L'eau ne coule pas de source: utilité d'un système d'information et de contrôle | ||||||
Au-delà du robinet et de la facture d'eau, que savons-nous vraiment des services d'eau et d'assainissement? L'usager connait les grands groupes et sait que l'eau est organisée par sa commune. Est-ce si simple ? article de presse Mar 2010 ; 1 pages Aut. Lætitia Guérin-Schneider Ed. Le Monde - Paris Téléchargeable chez l'éditeur Article: Le réseau d'eau, enfoui sous terre, est beaucoup moins visible que des réseaux comme l'électricité, le téléphone ou le chemin de fer. L'eau du robinet ne tombe pourtant pas du ciel... Elle est pompée, traitée, stockée, transportée, contrôlée. Cela nécessite des investissements. Il faut aussi gérer les relations avec les abonnés. Tout cela a un coût. Parce que l'eau ne se transporte pas facilement, les réseaux d'eau et l'assainissement sont locaux et demeurent de véritables monopoles naturels. Pour cette raison, l'organisation du service a été confiée à la commune, autorité publique locale. Depuis la création des services d'eau modernes, qui commence dans les grandes villes françaises à la fin du XIXe siècle mais se généralise après guerre, les communes sont face à une double question: comment répondre aux attentes des usagers et comment financer le service. Cette question renvoie à une dimension technique (mettre en œuvre des technologies pour assurer la performance attendue) et gestionnaire (organiser et financer). Les réponses apportées vont faire émerger le besoin de transparence et de contrôle. UN SERVICE PUBLIC EN MONOPOLE Durant la période de reconstruction, l'enjeu majeur est l'accès au service pour tous. Les communes, notamment rurales, bénéficient de subventions importantes et d'un appui technique de l'Etat. La recherche d'une échelle de gestion pertinente, permettant la mutualisation des moyens conduit à créer des syndicats intercommunaux. D'autres communes ont recours à la délégation et confie l'exploitation du service et parfois les investissements à une entreprise privée. Dans les années soixante-dix, la régie reste encore le mode de gestion dominant, mais progressivement, les contrats de délégation se développent et les grands groupes se structurent. Les services d'eau arrivent à maturité. Mais la décennie suivante va marquer un tournant. Les directives européennes inscrivent de nouveaux objectifs sanitaires et environnementaux. Ils impliquent un saut technologique pour assurer des traitements plus poussés, pour la potabilisation de l'eau et le rejet des eaux usées. La synergie entre collectivités et gestionnaires privés s'était construite en partie sur des enjeux financiers, les collectivités apportant un marché stable et rentable et les entreprises apportant des moyens de financement. Elle va se poursuivre désormais sur le plan technique. Les entreprises apportent une professionnalisation qui assure l'atteinte des nouvelles contraintes réglementaires. La délégation devient le mode de gestion majoritaire. Mais ce saut technologique se répercute sur les investissements et les prix, d'autant que le système des agences de l'eau, en subventionnant les investissements, non plus par la fiscalité, mais par l'augmentation des redevances payées sur la facture d'eau, joue comme un amplificateur. Quelques affaires politico-financières font grand bruit, alors que le financement public des partis n'existe pas encore. Le manque de concurrence devient patent. La crédibilité des opérateurs et des élus est entamée. Alors même que la facture d'eau reste un poste de dépense objectivement moins important que celui de l'électricité ou du téléphone, le prix de l'eau va cristalliser l'attention des consommateurs. UN SYSTEME D'INFORMATION NATIONAL SUR LA PERFORMANCE DES SERVICES Une première réponse à la crise de confiance passe par la loi Sapin de 93 qui réforme la procédure de délégation, la rendant plus transparente et concurrentielle. Parallèlement se fait jour l'intérêt de diffuser des indicateurs de performance, traduisant pour les élus et les usagers les résultats des services. La réglementation commence timidement par définir des obligations de rapports annuels. Puis Dominique Voynet, Ministre de l'environnement, annonce qu'elle veut instituer un régulateur national de l'eau. Ce contexte suscite de nombreuses initiatives pour proposer des indicateurs. Avec le changement de majorité en 2002, le projet Voynet est abandonné. Néanmoins la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 retient l'idée d'un observatoire national: le Système d'Information sur l'Eau est confié à l'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques. Un décret de 2007 définit les indicateurs. La première collecte officielle de données a été réalisée en 2009. Elle s'est heurtée à la difficulté de faire remonter des informations fiables et complètes de plusieurs milliers de services. Etant donnés les moyens engagés sur le terrain, on peut espérer que la qualité des informations ira croissante. Toutefois, pour que les indicateurs soient vraiment utiles, deux conditions devront être réunies. D'abord, il faudra être capable de donner du sens aux comparaisons et constituer des références, par type de services. Ainsi, il n'y aurait pas de sens à comparer les pertes d'eau entre un réseau rural et un réseau urbain, structurellement plus sujet aux fuites. Ensuite, la responsabilité restant locale, il est capital que les collectivités s'approprient cet outil. Dans un contexte de retrait de l'ingénierie publique, il n'est pas certain que l'ensemble des collectivités auront les compétences nécessaires. Leur volonté d'utiliser les indicateurs sera d'autant plus forte et durable que les usagers continueront d'exiger des comptes. La phase qui s'annonce est donc cruciale. Afin d'instaurer un débat plus objectif sur la performance des services, il reste à consolider l'utilisation par les communes des indicateurs comme outil de contrôle et à assurer une diffusion pédagogique vers les usagers.
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