eaux sales sont entretenus, et la réduction des eaux stagnantes et donc des moustiques, commence à avoir un impact positif sur la santé des habitants.
Par ailleurs, grâce aux nouveaux forages, la quantité d'eau disponible a augmenté dans les villages. Le stockage de l'eau n'est plus obligatoire puisque les villageois n'ont plus à craindre une semaine entière sans eau, les maisons sont donc moins encombrées et plus faciles à nettoyer. L'hygiène de l'eau et l'hygiène de vie des habitants sont ainsi améliorées.

L'association Kynarou veille à assurer la durabilité de ses actions par l'implication des populations dans toutes les phases des projets. Le suivi du projet est assuré par le partenaire local de l'association, les comités de gestion de l'eau et les groupes de microcrédits, qui sont aujourd'hui à même d'entretenir leur équipement.
Pour vérifier la bonne gestion de la maintenance des réseaux mis en place, l'association continue de suivre les comités de gestion dans leur organisation des tâches et les Self Help Groups dans leur gestion des revenus. La maintenance des équipements hydrauliques s'autofinance par l'apport ponctuel des Self Help Groups qui, en cas de difficulté, versent une partie de leurs bénéfices aux comités de gestion.

Si un problème survenait et empêchait le comité de gestion de l'eau de financer ces charges ponctuellement, l'ONG locale aiderait les Self Help Group financièrement et les assisterait dans leur travail jusqu'à ce qu'ils soient redevenus autonomes. Cependant, les risques de coûts de réparation ont été réduits par le choix de matériaux de qualité pour la construction des installations.
Les activités de sensibilisation et de suivi sont poursuivies pendant les six mois post-projet dans chaque village et les membres des comités de gestion, les membres des Self Help Groups ainsi que les travailleurs sociaux du partenaire local remettent des rapports de suivi à Kynarou. Forts de ces expériences positives, l'association et ses partenaires vont continuer de mettre en œuvre le projet Kynarou Santé dans huit nouveaux villages qui sont d'ores et déjà identifiés.


Sophie Lehideux
Association Kynarou
T. Inde : 0091 96 29 66 25 36
T. France : 06 68 19 84 58
Email:
kynarou@gmail.com
Site internet: www.kynarou.org

Kynarou - Paris - France
 

Sur le plan de la sensibilisation, une évaluation rurale participative établit quelles sont les connaissances et les comportements des populations en matière d'hygiène et d'usage de l'eau ainsi que les besoins prioritaires des villageois.(©Kynarou)
 

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