retour imprimer © Lettre du pS-Eau 58 de Mar 2009

Angola: Le Comité d'aide médicale (CAM) à Uige: Après la guerre, répondre aux immenses besoins en eau potable


Les villageois préparent les tranchées des conduites d'amenée d'eau, depuis le petit barrage jusqu'au village, ce qui représente en moyenne 4 km à creuser, en partie dans la foret équatoriale !

Après 30 années de guerre civile, l'Angola est en pleine reconstruction. Les infrastructures de base y demeurent très déficientes, notamment pour la distribution d'eau potable en zone rurale. Depuis 2006,
le Comité d'aide médical (CAM) relève le défi et mobilise des partenaires autour d'un programme d'AEP gravitaire et de promotion de l'hygiène.

Le Comité d'aide médicale (CAM) est une Ong humanitaire qui soutient les populations affectées par les conflits armés, les catastrophes naturelles et les épidémies. Les programmes du CAM se développent en partenariat avec les communautés locales et concernent trois domaines principaux : les soins de santé primaires, l'accès à l'eau et l'assainissement, et le soutien psychosocial.

Le CAM intervient depuis 2004 dans la province de Uige (au nord de l'Angola), fortement touchée par la guerre. Les travaux indispensables à la reconstruction et à l'extension des infrastructures d'alimentation en eau potable (AEP) nécessitent des fonds importants et surtout une capacité de réalisation que le pays est loin de posséder : organisation administrative et technique, entreprises expérimentées, cadres techniques compétents, etc.
Le manque d'accès à l'eau potable handicape fortement le développement économique et humain du pays, sans parler des conséquences dramatiques sur la santé (les épidémies de choléra sont chroniques en Angola).

Après plusieurs années de soutien au secteur de la santé primaire en zones rurales de la province de Uige, le CAM intervient dans un autre domaine jugé aujourd'hui prioritaire : l'accès à l'eau potable. Les villageois de cette région se ravitaillent en eau dans des conditions très difficiles, en parcourant parfois plusieurs kilomètres à pied pour finalement s'approvisionner dans une rivière dont la qualité de l'eau est douteuse.

Après une mission d'évaluation menée en 2006 par Aquassistance, une proposition a été déposée au titre de la Facilité Eau proposée par l'Union européenne. Avec le cofinancement de l'Agence française de développement, le programme a débuté en juillet 2007 (budget global : 927 000 € pour une durée d'un an, étendue par la suite à 18 mois). Ce programme consiste à :
– construire 4 systèmes d'alimen­tation en eau potable pour desservir par gravité 8 villages de la province ;
– créer et former des comités villageois de gestion de l'eau ca­pa­bles de participer aux travaux de construction et de maintenance des ouvrages ;
– sensibiliser les populations de 10 villages à l'hygiène de l'eau et à l'assainissement ;
– construire des latrines pour les postes de santé de ces villages.

Ce programme a entièrement été conçu et réalisé en partenariat avec les autorités locales (administration du Municipio de Uige), la direction provinciale de l'eau et les populations bénéficiaires. Des conventions de partenariat définissent le rôle de chacun et les populations des villages bénéficiaires se sont engagées à participer aux travaux (creusement des tranchées, pose des canalisations, appui au CAM).

Aquassistance, partenaire technique, accompagne la mise en œuvre sur le terrain à travers trois missions techniques ponctuelles : à l'occasion du lancement des travaux, pour la formation des canalisateurs villageois ensuite, et pour la réalisation d'une évaluation finale.
Le volet sensibilisation du programme est réalisé en partenariat avec une Ong locale (Secut Bagos) et les activités sont suivies par l'équipe de la CAM basée à Uige. Des ressources humaines locales ont été mobilisées pour la construction de latrines dans les postes de santé.

Un système respecteux de la qualité de l'eau
Le choix technique des systèmes AEP se calque sur les anciennes installations construites au temps de la colonisation portugaise, il y a une quarantaine d'années : l'eau d'une rivière est captée en altitude et conduite par simple gravité vers un réservoir en béton armé situé dans le village. L'ouvrage de captage est le plus simple possible (petit barrage en béton). Un réseau de distribution comportant des bornes-fontaines est mis en place à partir du réservoir, et des branchements communautaires sont installés (dispensaires, écoles, etc.).

Conformément à la politique nationale et aux instructions de la direction provinciale de l'eau, des systèmes très simples, sans filtres ni chloration, ont été choisis pour préserver la qualité de l'eau, bonne tout au long de l'année. D'autre part, la gestion ne sera pas volumétrique (pas de compteurs) et l'installation de branchements particuliers n'est pas comprise dans le projet.
Sur le plan financier, la gestion de ce système gravitaire est tout aussi adaptée : une cotisation de 20 Kza (0,2 €) par mois et par famille sera collectée par le comité de gestion de l'eau pour couvrir les éventuels frais de maintenance.

Toute l'équipe du CAM à Uige a été mobilisée pour la mise en œuvre de cet ambitieux projet : deux expatriés, trois assistants angolais et 8 personnes en appui local. Un expatrié, coordinateur de projet en hydraulique rurale, a été recruté en juin 2008 pour mener à bien la réalisation des travaux.

L'approvisionnement en matériel, dans le respect des procédures de l'Union européenne, a été la plus grande difficulté rencontrée par l'équipe du CAM, qui a consacré presque un an à la recherche de toutes les solutions techniques et administratives permettant de répon-dre à cette contrainte.

