retour imprimer © Lettre du pS-Eau 61 de Feb 2010

Coopération Besançon-Jéricho: Des équipements pérennes pour le ”camp” de réfugiés palestiniens d'Aqabat Jabr


Situé à quelques kilomètres de la mer Morte, le camp d'Aqabat Jabr souffre d'une sécheresse constante et seules deux sources alimentent irrégulièrement les 5 600 habitants restés après la Guerre des 6 jours. (@Ville de Besançon)

Depuis 2004, la ville de Besançon développe un partenariat avec Aqabat Jabr, camp de réfugiés palestiniens créé en 1948 en Cisjor­danie. L'enjeu : mettre en place un service pérenne d'accès à l'eau et à l'assai­nissement pour les 5 600 habitants d'un camp devenu, un demi-siècle plus tard, un quartier permanent.

Contrairement à ce que certains pourraient imaginer, le camp d'Aqabat Jabr n'est pas un village de tentes dépourvu de tous services. Son existence remonte à la première guerre israélo-arabe de 1948, suite à l'afflux de réfugiés palestiniens vers la ville de Jéricho. Avec ses 50 000 habitants, il a été pendant longtemps le plus grand camp de refugiés de Cisjordanie, avant qu'une grande partie de sa population ait fui vers la rive Est du Jourdain au moment de la guerre des Six Jours.
Il compte aujourd'hui environ 5 600 habitants, administrés par un comité populaire d'une quinzaine de membres élus et bénévoles. L'enlisement du conflit s'est traduit par une sédentarisation évidente (constructions durables, infrastructures et réseaux) et Aqabat Jabr se présente comme un quartier permanent. Mais la vie y est précaire : restriction à la liberté de circulation, chômage (+ de 50 % de la population active), écoles surchargées, violences intra familiales, difficultés d'accès aux soins…

Situé à quelques kilomètres de la mer Morte, le camp souffre d'une sécheresse constante et seules deux sources alimentent irrégulièrement ses 5 600 habitants. L'instabilité de la région aggrave la situation : de fréquentes coupures, liées aux aléas politiques, sont régulièrement exercées par la société israélienne Mekorot, qui gère la troisième source. Au-delà de ce contexte spécifique impliquant des difficultés d'approvisionnement en eau, le camp connaît d'importants problèmes de gestion, aux plans technique et financier. Le réseau existant est vétuste et comporte de nombreuses fuites en raison du manque d'entretien, et l'absence d'un système de facturation rend impossible la couverture des frais liés au service.
Les habitants s'adaptent. Soit ils stockent l'eau dans des réservoirs – où sa qualité se dégrade
fortement – et installent un surpresseur familial dans la cour ; soit ils achètent l'eau à un prix très élevé­ au camion-citerne qui vient de Jéricho.

C'est donc très rapidement que la coopération avec la ville de Besançon s'est orientée sur la rénovation du réseau d'eau et d'assainissement. Depuis la signature, en janvier 2008, de la convention de partenariat entre la ville de Besançon et le camp d'Aqabat Jabr, c'est un véritable projet de développement qui se met en place.
Les travaux de réhabilitation du réseau, commencés début 2009 après de sérieuses études techniques préliminaires, sont en bonne voie. Mais pour assurer la pérennité du service, ces travaux de réhabilitation doivent s'accompagner d'un travail sur la gestion des équipements et d'une sensibilisation des populations au problème du gaspillage. La chaleur y est telle que beaucoup d'habitants ont pris l'habitude d'arroser leurs figuiers dans la cour et de rafraîchir les terrasses à coups de jet d'eau.
Assurer la gestion du service implique notamment de disposer d'un local avec un stock de matériel pour effectuer, en cas de besoin, les premières réparations, de suivre la consommation et de faire admettre le principe du compteur individuel et du paiement d'une taxe. Ce sont des règles difficiles à faire appliquer là où il n'y avait jusqu'à maintenant aucune régulation et où les branchements sauvages étaient la seule alternative.

Un travail à quatre mains
Les responsables palestiniens du projet étaient donc un peu sceptiques au départ, mais ils ont fini par s'engager pleinement aux côtés de leur partenaire français. Les choses ont ainsi évolué progressivement, chacun faisant des efforts pour que le programme soit mené à bien sous tous ses aspects: formation, campagnes de sensibilisation, etc.
L'inauguration officielle du nouveau réseau est programmée pour avril 2010, en présence du maire de Besançon, invité par les autorités du camp. Il ne s'agit pas seulement d'une visite protocolaire, puisque l'apport de la coopération va bien au-delà des aspects techniques. Elle est aussi, comme le souligne l'un des interlocuteurs palestiniens, «le lien qui permet de rompre l'enfermement géographique et psychologique» pour une population palestinienne fragilisée par un long conflit.

