retour imprimer © Lettre du pS-Eau 59 de Jun 2009

La récupération d'eau de pluie: L'exemple de Sibirila - Une technologie qui peut répondre aux besoins des populations


D'une capacité d'environ 10m3, les citernes hors sol collectent les eaux de pluie des bâtiments munis d'un toit en tôle galvanisée.

La fondation Rain s'est donnée pour mission de vulgariser la collecte des eaux de pluie (CEP) dans trois pays d'Afrique de l'Ouest, notamment à Sibirila, au Mali, en partenariat avec l'ONG Helvetas-Mali. Simple et aux résultats probants, cette technologie peut être envisagée dans certains cas.

Le village de Sibirila se trouve dans la commune rurale de Faragouaran (cercle de Bougouni, région de Sikasso), à 200 km de la capitale Bamako. La pluviométrie y est de l'ordre de 1000 à 1100 mm par an. Le village compte 1 200 personnes, réparties en 37 familles et 110 ménages. Ce sont surtout des Bambara, qui ont pour principales activités l'agriculture, l'élevage, l'arboriculture, la cueillette et le commerce.
L'eau est une denrée rare à Sibirila en raison de la nature géologique du sol et de l'existence d'un dôme qui empêche toute accumulation d'eau dans le sous-sol. En témoignent sept tentatives de réalisations de forages, toutes négatives, à l'exception d'une, équipée malgré son faible débit : moins d'un mètre cube par heure.
Des puits traditionnels sont néanmoins disponibles, mais seulement durant quatre à cinq mois après la saison des pluies. Ils tarissent dès décembre ou janvier. Durant la période de pénurie, les femmes doivent alors se déplacer jusqu'aux puits dans les champs ou dans les villages environnants (entre 5 à 10 km).
Face à cette difficulté, des tentatives de solutions ont été envisagées. L'une des alternatives serait de réaliser un mini-réseau d'adduction qui desservirait plusieurs villages à la fois, dont Sibirila. Cependant, cette alternative coûte cher ; les études de faisabilités socio-économiques et techniques ont chiffré le coût du projet à plus de 200 millions FCFA (300 000 €). C'est dans ce contexte que Helvetas-Mali a saisi l'opportunité de la CEP pour répondre aux besoins des populations de Sibirila en ma­tière d'approvisionnement en eau potable.

Comment ça marche ?
Le programme CEP vise à délivrer de l'eau potable. Or, un impluvium de 10 m3 permet d'approvisionner un ménage moyen de 10 à 15 personnes pendant 6 à 7 mois à raison de 3 litres par personne et par jour si l'eau est utilisée uniquement pour les besoins do-mes­tiques de boisson et de préparation de la nourriture.
Les impluviums mis en place sont constitués de petites citernes en ferro-ciment, dont la réalisation est assez simple et facilement reproductible au niveau local. Ils comprennent entre autres : une gout­tiè­re, un entonnoir pour faciliter le drainage de l'eau, un tuyau d'évacuation des premières eaux de pluie (nettoyage), un tuyau d'amenée, un réservoir de stockage, puis un système de trop plein, de puisage et de vidange. Cet ensemble est posé sous la toiture en tôle galvanisée des habitations ou des lieux publics.
Pour garantir la qualité de cette eau, une toiture en tôle galvanisée est requise. Au début de la saison des pluies, les gouttières sont dé­barrassées de tous les détritus accumulés. L'eau des premières pluies sert également à nettoyer les toits en tôle et les gouttières. Un dispositif de déviation des premières eaux de pluie en forme de T est fixé sur la conduite d'amenée d'eau dans la citerne. L'entonnoir est d'ailleurs doté d'un tamis pour éviter l'entrée de tout débris, d'insectes et de petits animaux. Idem pour le tuyau du trop plein, dont l'orientation est telle que les rayons solaires n'entrent pas.
Puis, il est conseillé de laver et désinfecter une fois l'an l'intérieur de la citerne avant la collecte de l'eau. Des études menées au Burkina Faso en 2008 ont montré que l'eau collectée est de très bonne qualité sur le plan physico-chimique. Sur le plan bactériologique, on constate une certaine contamination par coliformes dans 50 % des cas (ce qui souligne l'importance des mesures préventives). C'est pourquoi il est conseillé de procéder à une désinfection de l'eau avant utilisation. Le chlore est bien indiqué pour cela –- à raison de trois gouttes par litre d'eau ou sous forme d'un pot diffuseur mis à l'intérieur de l'impluvium.

