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Le droit à l'eau, un rêve pour bon nombre d'Haïtiens


article de presse Mar 2007
Aut. Rock André & Thomas Lalime
Ed. Le Matin - Petion-Ville
Téléchargeable chez l'éditeur
Article:
L'eau, c'est la vie. Cette phrase résume tout, en ce qui concerne l'importance de ce précieux liquide, en cette journée mondiale de l'eau. La meilleure des boissons, dit-on. Pourtant, elle devient de plus en plus rare, particulièrement en Haïti. Et la théorie économique veut qu'un bien soit d'autant plus cher qu'il est rare. Ces deux considérations synthétisent bien la problématique de l'eau. Elles permettent de mieux appréhender le problème de la disponibilité et de l'accès à l'eau potable. Le droit à l'eau demeure un rêve pour bon nombre d'Haïtiens. Ces derniers sont obligés de parcourir des kilomètres pour s'approvisionner en eau. Et là encore, la qualité fait cruellement défaut. L'eau n'est pas disponible pour un grand nombre d'Haïtiens. Elle demeure un luxe. Celle qui coule dans les robinets alimentés par la Camep ne peut servir qu'au lavage. En temps pluvieux, elle coule boueuse. Et parfois puante. Dans son rapport 2006 sur le développement humain, les Nations unies ont insisté sur le rôle majeur de l'accès à l'eau potable pour favoriser le développement humain. Le thème de ce rapport – « Au-delà de la pénurie : pouvoir, pauvreté et la crise mondiale de l'eau » – suggère la dimension du problème. Dans le cas de certains pays, les difficultés pour s'approvi- sionner en eau potable sont plus aiguës. En dépit d'une légère amélioration en Haïti sur les vingt dernières années, l'incapacité à satisfaire les besoins en eau demeure préoccupante, surtout chez les couches les plus vulné- rables de la population. L'accès à l'eau potable est défini comme étant de 25 litres d'eau de bonne qualité par jour et par personne, pour une distance de la source à la maison inférieure à 60 mètres.

Seulement 3,9 % de la population haïtienne ont accès à l'eau traitée
Les informations disponibles à l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI) et au Réseau national en population et développement (RNPD) révèlent que le mode d'approvisionnement en eau de boisson des ménages haïtiens demeure très faible. Seulement 3,9 % de la population ont accès à de l'eau traitée. Le mode d'approvi- sionnement d'une bonne partie du reste de la population se fait comme suit : rivière et source (36,9 %), achat par seaux d'eau (19,5 %), robinet (15,6 %), fontaine publique (12 %). L'achat de seaux d'eau est particulièrement courant dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince où 60 % de la population l'utilise comme mode d'approvision- nement. Seulement 10 % des ménages de l'aire métropolitaine achète de l'eau traitée, selon l'Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH), publiée par l'IHSI en 2001. D'après Lilian Saade (2005), Haïti est le pays avec le taux de couverture en eau potable le plus faible de la région d'Amérique latine et des Caraïbes, avec un taux de couverture de 52 %. En d'autres termes, plus de 4 millions d'Haïtiens n'ont pas d'accès aux services d'eau.
Ces chiffres renvoient à l'accès aux services. Ils ne reflètent pas nécessairement la qualité et la fiabilité de ces derniers, deux facteurs essentiels en matière de santé publique.
Par ailleurs, seulement un logement sur cinq a accès à un fournisseur d'eau courante, mais il y a des différenciations importantes selon le milieu de résidence, le type de logement et le niveau de revenu. Dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, un tiers des logements a accès à un fournisseur d'eau courante (IHSI/ECVH, 2001).
Dans certaines zones, les habitants reçoivent de l'eau quotidien- nement, mais dans la plupart des cas ils en reçoivent seulement deux fois par semaine et pendant quelques heures par jour. Selon Lilian Saade (2005), le manque de service est attribué principalement: 1) aux pertes physiques (estimées à 60 %) associées à l'âge du système de distribution et au piquage d'eau, 2) aux interruptions de l'énergie, surtout dans le cas des puits et des pompes et 3) la pollution des sources d'eau (Saade, citant la US Army Corps of Engineers, 1999). En plus des lacunes de la desserte, le système connait d'autres déficiences, souvent dues au manque d'entretien des infrastructures. Ainsi, la dégradation des réseaux provoque des pertes en chemin importantes.