La recherche des fournitures directement sur le marché de Luanda s'est avérée être un véritable «chemin de croix» du fait de la rareté et du manque de matériels des fournisseurs, dispersés dans cette métropole à la circulation quasi impossible.
Un appel d'offres a d'abord été lancé pour l'achat des fournitures, mais aucun fournisseur angolais n'était en capacité d'y répondre. Finalement, en juin 2008, l'UE a consenti une dérogation autorisant le CAM à signer un contrat de travaux avec une entreprise de construction civile après consultation simplifiée (3 devis), pour la fourniture du matériel et la pose de tubes en acier galvanisé (les conduites PVC étant posées par les villageois). La construction des réservoirs en béton armé a été confiée à une entreprise locale par un contrat séparé, selon la même procédure.

Une mise en œuvre freinée par l'éloignement des villages
Fin juin 2008, deux ingénieurs d'Aquassistance ont finalisé sur le terrain les aspects techniques du projet : la stratégie et l'organisation, les plans et les métrés ont été définitivement validés.

L'absence d'entreprises locales expérimentées dans le domaine hydraulique a ensuite contraint le CAM à se résigner à choisir une entreprise de Uige sans grandes compétences. Le suivi administratif et technique des prestations de cette entreprise se trouve être très lourd, d'autant que le délai de réalisation de six mois est court. Compte tenu de cette contrainte majeure, la réalisation des travaux de construction des réservoirs en béton armé est particulièrement complexe. L'équipe du CAM doit se rendre quasi quotidiennement sur les chantiers, ce qui demande une importante mobilisation du fait de l'éloignement et des difficultés d'accès aux villages.

Dès août 2008, les villageois ont engagé le creusement des tranchées des conduites gravitaires d'amenée d'eau, depuis le petit barrage jusqu'au village, ce qui représente en moyenne 4 km à creuser, parfois dans la foret équatoriale ! La mobilisation villageoise a été une phase délicate qui s'est faite avec l'aide des sobas (chefs de village) et des responsables des comités villageois de gestion d'eau.
La deuxième mission d'Aquassistance, en septembre 2008, a été réalisée par deux agents de réseau et un chef de mission français. Objectif : la formation des dix cana­lisateurs villageois chargés de poser les conduites PVC et de la maintenance des ouvrages. La rencontre a eu lieu dans le village de Dambi où 600 m de PVC110 ont été posés en adduction, et 1500 m de PVC63 en distribution. Les échan­ges professionnels et humains ont été riches et intenses pendant cette période.

Le programme de travaux s'est achevé normalement en février 2009 par une mission d'évaluation d'Aquassistance (contrôle qualité, mise en eau, formation du comité de gestion...). Les travaux restants vont être freinés par la saison des pluies qui bloque l'accès à certains villages. La supervision de l'équipe du CAM et l'approvisionnement des matériaux sur le terrain seront ralentis, mais tous les moyens seront mis en oeuvre pour terminer dans les temps.

Il reste notamment à :
– finir la construction des 4 réservoirs en béton armé ;
– construire les petits barrages (prises d'eau) ;
– poser les tuyaux en acier galvanisé depuis le barrage sur en moyenne 300 m pour « sortir » des passages escarpés (lit du ruisseau) ;
– faire poser par les villageois les conduites d'adduction et de distribution en PVC (tuyaux à emboîtement et pièces à coller) ;
– construire les bornes-fontaines simplifiées en béton armé et à deux robinets.

Poursuivre l'équipement d'autres villages
Le CAM se propose aussi d'ajouter sa « touche » en faisant profiter l'Angola de son expérience en Afrique de l'Ouest : les bornes-fontaines seront équipées d'un tuyau supérieur en forme de «douche» afin que les femmes puissent remplir leur bassine directement sur leur tête.

Un lavoir en béton armé sera également construit dans chaque village. Le plan-type prévu en minimisera les coûts. Afin d'éviter le gaspillage d'eau, ces lavoirs ne seront pas reliés au réseau ; les femmes devront apporter l'eau dans des seaux pour faire leur lessive. Ce type d'équipement est très demandé en Angola.

En raison des difficultés logistiques en Angola et du manque d'expérience dans ce domaine du fait des années de guerre, ce projet a mobilisé pendant plus de deux ans de nombreux acteurs : techniciens, villageois, administrations, Ong, etc. Le CAM souhaite que cette expérience fasse «tâche d'huile» et que les acteurs angolais prennent exemple sur ces réalisations pour engager l'équipement de milliers d'autres villages qui souffrent également de manque d'eau potable.

Le CAM travaille déjà, avec la direction provinciale de l'eau à Uige, à établir un nouveau projet du même type autour de Uige : une demi-douzaine de villages pouvant bénéficier d'un système gravitaire ont été identifiés et la recherche de financements est d'ores et déjà engagée.


Martin Aigle
Comité d'aide médicale (CAM)
Email:
martinaigle@yahoo.fr

Aquassistance - Nanterre - France
CAM - Montreuil - France
 

Un lavoir en béton armé est construit dans chaque village. Le plan-type prévu en minimise les coûts. Afin d'éviter le gaspillage d'eau, ces lavoirs ne sont pas reliés au réseau ; les femmes apportent l'eau dans des seaux pour faire leur lessive.
 

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