Une approche de travail participative
Dans ses zones d'intervention, Helvetas-Mali a déjà répertorié et fiché dans une base de données les villages difficiles à approvisionner en eau potable. Une fois l'accord financier reçu de la fondation Rain pour l'élaboration des projets durant l'année, des séances d'information sont organisées dans les villages sur les conditions de financement des ouvrages.
Les sites d'intervention sont choisis en fonction du degré des difficultés d'approvisionnement en eau (éloi­gnement des sources, fréquence des maladies hydriques, conditions de réalisation des points d'eau, qualité de la nappe, etc.). Le choix des bénéficiaires repose sur une base consensuelle et transparente. Différents outils et tech­niques d'animation sont em­plo­yées (réunions, assemblées, interviews in­dividuelles ou de groupe, grilles de classification des ména­ges, etc.). Ce sont ainsi les populations elles-mêmes qui choisissent les bé­néficiaires, avec l'appui de l'équipe d'Helvetas. En parallèle, via une classification des ménages par ordre de prospérité, Helvetas-Mali fait en sorte que les ménages pau­vres soient également servis en système de CEP. Cependant, des inégalités subsistent.
Une fois le site retenu et les bé­néficiaires choisis, ceux-ci sont associés à toutes les étapes du projet ; de l'identification des sites à la remise des ouvrages. Cela garantit leur appropriation et assure la mo­ra­lité des dépenses. Toutes les décisions sont prises de façon consensuelle, en assemblée générale villageoise, afin que la transparence soit de rigueur tout au long du processus.
Au cours des assemblées générales, les villageois choisissent leurs délégués pour les re­présenter dans la commission de choix des fournisseurs de matériaux, pour le suivi de la mise en place et pour la surveillance des matériaux lors de la phase de construction. Les femmes sont bien représentées à ces assemblées et leurs décisions sont prises en compte.

Une formation à l'hygiène nécessaire
L'équipe d'animation, composée du personnel d'Helvetas et des équipes de prestataires, organise plu­sieurs séances d'animation et de formation pour les bénéfi­ciaires sur la gestion et l'entretien des citer­nes, l'hygiène de l'eau, l'assainissement du village, les méthodes de prévention des maladies liées à l'eau, la relation eau potable et santé, etc. Le suivi technique de la mise en place des équipements est fait par un prestataire spécialiste en génie civil/ rural. Ce suivi permanent vise à garantir la qualité des ouvrages et le respect des normes de construction par les équipes de maçons. Des maçons locaux sont associés au processus de construction pour faciliter sa réplication. Puis, le suivi de l'utilisation des équipements est assuré par des visites régulières du technicien du projet et/ou l'animateur, et facilité au niveau du ménage par des documents de suivi en langue Bamanan.

