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Loïc Fauchon : «L'eau potable vaut bien le téléphone portable»


article de presse Mar 2006
Aut. Marielle Court & Caroline de Malet
Ed.
Le Figaro - Paris
Téléchargeable chez l'éditeur
Article:
Le Français Loïc Fauchon est président du Conseil mondial de l'eau, l'organisme qui coordonne le forum qui s'ouvre aujourd'hui à Mexico.

LE FIGARO. – Vous affirmez que les «Objectifs du millénaire» pour le développement des Nations unies ne peuvent être atteints dans le domaine de l'eau. Pourquoi ?

Loïc FAUCHON.
–Il ne faut pas s'attendre à ce que les pays en voie de développement fassent en quelques années ce que l'on a réussi en cinquante ans. Il faut plutôt se projeter à un horizon de 2025. Nous avons complètement mésestimé la question de l'Inde et de la Chine, à moins que ces deux pays ne fassent des progrès fulgurants. Lorsque l'on regarde la ville de Shanghaï, on peut être optimiste, mais c'est oublier l'énorme décalage avec la campagne chinoise.

La communauté internationale s'est-elle trompée ?

Depuis les engagements pris en 2000, la situation de l'eau dans le monde a été bouleversée par trois facteurs que l'on n'avait pas prévus. L'évolution du climat est le premier d'entre eux. On voit bien que l'on va devoir faire des investissements là où on ne pensait pas que l'on aurait à en faire. La pollution liée aux concentrations urbaines tant au nord qu'au sud conduit ensuite à un surcoût en matière de traitement des eaux. Enfin, la croissance de la population crée des besoins beaucoup plus importants, en particulier parce qu'elle se concentre dans des mégalopoles. On compte aujourd'hui plus de 650 villes de plus d'un million d'habitants. Il va donc falloir revoir les objectifs. Sans compter que l'ensemble des évaluations sur les besoins financiers pour assurer les objectifs varie considérablement d'un rapport à l'autre.

C'est-à-dire ?

Tous les rapports aboutissent à des conclusions très variées, estimant le besoin de 9 à 30 milliards par an. Cela montre à quel point il est difficile de travailler à partir de statistiques internationales, car ce ne sont jamais les mêmes critères qui sont retenus. En fait, il semble plus intéressant de se concentrer sur des études par pays.

Beaucoup de voix s'élèvent pour que l'on descende même au niveau local...

Cela dépend bien sûr de la taille du pays, mais l'eau se prête effectivement à la décentralisation. C'est ce qui se passe en France et dans plus de quarante autres pays dans le monde. La pertinence du système français tient dans le fait qu'il met en jeu trois niveaux : l'État qui assure la police, le bassin pour des raisons de géographie physique et enfin la commune pour la gestion.

Mais dans les pays qui en manquent, l'accès à l'eau est-elle bien toujours la priorité ?

Quand 5% de l'aide au développement sont consacrés à l'eau, 20% à 30% sont destinés aux télécommunications. Il faut mettre ces deux chiffres à niveau. L'eau potable vaut bien le téléphone portable.

Comment éviter que des installations de distribution ou de traitement des eaux entièrement neuves ne se retrouvent, faute de maintenance, abandonnées au bout de quelques années ?

Tout d'abord, en mettant fin aux transferts systématiques de technologie nord-sud. En matière de récupération des eaux pluviales par exemple, une bonne partie des Africains a beaucoup plus d'expérience que nous. Pour la maintenance, chaque fois que l'on met 10 euros dans un investissement, il faudrait deux ou trois euros de plus, prévus sur une certaine durée, pour permettre la maintenance et la formation des hommes et des femmes qui l'assureront. Toutes les aides doivent satisfaire à cette condition.

Le forum mondial de l'eau doit-il se transformer en conférence internationale et permettre ainsi des engagements politiques ?

Surtout pas. La question de l'eau a été inscrite au G 8 qui s'est tenu à Evian et les décideurs peuvent s'engager sur cette question quand ils le souhaitent. Au Forum, interviennent des personnes qui n'ont jamais la possibilité de le faire.

En cas de lien brisé, nous le mentionner à communication@pseau.org

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