retour imprimer © Lettre du pS-Eau 61 de Feb 2010

L'Ong CARE au Maroc: Eau, assainissement et éducation à l'hygiène dans les écoles en milieu défavorisé

Face aux inégalités dont souffre le pays en matière d'accès à l'eau potable et à l'assainissement, les autorités marocaines ont lancé en avril dernier un plan d'urgence sur trois ans. Celui-ci prévoit l'amélioration des infrastructures, la sensibilisation à l'hygiène et le renforcement des approches pédagogiques. Depuis 2008, l'Ong CARE intervient en partenariat avec les autorités locales, des collectivités françaises et des bailleurs internationaux, pour améliorer l'accès à l'eau et l'hygiène dans les écoles des milieux les plus défavorisés.

Le ministère de l'Education nationale disposait jusqu'à ces dernières années de très peu de moyens pour assurer la mise aux normes des infrastructures d'un nombre très important de petites écoles éparpillées sur le territoire national. Premières concernées par ce manque d'infrastructures d'assainissement en milieu scolaire, les filles, fréquemment retirées de l'école par leur famille au moment de l'adolescence.
Conscientes du retard accumulé et de l'impact sur la scolarisation de toute une tranche d'âge, les autorités nationales ont lancé un programme d'urgence qui comprend l'amélioration des infrastructures, la sensibilisation à l'hygiène et le renforcement des approches péda­gogiques. Le grand nombre d'écoles implique un effort d'envergure auquel les partenaires du Maroc sont invités à contribuer.

L'enjeu consiste à améliorer durablement l'accès aux services de base, en mobilisant les habitants et en renforçant les capacités de l'ensemble des acteurs locaux, en particulier les autorités locales, par le biais de liens durables avec des collectivités locales françaises. Les établissements scolaires qui manquent le plus d'équipements sont les petites écoles primaires des zones rurales et périurbaines, rarement raccordées à l'eau et ne disposant en moyenne que de deux sanitaires pour 150 enfants, sans évacuation des eaux usées. L'objectif du projet mené par CARE est de raccorder ces établissements à l'eau, et de les doter, en moyenne, d'un cabinet de toilette pour 20 élèves et d'un système d'assainissement autonome.
Depuis début 2008, 7 écoles des périphéries de Casablanca et d'Oujda ont fait l'objet d'une intervention et 20 nouvelles écoles sont d'ores et déjà programmées pour les deux années à venir. Il s'agit de projets spécifiques « eau - assainissement - hygiène dans les écoles» ou d'interventions complémentaires dans le cadre de projets d'adduction en eau potable en milieu rural. L'intervention débute par la mobilisation des acteurs locaux : des rencontres sont organisées avec les communes et les délégations locales de l'Education pour sélectionner les écoles bénéficiaires (critères relevant de la situation d'urgence des écoles, des possibilités financières et de la programmation des partenaires publics). L'accord signé entre CARE et les partenaires locaux porte sur les contributions de chaque intervenant en termes de travaux, de sensibilisation et de gestion des équipements.

Une répartition des tâches en trois temps
• Phase 1. Choix et mise en place des infrastructures. Un diagnostic tech­nique de l'état des lieux et des installations est tout d'abord réalisé pour déterminer la nature des travaux à engager. Puis un raccordement au réseau public, quand ce dernier existe, fournit l'eau aux établissements scolaires. A défaut, les installations sont connectées à une source alternative de proximité (puits, voisinage...) et un réseau est installé dans l'enceinte de l'école, en prévision d'un raccordement ultérieur. L'important consiste à définir, dès le début de l'intervention, les modalités de paiement des consommations entre le fournisseur d'eau et l'administration de l'Education, afin de garantir la pérennité de l'approvisionnement en eau de l'école.
Les normes du programme Wash in schools sont appliquées pour le calcul du nombre de toilettes pour les filles, les garçons, les professeurs. Les toilettes exis­tantes sont réhabilitées et complétées par des toilettes neuves, et des lavabos sont installés en nombre suffisant pour assurer le lavage régulier des mains.
Pour l'assainissement, une fosse septique suivie d´un système épuratoire par drains filtrants horizontaux est préconisée. Les tests de perméabilité des sols valident le système épuratoire à retenir. Une formation des acteurs locaux (services techniques communaux, artisans locaux, association d'usagers...) à la construction et à l'entretien de ces systèmes rustiques adaptés au contexte local, facilitent ensuite la diffusion des bonnes pratiques auprès d'autres écoles et éventuellement auprès des ménages à faibles revenus des zones non encore raccordées au réseau d''assainissement.