Trente-deux ouvrages de à Sibirila
Depuis son entrée dans le programme CEP de la fondation Rain, Helvetas-Mali a construit à Sibirila un total de 32 ouvrages CEP (dont 6 sur financement pro­pre) avec une capacité totale de stockage de 350 m3. Deux ménages ont également été accom­pagnés pour se procurer un toit en tôle galvanisée, indispensable à la CEP visant l'eau de boisson. Le nombre de bénéficiaires est estimé à un total de 685 personnes. La mise en place des équipements de 2009 est en cours, ce qui va plus que doubler le nombre total d'ouvra­ges réalisés.
Les systèmes de récupération réalisés par Helvetas à Sibirila ont un volume de 10, 12 ou 14 m3. Leur coût total de réalisation est de l'ordre de 65 000 à 70 000 FCFA (100 €) par m3 en moyenne, dont à peu près la moitié concerne les frais des matériaux et le transport.
Les impluviums sont réalisés avec une participation des bénéficiaires en nature (pour l'équivalent d'environ 5 000 FCFA par m3), par la fourniture de matériaux locaux de construction (sable, gravier, moellon, eau, etc.) et de la main-d'œuvre non qualifiée. Les bénéficiaires contribuent également en numéraire (environ 1 000 FCFA par m3), aidés par Helvetas-Mali selon les cas sous forme d'un crédit d'un an. Helvetas contribue d'ailleurs au projet en tant qu'ONG (pour environ 15 % des frais totaux) – par l'intermédiaire de la non-facturation d'une partie du temps de gestion du projet.

Une technologie appropriée à certains sites, pas à d'autres
Les expériences d'Helvetas-Mali et les témoignages des populations à Sibirila prouvent que la collecte des eaux de pluie s'inscrit bien dans la logique locale de développement. Il s'agit d'une technologie adaptée aux besoins en eau pota­ble des populations, sur des sites ayant des caractéristiques géologiques spécifiques. Les impluviums sont assez faciles à construire, cependant ils ne sont pas à la portée de toutes les populations du fait de leur coût élevé pour certains ménages.
Actuellement, la CEP est appropriée pour certains sites, mais trop chère pour d'autres. Ainsi, ce système ne couvre pas tous les be­soins en eau des populations. Cependant, les bénéficiaires confir­­ment que la qualité de l'eau des citernes est meil­leure que celle utilisée jusque-là dans le village. Mais il reste indispensable de mettre en place un système efficace de con­trôle de la qualité de l'eau à long terme.
Les formations semblent avoir des effets positifs puisque les expériences à Sibirila concernant l'entretien et la gestion des citernes sont bonnes. Chaque bénéficiaire responsabilise une personne dans son ménage, qui bénéficie ensuite de la formation et des informations nécessaires, pour assurer efficacement le travail de maintenance, d'entretien et de gestion.
A l'avenir, il sera intéressant de créer à Sibirila un comité de gestion des ouvrages CEP. Un tel comité facilitera à long terme les échanges entre les propriétaires d'un système CEP, la résolution des problèmes de maintenance et de réparation, etc. Le nombre croissant des ménages bénéficiaires justifierait une telle initiative.
Dans le village, des personnes autres que les bénéficiaires directs ont aussi profité des informations et s'en servent aujourd'hui pour améliorer leurs conditions de vie. Toutefois, pour une vraie mise à l'échelle de la CEP, il sera nécessaire d'employer d'autres modes de communication tels que les rencontres avec les autorités administratives, les collectivités et les services techniques, puis des émissions sur les radios locales et même les antennes de télévision.
La CEP est une technologie simple, et capable d'améliorer l'accès à l'eau potable des populations de certaines zones géologiques (zones à nappe polluée, très profonde et/ou difficile d'accès). La CEP figure d'ailleurs parmi les solutions les plus logiques et appropriées pour limiter les impacts du réchauffement climatique à court, moyen et long terme.
Les besoins actuels en eau des ménages en milieu rural sont plus grands que le volume d'eau de pluie capté pour eau de boisson. Il faut étudier si la CEP pourra fournir davantage que 3 litres par personne par jour à l'avenir.
Pour cela, il sera opportun de s'orienter vers d'autres techniques de captage des eaux de pluie – plus adaptées aux importants volumes requis dans l'agriculture, le maraîchage, etc. Comme la qualité de l'eau est moins importante dans ces secteurs, les systèmes CEP ne nécessiteront pas de couverture ou autres éléments préventifs, ce qui rendra leur prix aussi plus abordable pour tous.



