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Le partage de l'eau, une diplomatie qui reste à inventer


article de presse Sep 2008
Aut. Gaëlle Dupont
Ed. Le Monde - Paris
Page de présentation d'un éditeur
Article:
Quand on leur demande de citer un exemple de fleuve, ou de nappe d'eau transfrontalière, géré de manière concertée et harmonieuse entre plusieurs pays, les experts réunis au 13e Congrès mondial de l'eau, qui s'est déroulé du 1er au 4 septembre à Montpellier, marquent un temps d'arrêt. "Il n'y en a pas", finissent-ils par constater.

En fait, il en existe un, découvert lors de la session spéciale du congrès consacrée aux eaux transfrontalières. Depuis 1978, la France et la Suisse gèrent ensemble, sur la base d'un système de quotas, une nappe souterraine qui alimente, entre autres, Genève. C'est "une vieille copropriété qui fonctionne", a résumé un représentant des collectivités françaises impliquées. Les deux pays sont riches, amis, et l'eau abonde dans la région, ce qui explique ce succès. "C'est sans doute un cas unique au monde", a commenté Didier Pennequin, chef du service eau au Bureau des recherches géologiques et minières. Les cas du Rhin et du Danube sont également parfois cités.

Mais le plus souvent, l'hostilité, ou l'absence totale de relations entre Etats partageant des ressources en eau, domine, chacun agissant à son gré sans se soucier des conséquences pour son voisin. Quelque 260 bassins fluviaux sont partagés par deux pays ou plus dans le monde, ainsi que des centaines d'aquifères souterrains. Or, à mesure que les pressions s'accumulent sur la ressource - pollution, augmentation des besoins liés à la croissance démographique, développement de l'hydroélectricité et de l'irrigation, changement climatique -, les tensions augmentent.

"La plupart du temps, les relations entre Etats sont asymétriques, a expliqué Tony Allan, professeur au King's College de Londres. Certains riverains sont faibles, d'autres sont forts." Ce sont les Etats "hydrohégémoniques". Le cas le plus célèbre est celui d'Israël, qui capte l'eau du Jourdain au détriment de la Palestine. L'érection de barrages, qui diminuent le régime des fleuves à l'aval, peut également créer des conflits. Le Vietnam se plaint ainsi des ouvrages érigés par la Chine sur le Mékong, ce qui ne l'empêche pas d'en construire également, cette fois aux dépens du Cambodge.

L'exploitation des nappes souterraines pose des problèmes spécifiques. "Ce sont des ressources invisibles, qui peuvent être atteintes par des milliers d'exploitants, explique l'hydrogéologue Jean Margat. Or les pompages effectués d'un côté de la frontière ont une influence sur le niveau de la nappe de l'autre côté." Ainsi, la surexploitation de nappes d'eau par la Turquie à la frontière turco-syrienne a abouti au tarissement de sources en Syrie.

Par ailleurs, les activités polluantes exercées dans un pays peuvent affecter la qualité de ressources partagées. Le lac Peipsi, situé entre la Russie et l'Estonie, est gravement pollué par l'exploitation de schistes bitumineux - destinée à produire du pétrole -, côté russe. Malgré tous les efforts tentés dans le cadre d'un programme européen, le dialogue entre les deux Etats est au point mort, sauf au niveau des scientifiques et des ingénieurs, plus enclins, semble-t-il, que les administrations à partager leurs informations.

Les chercheurs et experts plaident pourtant en faveur d'accords entre Etats. "Il faut fixer des règles de partage, pour empêcher les rapports de force de prévaloir", affirme M. Margat. Mais, selon M. Allan, "une attention négligeable a été accordée jusqu'à présent à l'établissement de règles de gestion des eaux transfrontalières". Une convention des Nations unies sur les fleuves partagés, qui pose les bases d'une gestion "équitable" entre Etats, a été adoptée en 1997, mais elle n'est pas appliquée.

Il est difficile en effet, pour les Etats concernés, de renoncer à une parcelle de leur souveraineté. "Les Etats hégémoniques ont intérêt au statu quo, ils ne veulent pas s'encombrer de contraintes", explique M. Allan. Certains ont cependant franchi le pas. C'est le cas pour le Mékong ou le Nil, qui font l'objet d'accords entre riverains. Mais, même dans le cadre d'un accord, l'équité ne prévaut pas forcément. Pour le Nil, deux Etats, l'Egypte et le Soudan, se partagent l'essentiel des ressources.

Si elle peut constituer un facteur de tension, la question de l'eau n'a pas, à elle seule, déclenché d'affrontements armés jusqu'à présent. "C'est le contexte politique général dans une région du monde qui détermine la politique de l'eau", affirme Marc Zeitoun, de la London School of Economics and Political Science.

Selon certains experts cependant, la signature d'accords sur les eaux transfrontalières pourrait permettre, par une coopération concrète, d'améliorer de mauvaises relations entre voisins.
Gaëlle Dupont

RÉFÉRENCES
La convention des nations unies sur les cours d'eau transfrontaliers enjoint les états à gérer les fleuves partagés de façon "équitable et raisonnable", et à protéger la qualité de l'eau. les etats "ne doivent pas causer de dommages" à leurs voisins.

106: nombre d'Etats ayant voté la convention, qui n'est toujours pas appliquée. 16 pays l'ont ratifiée, sur 33 ratifications nécessaires. Les eaux souterraines ne font l'objet d'aucune convention.

Mots clefs:

bassin versant (CI) (DT) (OP) , conflit (CI) (DT) (OP) , gestion de la ressource en eau (CI) (DT) (OP) , politique (CI) (DT) (OP)

Editeur/Diffuseur:

Le Monde - Paris
    

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Commentaire:
14-09-2009
La solution existe donc elle n'est plus à inventer mais à appliquer
Il y a assez d'eau sur terre Il faut la repartir Gestion globale de l'eau http://www.dailymotion.com/user/jeandb/video/x1y9l3_criquets-dans-le-pre_politics
Jean-Marc jeandb - Président
Association des biefs du Pilat - FR
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