La ville de Besançon finance le programme de coopération à hauteur de 100 000 euros, dont 55 % au titre du prélèvement autorisé par la loi Oudin sur ses budgets de l'eau et de l'assainissement. Mais le budget requis (380 000 euros) pour ce programme de coopération ne peut être supporté par la seule collectivité qui le copilote. C'est donc avec l'appui de nombreux partenaires palestiniens et français qu'il peut exister :
– ministère des Affaires étrangères et européennes, avec l'appui financier du consulat général de France à Jérusalem ;
– agence de l'eau Rhône, Méditerranée et Corse, dont le soutien important (100 000 €) a été déterminant ;
– l'Autorité palestinienne (400 mille dollars) et le comité populaire du camp d'Aqabat Jabr.

Comme dans toute coopération, l'identification des compétences locales est indispensable à la réussite du projet. Dans le cas du programme de rénovation du réseau d'eau et d'assainissement du camp, il s'agissait de trouver :
– les ressources en ingénierie, pour mener à bien les procédures de marchés publics, la sélection des entreprises et le suivi des travaux ;
– la structure capable de prendre en charge l'ensemble du travail de sensibilisation de la population à une meilleure utilisation de la ressource en eau ;
– le mandataire financier garan­­tissant la transparence des opérations financières ;
– le chef de projet local chargé de coordonner sur le terrain l'ensemble du programme et d'en fournir régulièrement le bilan à la collectivité maître d'œuvre.

Trouver le mandataire financier a été un préalable essentiel. La ville de Besançon est membre du RCDP (Réseau de coopération décentralisée pour la Palestine – Cités-Unies-France), et c'est donc Yaser Abed, correspondant du RCDP à Ramallah, qui gère, selon une procédure déterminée par convention, l'ensemble du budget consacré au programme. Le travail de sensibilisation a pu quant à lui rapidement avancer grâce à l'implication d'une équipe d'enseignants, d'animateurs et d'étudiants particulièrement motivés du lycée professionnel, sous le regard à la fois ferme et bienveillant de son proviseur, M. Hamdan.
En revanche, les choses ont été un peu plus complexes pour l'ingénierie. Non que les ressources manquent. Les Territoires palestiniens disposent de nombreux ingénieurs de haut niveau. Encore faut-il connaître ces opérateurs, et surtout maîtriser leur fonctionnement. C'est après plusieurs missions de terrain, des tâtonnements et quel­ques surprises, que toute la partie technique du dossier a été confiée au PMU (Power Management Unit), bureau technique de PWA (Power Water Authority), l'équivalent d'un ministère de l'Eau au sein de l'Autorité palestinienne.

Enfin, pièce maîtresse du programme, le chef de projet local. Un rôle multiple qui requiert des compétences techniques, un réel talent de médiateur, la connaissance du terrain et une bonne maîtrise des enjeux de la coopération. Cette mission a été confiée à celui qui est aussi le directeur administratif du camp d'Aqabat Jabr, Imad Abu Sombul.
Si la coopération entre la ville de Besançon et le camp d'Aqabat Jabr est d'abord un choix politique, elle ne pourrait fonctionner sans le travail des services chargés de sa mise en œuvre concrète. Dans cette coproduction municipale, chacun joue son rôle. La direction de l'eau et de l'assainissement supervise l'ensemble de la partie technique : plan général de rénovation du réseau, planning des différentes phases de travaux, installation des compteurs, inspection du local de stockage…
La rédaction des dossiers destinés au ministère des Affaires étrangères et européennes ou au conseil municipal, la préparation des missions, l'accueil à Besançon des délégations du camp, sont l'affaire de la direction des Relations internationales. Un travail à quatre mains indispensable pour un programme qui avance si bien qu'on envisage de lui donner une suite, avec un programme de coopération sur l'assainissement et la gestion des déchets.

Suite à cette première phase d'action qui s'achève en 2010, une deuxième phase d'intervention se déroulera sur trois ans, avec l'objectif de pérenniser le service de l'eau. Cela se traduira par un important travail d'accompagnement et de formation sur la gestion du service sous tous ses aspects, la mise en place de compteurs et la réalisation d'un premier volet assainissement.
Contacts
Ville de Besançon

• Christophe Lime, adjoint délé­gué à l'eau et à l'assainissement ;
• Nicolas Guillemet, conseiller municipal délégué à la coopéra­tion et au développement
• Annick Bénézet, chargée de mission coopération décentralisée
T. 03 81 61 59 44
annick.benezet@besancon.fr



L'agence de l'Eau Rhône-Méditerranée et Corse
En application de la loi Oudin-Santini, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse soutient les maîtres d'ouvrages de son bassin qui s'engagent dans des actions en faveur de l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, dans les pays d'Afrique franco­phone, du pourtour méditerranéen et entrant dans l'Europe. Un fonds annuel d'environ 1 million d'euros a été mis en place pour soutenir des initiatives con­crètes (études préa­lables, réalisations
d'in­fras­tructures, accom­pa­­gnement).
Contact : jean.faurebrac@eaurmc.fr • www.eaurmc.fr

Ville de Besançon - Besançon - France
 

La partie technique a été confiée au PMU (Power Management Unit), bureau technique de PWA (Power Water Authority), l'équivalent d'un ministère de l'Eau au sein de l'Autorité palestinienne. (@Ville de Besançon)
 

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