Un contexte institutionnel favorable
Depuis 2002, la stratégie nationale de développement de l'alimentation en eau potable, adoptée par le gouvernement malien pour opérationnaliser son Code de l'eau, a défini un certain nombre d'objectifs significatifs :
• éliminer les contreparties financières des populations bénéficiaires lors de la réalisation des infrastructures et les remplacer par la mise en place d'un fonds de roulement équivalent à six mois de fonctionnement de l'infrastructure ;
• fixer le prix de vente maximum du mètre cube d'eau à 500 FCFA et envisager des modalités de subvention des surcoûts par l'Etat et/ou les communes ;
• donner la priorité aux villages sans point d'eau potable dans les programmes de réalisation d'infrastructures ;
• appliquer le principe d'équité ; le droit d'accès à l'eau potable étant reconnu par les textes législatifs fondamentaux du Mali.
Cette stratégie se décline aussi à travers le plan d'actions pour la gestion intégrée des ressources en eau (PAGIRE). Le Mali se donne également pour objectif de contribuer à la lutte contre la pauvreté et pour le développement par des solutions appropriées aux problèmes liés à l'eau.
En accordant une place importante à toutes les technologies capables de répondre aux problèmes de l'accès à l'eau, ces politiques encouragent ainsi implicitement le développement de la pratique de la collecte des eaux de pluie (CEP).
Contact : www.dnh-mali.org

Le programme CEP, la Fondation Rain et l'ong Helvetas au Mali
L'intervention de la Fondation Rain au Mali depuis 2006 se fait par l'intermédiaire de six ONGs partenaires : Alphalog, CREPA, GRAT, Helvetas, NEF et WaterAid.
Helvetas-Mali mène actuellement, sur financement de la Coopération Suisse, le programme AM-Eau (Accompagnement de la Maîtrise de l'Eau par les acteurs locaux), qui a pour finalité de contribuer à la mise en œuvre de la politique de l'eau du Mali.
Ainsi, les deux organisations ont noué un partenariat pour la réalisation d'impluviums dans le village de Sibirila au Mali-Sud.

La fondation Rain
Le réseau de mise en œuvre de la collecte des eaux de pluie (rainwater harvesting implementation network – RAIN) est un réseau international qui vise à accroître l'accès à l'eau des couches vulnérables dans les pays en voie de développement (surtout les femmes et les enfants) à travers la collecte et le stockage des eaux de pluie.
Aujourd'hui, RAIN intervient dans cinq pays, le Burkina Faso, le Mali,
le Sénégal, l'Ethiopie et le Népal. En 2009, dans sa troisième année au Mali, RAIN soutient les programmes d'action de quatre ONG : Alphalog, dans un village rural près de Bamako ; le CREPA-Mali dans une localité
près de N'Djifina (vers Fana) ; Helvetas dans le sud du Mali (Bougouni),
et WaterAid-Mali, qui travaille dans le nord-est du pays et appuie deux
ONG locales – l'ADDA à Mondoro et l'ARAFD à Koro. Le nombre d'ouvrages CEP à construire en 2009 par les quatre partenaires varie
de 20 à 50 systèmes. La réalisation d'impluviums 2009 portera sur
une capacité totale de 1 750 m3.
Ce programme de la fondation Rain est financé par le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas (2006-2010) et bénéficie d'un cofinancement de 20 % par la fondation Ensemble pour les activités au Burkina Faso et au Mali.
Contact : www.rainfoundation.org


Peter Ton
RAIN Foundation
Email:
info@rainfoundation.org
Site internet: www.rainfoundation.org

Yacouba Diallo
Helvetas Mali
Email: yacouba.diallo@helvetas.org
Site internet: www.helvetas.org

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Le nettoyage des toits d'où provient l'eau et la désinfection des citernes, est indispensable au moins une fois par an, pour assurer une bonne qualité de l'eau.

Les artisans locaux maîtrisent la construction du système, assez simple.
 

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