Mexico malade de l'eau polluée | |||
press article Mar 2006 Aut. Marielle Court Ed. Le Figaro - Paris Downloadable from the publisher Article: La ville où se tient le Forum mondial de l'eau est aujourd'hui incapable de fournir l'eau nécessaire à la vie de chacun de ses habitants. LES DEUX MAINS dans les poches de son survêtement bleu, Benjamin Vargas regarde défiler les manifestants qui arpentent la grande avenue de la Reforma, à Mexico. S'il n'a pas l'intention de leur emboîter le pas, il adhère pleinement à l'une des revendications : l'accès à l'eau pour tous les habitants de la capitale mexicaine, et à une eau propre. «Nous sommes sept à la maison, raconte l'homme aux cheveux poivre et sel, mais chez moi, l'eau coule épisodiquement.» Une eau de mauvaise qualité qui le contraint à acheter des bouteilles pour boire et à stocker celle de la ville dans une citerne ou, quand il en manque encore, de payer un prix prohibitif au vendeur d'eau qui passe régulièrement dans son quartier d'Istacalco. A quelques pas de lui, Yrenna Hernandez, qui habite le quartier d'Itzapalapa, connaît exactement le même sort : «Nous avons de l'eau un jour par semaine, et quand elle sort du robinet, elle est sale et contaminée», affirme la jeune femme, mère de trois enfants. «On ne peut pas continuer à voir des gens qui n'ont pas d'eau et d'autres qui arrosent leur pelouse», s'emporte à son tour Delia Celis. Pour tous, la tenue dans leur ville du quatrième Forum mondial de l'eau est une occasion rêvée de faire entendre leur voix même s'ils ne se montrent guère optimistes. Le problème de l'eau à Mexico est en effet récurrent et très complexe. A cela, plusieurs raisons. La première est la démographie galopante. «La ville est passée de 3,6 millions d'habitants en 1950 à plus de 20 millions aujourd'hui», rappelle Cristobal Jaime Jaquez, le directeur de la Commission nationale de l'eau. Et les infrastructures n'ont jamais suivi. Tout particulièrement ces dernières années : «Cela fait onze ans qu'il n'y a pas eu de grands travaux et donc pas une goutte d'eau supplémentaire», s'inquiète Cesar Buenrostro, ministre des Travaux publics de l'Etat de Mexico. La deuxième est liée à la situation géographique. La ville, située dans une cuvette, ne dispose d'aucun fleuve. Elle ne s'en sort que grâce à la nappe phréatique qui se trouve dans son sous-sol et à des captages effectués dans les provinces voisines. Mais la nappe est officiellement surexploitée, «trois fois plus qu'il ne faudrait», assure Alain Bernard, ingénieur, spécialiste de l'Amérique latine à l'Office international de l'eau. Pis, du fait de ce drainage en profondeur, Mexico s'enfonce chaque année de quelques centimètres jusqu'à plus d'un mètre dans certaines zones, brisant un grand nombre de canalisations. Quant aux pipelines de plusieurs dizaines de kilomètres, ils perdent en cours de route près de 30% de l'eau transportée en raison de fuites et sont évidemment source de conflits avec les populations locales. Infrastructures insuffisantes pour les eaux usées Enfin, la ville ne dispose de quasiment aucune infrastructure de traitement des eaux usées. Et l'argument longtemps avancé selon lequel ces eaux sales, rejetées de l'autre côté des collines qui entourent la ville, font le bonheur de plus de 60 000 familles mexicaines car elles enrichissent des terres qui, sinon, seraient restées infertiles, n'est plus audible aujourd'hui. «Les dommages causés à la santé des travailleurs agricoles sont au coeur des préoccupations des autorités», assure Cristobal Jaime Jaquez. «Il y a dans cette région vingt fois plus de maladies liées à l'eau que dans le reste du pays», rappelle de son côté Jacques Sicard, l'un des responsables de l'agence de l'eau Seine-Normandie jumelée avec son équivalent du bassin de Mexico. L'une des multiples conférences du sommet de l'eau a été l'occasion pour les autorités de la ville de Mexico de montrer leur volonté de faire évoluer la situation. Elles espèrent notamment réduire les conflits avec les communautés voisines en réparant les fuites des pipelines et en redistribuant l'eau ainsi économisée. En matière d'assainissement, la construction de plusieurs stations d'épuration est programmée. «Cela va notamment permettre aux agriculteurs qui jusqu'à présent étaient obligés de cultiver des produits non comestibles de travailler des cultures à plus grande valeur ajoutée», se félicite Cesar Buenrostro. L'ensemble des conduites d'eau de la ville doit également être remplacé par des tuyaux plus souples capables de supporter les mouvements du sol. Reste à convaincre les habitants de Mexico, dont les 18% qui ne sont toujours pas raccordés au réseau de distribution, de cette bonne volonté politique. Que la population de la ville, selon les prévisions démographiques, ne doive plus guère augmenter durant ce siècle est un premier encouragement.
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