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Le recyclage des eaux usées, un marché en plein essor



La technique coûte moins cher que le dessalement. Elle se développe aujourd'hui pour répondre notamment aux besoins industriels et agricoles.
article de presse Dec 2015 ; 3 pages
Ed. La Croix - Paris
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Cela pourrait être une des conséquences les plus visibles du dérèglement climatique. D'ici à vingt ans, 40 % de la population mondiale vivra dans des zones en situation de stress hydrique, alors même que les besoins en eau vont continuer à croître, du fait notamment de la pression démographique.

Les pays les plus développés et ceux qui en ont les moyens commencent d'ores et déjà à s'organiser. Le dessalement de l'eau de mer connaît ainsi une forte progression, avec 16 000 usines dans 120 pays, alimentant 200 millions de personnes. Le marché grimpe de 10 % par an en moyenne, avec de nombreux projets au Moyen-Orient.

Mais le prix de l'eau dessalée reste encore très élevé, même s'il a tendance à diminuer grâce aux efforts importants entrepris dans la consommation énergétique des équipements, en recourant par exemple à des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques pour produire l'électricité sur place.

Le recyclage des eaux usées est l'autre grande voie prometteuse pour économiser la ressource. Avec ses grands bassins équipés de filtres aussi fins que des cheveux, la technologie est désormais éprouvée et coûte deux fois moins cher que le dessalement. Les deux groupes français Suez et Veolia dominent largement le secteur et multiplient les projets un peu partout dans le monde. En fait, le principal frein au développement du recyclage de l'eau reste surtout d'ordre psychologique et seulement 2 % de l'eau collectée et traitée dans le monde sont réutilisés. « Les gens ont beaucoup de mal à imaginer qu'ils puissent boire une eau du robinet provenant des égouts, même si son traitement correspond à toutes les normes sanitaires en vigueur », souligne Marie-Ange Debon, directrice générale adjointe de Suez chargée de l'international.

L'un des rares pays à avoir adapté sa législation en ce sens est Singapour, afin de réduire au minimum sa dépendance à l'égard de la Malaisie. Le recyclage des eaux usées assure ainsi aujourd'hui un tiers des besoins quotidiens de la cité-État. « Pour convaincre les habitants, le gouvernement a fait distribuer dans les écoles des petites bouteilles d'eau recyclée après chaque cours de sport, raconte Antoine Frérot, le PDG de Veolia. Ce sont les enfants qui ont permis de vaincre les réticences des parents. » Un cas extrême, car la grande majorité des usines de recyclage d'eaux dans le monde cherchent à répondre aux besoins agricoles et industriels, là d'ailleurs où les demandes de consommation sont les plus importantes.

L'usine de West Basin à Los Angeles est un modèle du genre, alors que la Californie connaît de graves problèmes de sécheresse. Plutôt que de renvoyer l'eau retraitée dans la baie de Santa Monica, on l'utilise pour l'arrosage des jardins et des golfs (très nombreux dans la région), l'irrigation des cultures, mais aussi l'industrie locale. Une partie de l'eau est également réinjectée dans la nappe phréatique, et va donc se retrouver donc tôt ou tard dans les robinets, après un nouveau traitement. En tout, cinq niveaux d'eau sont produits, chacun répondant à un usage bien précis. Gérée par United Water, la filiale américaine de Suez, l'usine de West Basin est la plus importante du pays: elle produit au total 240 000 m3 d'eau par jour, soit l'équivalent de la consommation d'un million d'habitants. « Cela a permis de réduire de 20 % les importations d'eau potable de la zone côtière de Los Angeles, là ou est concentrée 90 % de la population », souligne Antoine Vuillermet, le directeur du site.

Une vingtaine de projets d'usines de ce type sont actuellement à l'étude en Californie. L'eau recyclée est présentée comme une alternative au dessalement, dénoncé par les défenseurs de l'environnement pour ses rejets de saumure dans la mer sur des zones très concentrées. Compte tenu des oppositions locales, la nouvelle usine de dessalement de San Diego, la plus grande du monde occidental, exploitée par l'israélien IDE, mettra ainsi plus de douze ans à sortir de terre.

« Le coût des projets d'eau recyclée varie beaucoup selon la qualité de l'eau fournie. Cela ouvre beaucoupde possibilités, notamment dans les pays qui ont de faibles ressources financières », affirme Marie-Ange Debon. En octobre dernier, Suez a ainsi inauguré en octobre l'extension de l'usine de traitement des eaux usées d'Amman, en Jordanie, qui traite les effluents de 3,5 millions d'habitants. Avec l'aide de financements internationaux, elle couvre aujourd'hui 10 % des besoins en eau du pays pour l'agriculture.

Mais le marché de l'eau recyclée a surtout été dopé ces dernières années par l'industrie. « Dans certains secteurs comme les mines, la réutilisation de l'eau consommée est même devenue une condition impérative pour pouvoir opérer », affirme Antoine Frérot, qui en a fait un des axes de sa stratégie. En octobre, Veolia a ainsi remporté un contrat aux États-Unis pour la construction d'une usine de recyclage des eaux issues de la production de gaz et de pétrole de schiste. Il y a quelques jours, il a signé un accord mondial avec Danone pour l'ensemble de ses sites, avec l'objectif d'atteindre « zéro rejet liquide » pour assurer une réutilisation optimale de l'eau.


BOURBON Jean-Claude

Editeur/Diffuseur:

La Croix - Paris
    

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