Absence de contrôle de qualité
Parmi les trois organismes publics de distribution d'eau (Camep, Snep et Pochep), seule la Camep dispose d'un laboratoire de contrôle de la qualité de l'eau potable (Lilian Saade, 2005). Ce laboratoire est équipé pour faire des analyses bactériologiques et physico- chimiques de l'eau potable et il effectue en moyenne 22 analyses par jour. Selon l'étude Lilian Saade portant sur les services d'eau potable et d'assainissement en Haïti et publiée par la Cepal en 2005, le seul traitement en vigueur était la désinfection à l'aide de l'hypo- chlorite de calcium, qui a, cepen- dant, l'inconvénient d'aggraver l'alcalinité déjà excessive de l'eau des sources captées du bassin versant du Morne Hôpital.
Le diagnostic de la situation, en termes d'accès à l'eau courante en Haïti, démontre qu'il n'y a pas de pénurie d'eau douce dans le pays, mais plutôt une répartition inégale et une mauvaise gestion de ces ressources. Avec l'augmentation continue de la pression démogra- phique à Port-au-Prince et dans les autres zones urbaines du pays, l'accès à l'eau courante devient de plus en plus problématique. Sous l'effet de la dégradation de l'envi- ronnement, nos sources sont constamment exposées à une diminution de débit, alors que les besoins à satisfaire s'accroissent. La nécessité d'une politique publique, voire d'une réglementation, s'impose. Le déni d'accès à l'eau courante est considéré comme l'un des indicateurs de pauvreté, suivant la méthode des besoins insatisfaits, à coté de l'accès à l'éducation, à la santé, à l'assainissement…
La version 2004 de la Carte de pauvreté d'Haïti, qui traite la pauvreté suivant l'approche susmentionnée, fait état de la faible disponibilité en eau potable du pays, mais également de la déficience des politiques visant à l'amélioration de la salubrité de l'eau. Selon ce document, Haïti dispose d'une grande potentialité en matière de ressources en eau avec « une quantité importante de rivières, sources, étangs et lagons. » Cependant, il n'existe que 88 services de distribution d'eau potable à travers tout le territoire.
Les eaux de surface totalisent environ 9,5 milliards de m3 et coulent des principaux cours d'eau tels que l'Artibonite, les Trois Rivières, l'Estère, Grande Rivière de Nippes, sur une longueur de 782 km, pour une superficie de 13 765 km2. Selon ce document, les ressources en eaux souterraines du pays sont égale- ment assez importantes. Elles sont estimées à 56 milliards de m3. Les nappes souterraines continues localisées dans les plaines littorales et alluviales représentent 47 milliards de m3, tandis que les aquifères discontinus situés en montagne sont de 8 milliards de m3. Toutefois, moins de 10 % du potentiel hydrique est réellement exploité, soulignent les rédacteurs de la Carte de pauvreté.

Un droit de l'homme
En raison des problèmes environ- nementaux, seulement 10 % des quarante milliards de m3 d'eau que reçoit le territoire national chaque année, s'infiltrent dans le sol. Le reste s'évapore ou se perd dans la mer.
Seulement 26 communes du pays ont une accessibilité plus ou moins satisfaisante en eau courante, indique-t-on dans la Carte de pauvreté. Dans l'ensemble, les disparités régionales sur ce plan sont très significatives aussi. Trois départements géographiques sont dans une situation critique en terme d'accès à l'eau courante : l'Artibonite, le Centre et la Grand'Anse. La totalité des communes de ces départements sont classées dans le groupe de communes ayant les plus fortes déficiences (extrêmement faible, très faible et faible).
Dans une déclaration à l'occasion de la Journée internationale de l'eau, le 22 mars 2006, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, avait affirmé que 18 % de la population mondiale n'a pas d'eau potable et que, chaque jour, les maladies causées par l'eau souillée font 6000 morts, surtout des enfants.
Le droit à l'eau potable est le droit pour chacun de bénéficier d'une eau saine à un prix abordable et en quantité suffisante pour satisfaire ses besoins fondamentaux. Ce droit est de plus en plus reconnu tant au niveau national qu'international. Il est mis en oeuvre à plus de 90 % dans les pays de l'OCDE et à près de 100 % dans les grandes villes. Le droit à l'eau potable peut être assimilé à un droit de l'homme. Il découle du droit à la santé, du droit au logement, du droit à des conditions décentes de vie et du droit à un environnement sain. Ces divers droits figurent notamment dans la Charte sociale européenne révisée (Strasbourg, 1996) et dans les constitutions de nombreux pays. Selon la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (Art. 25), « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille notamment pour l'alimen- tation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ». Cet article inclut implicitement le droit à l'eau. Mais, somme toute, en Haïti, on n'en est pas encore là.
Par Thomas Lalime et Rock André

Mot clef:

droit à l'eau (CI) (DT) (OP)

Pays concerné:

Haïti (CI) (DT) (OP)

En cas de lien brisé, nous le mentionner à communication@pseau.org

Commentaires:
26-09-2011
c'est impressionant !!!
je suis wilkens finassant en science juridique et team l'eader d'un e ong qui travail en eau8 pour la commune de leogane,jue te presente mes feli8citation pour cet article je l'ai trouver dans le carde des reches que j'ai fais pour mon memoir de sortir de fac...mon e-mail est wilkensscottfifi@yahoo.fr...ecris moi mon frere.
wilkens scottjuriste - grand goave - HT
17-12-2009
c'est un tres beau document
j'ai pas tout lu a propos de ce document cependant, ce que j'ai lu m'a plu. j'ai presentement un projet de mi-session sur l'adduction en eau potable de la ville de cotin. Si possible j'aurai aimé avoir d'autre information par rapport a la qualité de l'eau, la conséquence de la pollution de l'eau,les analyses a faire et comment traitée les données
Bernard bennycafeetudiant - Port-au-Prince - HT
03-04-2009
Je trouve le document très pertinent
Votre ducument me sera d'une grande utilité car je suis en train de rédiger un mémoire sur le droit à l'eau potable en Haiti.Je sollicite vivement votre support,suggestions et autres
David LaurentEtudiant finissant en scincse juridiques à la faculté de droit et des sciences économiques de l'université d'Etat d'Haiti - Port-au-Prince - HT
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