• Phase 2. Promotion de l'hygiène et respect de l'environnement. Con­formément aux normes internationalement reconnues, les projets mis en œuvre par CARE prévoient un important volet de sensibilisation destiné à : accompagner les changements de comportements induits par l'arrivée de l'eau et de l'assainissement à l'école ; pérenniser et démultiplier les impacts positifs de l'intervention, notamment dans les communautés locales. Ce volet de sensibilisation à destination des élèves s'appuie sur la relation entre l'école et la communauté locale. Les enfants sont mobilisés et informés en tant que vecteurs privilégiés des changements à l'échelle de leur famille et de leur communauté. Le programme de sensibilisation se décompose en quatre temps principaux. Dès le départ, des rencontres sont organisées avec la direction et les instituteurs de l'école pour expliquer le déroulement du projet et s'assurer de leur implication concrète (mobilisation des enfants et des parents pour le maintien des infrastructures en bon état, fabrication de supports pédagogiques, etc.).
Une enquête sur les ”pratiques et usages de l'eau/assainis­se­ment”, est menée par les enfants à l'école et à la maison, avec le concours de l'équipe pédagogique. Cette enquête servira d'outil de suivi évaluation du changement des comportements.
Avant le démarrage effectif des travaux, l'équipe CARE présente et explique le projet et ses objectifs aux élèves. L'artisan présente son travail et un temps de questions/ réponses est organisé, notamment grâce à des outils pédagogiques qui expliquent les grands principes de la préservation de la ressource et de l'environnement, ainsi que le fonctionnement du système. Une fois que les enfants en ont parlé à la maison, les parents d'élèves sont conviés à une présentation du projet par les enfants eux-mêmes. Au moment de la mise en eau des installations, une fête est organisée pour l'inauguration, avec des activités ludiques (théâtre, chansons) sur les thèmes de l'eau, de la propreté, de l'hygiène. Les enfants réalisent des dessins/peintures sur de grands panneaux papiers, font le serment de préserver les équipements installés, des livrets pédagogiques sont distribués aux élèves et des arbres sont plantés dans la cour d'école.
Certains projets comprennent également un volet d'initiation informatique . Il s'agit de former les enseignants et les élèves à l'utilisation d'un outil informatique connecté à Internet. Cette formation est financée par le programme. Puis les élèves réalisent un reportage « avant/après » sur l'arrivée de l'eau à l'école, et un outil informatisé de suivi évaluation des pratiques d'hygiène journalière est mis en place.

• Phase 3. La gestion pérenne des équipements. Un accord est conclu avec l'administration locale de l'Education pour assurer la couverture des coûts de consommation d'eau et de vidange du système d'assainissement.
La surveillance des équipements est également organisée et assurée par les services techniques communaux, tandis que l'entretien des sanitaires est assuré par le gardien de l'école et/ou l'association des parents d'élèves.
Les artisans locaux qui ont assuré la construction du système
d'assainissement sont formés à son entretien (la vidange annuelle notamment).

Les secteurs publics et privés intéressés par l'assainissement
Ces interventions sont l'occasion de partenariats locaux divers : bien que peu pourvues en moyens financiers, les communes sont très sensibilisées à l'amélioration des conditions d'hygiène des établissements de leur territoire.
Dans la mesure où elles participent à la préservation des nappes phréatiques, certaines agences de bassin contribuent ainsi financièrement à la construction des équipements d'assainissement (c'est le cas de l'agence de bassin hydraulique de la Moulouya en région de l'Oriental). Les partenaires ministériels (ministère de l'Education, secrétariat d'Etat à l'Eau et à l'Environnement) s'impliquent également dans des programmes d'éducation au développement ou dans la création de ”clubs de l'environnement” dans les écoles.
Enfin, les partenaires du secteur privé s'intéressent de plus en plus à ces interventions en milieu scolaire, qui renforcent leur image d'entreprise citoyenne (cas de Sanofi Aventis Maroc).

Une coopération décentralisée française très active au Maroc
Certains partenariats entre collectivités françaises et marocaines ont vu se concrétiser, étalés dans le temps, plusieurs projets sur un même territoire. Le syndicat des eaux d'Ilede-France (Sedif), partenaire de petites communes rurales de l'Oriental, accompagne plusieurs projets de raccordement à l'eau potable et de sensibilisation à l'hygiène depuis 2007. Le syndicat intercommunal d'assainissement de Valenciennes (SIAV) a tissé des liens privilégiés avec la commune rurale de Oulad Saleh, dans la wilaya de Casablanca, où la totalité des écoles du territoire communal devrait être équipée fin 2010. Fortement mobilisée sur les objectifs de ce partenariat, la commune d'Oulad Saleh cofinance le projet sur ses excédents budgétaires annuels.

Les expériences engagées par CARE et ses partenaires démontrent la pertinence d'une approche intégrée des questions d'éducation et de santé/hygiène à l'école mais aussi l'urgence des besoins non encore couverts pour atteindre les objectifs du Millénaire1. Pour cela, il s'avère nécessaire de renforcer :
• la coordination et la complémentarité des interventions de l'Etat et des ONG en veillant à ce que les programmes nationaux ne se cantonnent pas à l'équipement et ne sous-estiment pas la part essentielle de la sensibilisation et de l'accompagnement des élèves, parents, enseignants et collectivités locales ;
• les échanges d'expériences et de bonnes pratiques entre opérateurs, notamment pour adapter les dispositifs d'assainissement aux contextes locaux (en termes de construction et d'entretien) et améliorer l'intégration de la sensibilisation à l'hygiène dans les formations ;
• l'effort de financement de façon à mettre en œuvre des programmes de plus grande envergure en ciblant l'ensemble des écoles rurales et en mesurant, sur le moyen et long terme, les impacts des interventions (aux plans sanitaire, scolaire et comportemental.).


Gaëtan Ducroux
CARE (Casablanca)
Email:
ducroux@caremaroc.org
Site internet: www.caremaroc.org

Grégoire de Sachy
CARE (Paris)
Email: desachy@carefrance.org
Site internet: www.carefrance.org

CARE - Casablanca - Maroc
CARE - Paris - France
 

Elément majeur du dispositif, tout au long du processus les enfants des écoles concernées contribuent activement à la sensibilisation de leurs parents aux règles d'hygiène, à la préservation de la ressource et à l'entretien des équipements. (@CARE]

Installation d'une citerne pour fosse septique (@CARE]
 

©Lettre du pS-Eau 61 de Feb 2010

   © pS-Eau 2024